La Charente-Maritime, l'autre pays du thym

En quelques années la coopérative BIOLOPAM est devenue la première productrice de thym bio pour l'herboristerie en France. Ils sont aujourd'hui 22 agriculteurs comme Emmanuel Marchand de la Ferme du Mont d'Or qui, lui aussi, se lance dans l'aventure des plantes aromatiques.

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La ferme du Mont d'or est juchée sur un coteau boisé à l'entrée du village du Thou. Entre La Rochelle et Rochefort, il vous faudra tourner à droite, quitter la rase campagne céréalière et vous laisser guider par les chênes centenaires qui grimpent ce petit chemin ombragé pour rencontrer Emmanuel et Stéphanie. Cela fait maintenant dix ans qu'ils se sont lancés le défi de vivre d'une agriculture différente. 

"On ne dit pas exploitation mais ferme", corrige d'emblée Emmanuel au visiteur d'un jour, "dans la sémantique, on aime bien prendre la tangente. On n’exploite rien ici". De fait, la ferme donc, occupe certes près de cent hectares mais, de visu, on s'aperçoit tout de suite qu'un dixième du paysage a été dédié à de l'agro-foresterie. Haies buissonnières, bandes enherbées et plantations d'arbres séparent une douzaine d'ilots cultivés. "On est en bio, on travaille à 100 % sur des cultures d’alimentations humaines et ça, c'était un choix fort dès le début", explique-t-il, "je suis hyper vigilant sur la mosaïque et la rotation des cultures".

A la ferme du Mont d'Or, on peut donc acheter de la farine, des légumes secs, mais aussi du pain cuit avec amour par Stéphanie dans le fournil et, depuis quelques années, boire "La Piaf", la bière confectionnée à partir des céréales locales par Thomas Vergnaud, paysan bio brasseur en Deux-Sèvres. Cinq hectares ont également été alloués à l'Arozoaar, un jardin de cocagne d'insertion qui emploie une vingtaine de personnes en maraîchage. Et le thym dans tout ça, nous direz-vous. On y vient.

"On a essuyé en 2020 une année compliquée en production. On s’est dit qu’il fallait se bouger les fesses pour ne pas se retrouver dans le rouge", explique Emmanuel.  Alors, pour passer du rouge au vert, couleur de l'espoir, le Mont d'or a décidé de passer par le bleu. Car, à Sainte-Soule, au nord de la Rochelle, non loin de là, d'autres agriculteurs pas comme les autres ont eu une drôle d'idée, il y a dix ans. 

"C'était l'aventure, mais c'était réfléchi".

Didier Dorin, lui aussi, avait des envies de revenir travailler la terre de ses parents. Au cours de ses pérégrinations, il a rencontré dans la Drome des producteurs de plantes aromatiques et ces vastes étendues bleutées de thym lui ont donné des idées. "C’est sûr qu'à l’origine, c'est une plante de garrigue qui pousse là où rien d’autre ne pousse, mais si on la plante ailleurs, elle pousse aussi, s’il n’y a pas d’excès d’eau. D’ailleurs sur le thym bio, le premier producteur, c’est la Pologne et pour la lavande, c’est la Bulgarie".

Ils étaient six au départ organisés dans un groupement d'intérêt économique (GIE). Finalement, en octobre 2018 est née Biolopam pour "production biologique de plantes aromatiques et médicinales". Aujourd'hui, la coopérative compte 22 paysans qui, sur près de 60 hectares, ont donné un petit air de Provence à la plaine d'Aunis. "C’était l’aventure mais c’était réfléchi", explique Didier, "on savait que notre sol et notre climat était propice à cette culture parce que certains avaient déjà essayé pas loin d’ici. On savait que techniquement ça pouvait se faire et j’avais été voir les producteurs de Drome avec qui on est d’ailleurs toujours en contact. Eux sont sur une IGP herbes de Provence, du thym comme condiment, nous sur un label bio origine France. On n’est donc pas en concurrence".

La Ferme du Mont d'Or s'apprête donc à rejoindre la coopérative. Pour se lancer, Emmanuel a lancé un projet de financement participatif pour investir dans des plants, du matériel et de la main d'oeuvre. Suivant les conseils de Didier, une première expérience va être réalisée sur un demi-hectare de la ferme. "Si la culture est bien conduite, ça peut être vite rentable, mais les erreurs coûtent chères", explique Didier, "une mauvaise implantation et ce qu’on a semé peut tourner au cauchemar avec des faibles rendements pour beaucoup d’heures de main d’œuvre pour en tirer quelque chose. Mais, en gros, l’idée pour nous, c’est qu’un hectare de thym égale dix hectares de blé".

A la mi-mai, Emmanuel va donc apprendre un nouveau métier. Rien à voir avec ses grandes parcelles de blé ou d'épeautre. "C’est une expérimentation parce qu’il faut voir si ça nous plaît. Il y a des paysans qui ne vont pas avoir cette fibre où on revient à un travail plus fin du sol avec du désherbage manuel, ce qu’on n’a plus du tout quand on est en grandes cultures". Reste que ce thym pourrait bien donner un nouvel élan à la ferme du Thou.

Une filière certifiée "équitable"

Car la vie étant bien faite, l'agglomération rochelaise héberge, comme on le sait, un des poids lourd français des produits alimentaires et de la cosmétique bio, le groupe Léa Nature. Avec un chiffre d'affaire qui frise le demi-milliard d'euros, la success story de Charles Kloboukoff, son créateur, s'est écrite sur la base d'un crédo résolument tourné vers la responsabilité citoyenne et environnementale. Alors forcément, ces originaux qui avaient décidé de planter du thym en Charente-Maritime, c'était comme une aubaine pour l'entreprise.

"C’était une bonne relocalisation. Historiquement, notre thym venait essentiellement de Pologne", nous explique Stéphanie Gallais, responsable des approvisionnements pour le groupe Léa Nature, "et sur le réseau grande et moyenne surface, c’est un marché en croissance". Les perspectives d'avenir sont donc plutôt bonnes pour nos producteurs de thym charentais. 

"Nos concurrents commencent à venir sur le bio donc, depuis un an, on est passé sur une référence « bio éthique »", poursuit Stéphanie Gallais, "on a donc certifié notre filière de thym en équitable pour garder notre avance. On assure un revenu aux producteurs de Biolopam qui est validé par un organisme tiers. Ça ne change pas beaucoup parce qu'on les payait déjà très « justement », mais on a aussi signé un contrat sur trois ans  pour qu’ils puissent avoir plus de visibilité et anticiper leur production".

La Charente-Maritime risque donc bien de rester, pour quelques années encore, le premier producteur de thym bio origine France du pays. "L’idée, c’est de rester en hyper local pour des questions de gestion logistique. On est plutôt dans la logique d’insérer naturellement nos volumes sur le marché pour ne pas avoir de coûts commerciaux", conclue Didier Dorin, "on ne va pas se payer des stands sur des salons internationaux. On prend le risque éventuel de perdre des opportunités ou même de se faire doubler par la concurrence, mais pour l’instant on répond juste à la demande et ça nous va comme ça".

A la ferme du Mont d'or, on prévoit donc d'ores et déjà d'agrandir la première parcelle de thym et pourquoi pas à l'avenir, comme les autres membres de la coopérative, se lancer dans la verveine ou l'origan. Il ne manquera plus que la douce musique des grillons pour que la campagne rochelaise prenne définitivement des airs de garrigue.

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