Pour la 40ᵉ édition des Francofolies de La Rochelle, l'artiste culte Jean-Pierre Mader participe aux Folies Littéraires, un moment de rencontres et de débats littéraires et musicaux. Entre son rapport à la célébrité et la peur face à l'arrivée de l'intelligence artificielle, le chanteur toulousain se livre. Entretien.
Après avoir chanté des tubes ayant fait danser des générations avec "Disparue" ou "Macumba", le chanteur toulousain Jean-Pierre Mader se mue en écrivain. Il a coécrit, avec le journaliste Pascal Alquier, un ouvrage autobiographique "On connaît ma chanson". Il retrace son parcours jusqu'à Stars 80. Présent dans le cadre des Folies Littéraires des Francofolies 2024, l'artiste se livre à cœur ouvert.
Pourquoi avoir écrit cet ouvrage ?
À l’origine, c'est un éditeur toulousain qui est venu à ma rencontre. Je me suis dit que c'était le moment de retracer un parcours socio-historique d'un artiste des années 80, de pouvoir faire vivre, à des jeunes musiciens qui s'intéressent à la révolution culturelle et musicale de cette époque-là. On suit le parcours d'un artiste, en l'occurrence le mien, qui vient d'un milieu assez modeste et qui va rentrer dans ce monde de la musique avec des hauts et des bas. Ce n'est pas uniquement un récit centré sur moi, mais également autour de moi : je pense à l'éclosion de Jean-Jacques Goldman... Toute cette période incroyable pour nous, artistes, avec l'arrivée des radios libres ou de Canal +.
Quelle différence faites-vous au niveau de l'écriture d'un livre et une chanson ?
Avec ce livre, j'avais envie de raconter mon enfance, de parler de mon passé que j'avais longtemps occulté pour laisser une autre histoire à mes enfants. J'ai perdu ma mère jeune, d'une crise d'asthme accidentelle, et je suis devenu orphelin à l'âge de 20 ans, ce qui est un peu jeune. J'avais envie de raconter autrement. Je sais que la tournée Stars 80 ne va pas durer encore dix ans, et j'avais envie de rassembler mes souvenirs, mes dossiers dans cet ouvrage. C'est une sorte de psychothérapie que j'ai faite avec ce livre : je commençais à y penser dans le bus de la tournée, où je m'enregistrais et où je racontais ma vie.
Comment le titre "Macumba" est-il né ?
Lors de l'été 84, j'étais sorti de l'ombre avec le titre "Disparue" qui avait fait numéro un des clubs. C'était l'époque des titres avec Franky Goes To Hollywood, Jimmy Somerville et la disco italienne. Après cela, je n'avais pas vraiment d'idée. J'avais contacté le directeur artistique de Philippe Lavil, Jean Maresca, avec son tube "Il tape sur des bambous" (il chante). J'avais fait une musique un peu latino pour survivre un peu. Ils ne l'ont pas gardée. Avec un ami à moi, dans un taxi de la place de la Concorde à l'aéroport d'Orly, on a fini d'écrire cette chanson. Trois mois après, c'était le début d'un rêve éveillé, je l'entendais dix fois par jour.
Aujourd'hui, j'ai beaucoup de versions étrangères de cette chanson, au moins une quarantaine de versions : portugaise, chilienne, japonaise... Ça reste un peu kitch, mais c'est assez drôle.
VIDEO. Clip officiel "Macumaba" - Jean-Pierre Mader
VIDEO. Entretien avec Jean-Pierre Mader : Paul Grelier et Caroline Hubert
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L'an dernier, Sheila était montée sur scène aux Francofolies, preuve que ce festival n'est pas fait uniquement pour les artistes nouvelle génération. Aimeriez-vous aussi y retourner ?
Oui, j'aimerais bien retourner sur scène. Je pense qu'il y a quelque chose à faire avec Stars 80... Pour une journée du 14 juillet par exemple. On est un groupe familial : cela pourrait être une formidable fête populaire. Que ce soit Patrick Hernandez, Emile et Images, on a tous cette fibre populaire. Faire les Francos, ce serait bien.
Vous avez travaillé aux côtés de François Hardy, décédée il y a un peu moins d'un mois. Avez-vous un souvenir particulier avec elle ?
On s'est écrit beaucoup par mail ces derniers temps. Je me souviens de journées passées chez elle, rue Allez, près de la place d'Italie. Elle habitait une maison toute noire : un jour, j'arrivais vers 16 h et elle me dit : "Fais pas de bruit, il y a Jacques (Dutronc) qui dort !" Alors qu'il était 16 h 30 ! (rires).
On a fait deux ou trois chansons ensemble, et c'était vraiment bien. Elle était une grande auteure : elle était très forte dans le registre du fragment amoureux. Lorsque j'ai divorcé, on a notamment collaboré sur le morceau "En résumé, en conclusion", qui a tourné énormément dans les clubs en 1992.
Quel regard portez-vous sur la nouvelle génération ?
J'écoute beaucoup BigFlo & Oli, ce sont mes voisins ! (rires). J'avais adoré leur concert au Stadium de Toulouse. Maintenant, ils ont leur propre marque de vêtements... Nous, à notre époque, nous n'étions pas entrepreneurs. Ce n'est pas du tout la même génération.
Je me fais du souci pour cette nouvelle génération : je me demande si un musicien à l'opportunité réellement de vivre de sa passion et d'en faire son métier. L'arrivée de l'intelligence artificielle prend de plus en plus de place : ce sera un des gros chantiers du futur Ministre de la Culture, mais aussi de la Sacem. Je me suis moi aussi mis à composer avec l'aide de l'intelligence artificielle, notamment avec Patrick Hernandez : c'est vachement bien !
Concernant Stars 80...
On a quelques dates à la fin de l'année, mais il n'y aura pas de tournée pour 2025. On va se concentrer vers 2026, à l'occasion des vingt ans. Est-ce que ce sera la dernière ? Je n'en sais rien.