Martin Charpentier est un photographe citoyen engagé. Sur les murs de la ville, il colle des portraits grandeur nature de Rochelais investis dans la transition écologique. Entreprises, associations, particuliers sont mis à l'honneur le temps d'une exposition gratuite et éphémère.
"J’ai vraiment pris conscience qu’il y avait quelque chose qui se passait chez les gens", se souvient Martin Charpentier, photographe.
Tout a commencé dans le quartier populaire de Villeneuve-Les-Salines de La Rochelle avec un premier projet qui s'appelait "J'habite ici". À l'appel d'un collectif d'associations, Martin Charpentier a commencé à immortaliser des habitants de la cité, des anonymes et des visages connus. Sur les murs des immeubles, chacun pouvait reconnaître un voisin, un ami ou un visage qu'il croisait le matin à la boulangerie ou au PMU.
"Je ne savais pas comment m'engager."
"Quand je collais, les gens m’abordaient pour me dire 'Super ! Enfin quelqu’un qui s’occupe du quartier !'", se souvient Martin. "Les gens s’emparaient du projet et l’effet était fort parce que les images sont grandeur nature. Les gens étaient heureux de voir des visages qu'ils connaissent, qu’ils côtoient au quotidien. C’est un peu le principe de la presse locale, c’est de se retrouver dans le journal, mais là, c’était en direct. Et souvent on me disait aussi que ça mettait de la vie, que ça rendait la rue plus gaie, vu que tous les gens que je photographie ont le sourire souvent".
Martin Charpentier est un photographe comme tant d'autres. Longtemps, il a eu sa boutique à Aytré, près de La Rochelle. Puis il s'est mis à son compte comme photographe de presse, mais aussi auprès des collectivités locales ou des entreprises. Le boulot quoi. Mais comme beaucoup, il avait envie de donner du sens à son métier. "Je suis inquiet comme tout le monde à propos des questions écologiques et de l’ambiance générale, la dérive de l’entre soi, de la peur des autres et des risques de conflits", explique-t-il. "Donc ce projet, c’est peut-être une forme de thérapie. Moi, je ne savais pas comment m’engager, mais je voulais montrer ce qu’il se passait ici au niveau local. Ces photos parlent plus que n’importe quel message politique".
"Des héros du quotidien"
Avec l'aide du Centre National des Arts de la Rue (CNAR), ils décident donc de monter ce projet ambitieux de réaliser plus de 400 portaits de citoyens engagés pour l'environnement dans l'agglomération. Ça s'appelle " J'agis ici... et je m'y colle". Il y a des Cathy, Stella ou Didier de l'association "Remplir les ventres pas les poubelles" qui luttent contre le gaspillage alimentaire. Il y a les salariés de la société Ovive qui recyclent des coquilles d'huîtres ou les chercheurs de Pelagis qui étudient les mammifères marins.
Ce n’est pas la photo qui est importante, c’est le processus de rencontre, de participation et de mise en valeur des gens qui s’approprie le projet global.
"Ce sont des héros du quotidien et qui sont tellement investis dans ce qu’ils font", nous dit le photographe, admiratif, "le message, c’est que l’écologie n’appartient à personne. Si on veut se sauver nous-mêmes, on a tous intérêt à mettre la main à la pâte parce que ça urge et il faudrait éviter de se faire trop mal en prenant le mur, parce que le mur est devant nous. Il faut s’ancrer dans le local pour construire son territoire sans attendre de décisions de politiques".
Martin ne se définit pas comme un artiste de street art. Lui demande toujours des autorisations pour investir l'espace publique. Il ne signe pas ses photos et n'attend aucune reconnaissance. "Ce n’est pas la photo qui est importante, c’est le processus de rencontre, de participation et de mise en valeur des gens qui viennent découper, coller et qui s’approprie le projet global. Même à la prise de vue, les sujets sont acteurs de la mise en scène et ils apportent leurs idées. Ce n’est pas une création personnelle". Modeste Monsieur Charpentier.
Exposés, à leur corps consentant
Ça a un sens politique avec une valorisation du citoyen dans l'espace public.
Un travail collectif donc avec l'amicale d'expression artistique "M2" soutenue par la fondation Léa Nature, les collectivités locales, le ministère de la culture, la ville de La Rochelle bien sûr. Mais le photographe tient à son indépendance, même si, évidemment, la démarche n'est pas sans arrières pensées.
"Ça a un sens politique avec une valorisation du citoyen dans l’espace public ', confirme Anna Guillon du CNAR, " cela permet que l’action de chacun puisse accéder à une certaine universalité. En plus là, c’est joyeux, positif, poétique et humoristique et nous proposons en plus des visites guidées avec la compagnie Brasse Bouillon, une déambulation qui donnera vie à ces photos de façon théâtralisée".
Samedi 19 septembre, rendez-vous est donné devant la maison du Yacht Club sur le vieux port à 11h et 17 heures pour une déambulation théâtrale dans la ville à la rencontre de tous ces anonymes qui, à leurs corps consentants, s'affichent sur les murs de la ville jusqu'à la fin du mois. Ensuite, leurs visages s'effaceront, parce qu'ainsi va la vie. L'important, c'est l'action et l'instant présent, un mouvement que Martin Charpentier tente en vain mais avec talent d'offrir à nos yeux de badauds.