Le GHB, dit "drogue du violeur", sévirait de plus en plus à travers la France. À La Rochelle (Charente-Maritime), une étudiante assure avoir été droguée lors d’une soirée dans un bar. Pour France 3, elle se confie sur cette expérience traumatisante.
Claire est étudiante en biologie marine à La Rochelle. Le jeudi 14 octobre, la jeune femme de 21 ans sort avec des amis. Mais elle ne garde plus aucun souvenir de la fin de sa soirée. Elle est certaine qu’une dose de GHB a été versée dans son verre.
Car Claire se rappelle parfaitement de son début de soirée. Les festivités commencent dans deux bars du centre-ville, où elle commande deux verres. En arrivant dans un troisième bar-dansant, elle prend un troisième verre. Ensuite, "c'est le black out", témoigne-t-elle.
"Je ne me rappelais même plus comment je m'appelais"
Le lendemain, quand elle se réveille chez son amie, elle ne comprend pas pourquoi elle a dormi chez elle. "Je n’avais aucun souvenir qui me revenait en tête". Son amie lui raconte ce qu'il s'est passé : "Apparemment, je l’attendais pendant qu’elle était aux toilettes, et quand elle est sortie, je lui aurais dit que j’avais très mal à la tête", raconte Claire.
"Mes amis m’ont alors accompagnée à l’extérieur, le mal de tête s’empirait. Mon état se serait dégradé en 10-15 minutes et je ne savais plus où j’étais. Je ne me rappelais même plus comment je m'appelais."
Au fur et à mesure des détails que lui donne son amie, Claire fait le lien avec la drogue du violeur, le GHB.
Une drogue inodore et incolore
Le GHB, aussi appelée "drogue du violeur", est inodore, incolore, et n’altère pas le goût de la boisson. Il est indétectable et provoque une "soumission chimique", explique Dr Laurence Vasse, médecin addictologue à La Rochelle. En d’autres termes, cette drogue a un effet désinhibant.
"Ce qui est particulier avec le GHB, c’est qu’il joue sur la mémoire", poursuit la médecin. "Donc la victime va être somnolente. C'est un produit qui va détendre, un peu comme l'alcool. Elle ne va pas enregistrer ce qui se passe". Le produit agit en 15 minutes et les effets durent environ une heure. Les victimes ont du mal à démontrer qu'elles ont été droguées, car en plus de l'amnésie, le GHB disparaît de l'organisme au bout d'une douzaine d'heures.
"C’est aux victimes de se défendre seule"
Au lendemain de sa soirée, Claire est retournée dans le bar pour signaler les faits à l’équipe. "Je suis tombée sur la vigile qui me dit que ce n’est pas la première fois que cette situation arrivait, que quelques cas avaient été dénombrés depuis la fin des confinements." Choquée, Claire demande si le bar peut faire quelque chose.
"Elle nous a dit que malheureusement, ils ne pouvaient rien faire, que le bar est très petit et qu’ils ne peuvent pas fouiller tout le monde à l’entrée du bar. Et que, malheureusement, c’est à chacun de faire attention à ce qu’il se passe."
Une charge supplémentaire pour les victimes. De quoi rendre la jeune femme en colère. "Rien n’est mis en place", regrette-t-elle. "C’est aux victimes de se défendre seule, en achetant des protections pour verre par exemple. Mais c'est aux bars de nous les fournir !"
J’ai le sentiment qu’on a voulu m’utiliser. Cela peut tomber sur n’importe qui et c’est moi qu’on a visé ce soir-là. Quelqu’un a glissé la drogue dans mon verre, j’étais sa cible.
Claire a déposé une main courante
L'administration de substance nuisible est un délit, puni d’un emprisonnement de cinq ans et d’une lourde peine d’amende. Faute de preuves, Claire a seulement déposé une main courante, une démarche que les victimes présumées du GHB ne font quasiment jamais.
Le commissariat de police assure qu'il s'agit du premier signalement de ce type en Charente-Maritime : "Nous n’avions pas eu d’alerte jusque-là", précise Eric Lortet, commissaire de police à La Rochelle. "Même si c'est un phénomène qui date de plusieurs années, ce n’est pas répandu dans le département à ce jour".
Claire, elle, est persuadée que d'autres personnes ont vécu la même chose qu'elle à La Rochelle. Elle a décidé de partager son expérience sur les réseaux sociaux, dans un post qui a déjà reçu des dizaines de commentaires : des marques de soutien, mais aussi de nouveaux témoignages.
Reportage de Morgane Jacob, Annaëlle Blanchard et Martine Sitaud