Anne Bert, qui souffrait d'une maladie dégénérative incurable et défendait la liberté de "choisir sa fin de vie" en France, est décédée ce lundi matin, peu après 9 heures. Elle a été euthanasiée à sa demande dans un hôpital belge, "comme elle l'avait souhaité", a annoncé sa fille.
Anne Bert était atteinte de la maladie de Charcot et vivait en Charente-Maritime à Fontcouverte près de Saintes.
L'écrivaine de 59 ans, qui avait déjà interpellé les candidats à la présidentielle en janvier, a souhaité faire évoluer les mentalités, et la législation française, avec "Le tout dernier été" (Fayard), un livre qui évoque son "combat" pour un départ choisi.
Romancière et ancienne éditrice, Anne Bert souffrait d'une sclérose latérale amyotrophique (SLA) aussi appelée "maladie de Charcot", qui conduit à une paralysie des muscles qui l'"emmure progressivement". Depuis plusieurs semaines, elle avait mis ses dernières forces dans son combat pour le droit à l'euthanasie.
"Cette annonce est un soulagement, car Anne est enfin délivrée de ce corps qui l'enfermait et la retenait. Cette annonce est également une colère car nous n'oublions pas qu'Anne a dû s'exiler dans un pays plus humain (...) pour trouver le repos", a réagi dans un communiqué Jean-Luc Romero, président de l'Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD), qui milite depuis 10 ans pour la légalisation de l'euthanasie.
C'est en janvier 2017 que l'écrivaine de 59 ans avait commencé à faire parler d'elle en rendant publics sa maladie, ses souffrances et son dilemme face à la mort.
Avec des mots forts, Anne Bert avait profité de la campagne présidentielle pour interpeller tous les candidats dans une "lettre ouverte", les mettant en demeure de se "positionner à propos de la légalisation du suicide assisté et de l'euthanasie".
La loi française autorise depuis 2016 la "sédation profonde et continue" jusqu'au décès, une administration de substances anti-douleur qui s'apparente à un droit à être endormi sans être réveillé. Mais elle s'applique uniquement aux malades déjà en phase terminale et n'autorise pas l'euthanasie active, c'est-à-dire l'administration d'un produit provoquant directement la mort.
"Pas une priorité" pour E.Macron
Cette loi Claeys-Leonetti "répond plus aux préoccupations des médecins qu'aux droits des patients qui souhaitent ne pas aller au terme de leur maladie incurable ou accepter d'insupportables souffrances. Endormir un malade pour le laisser mourir de faim et de soif est-il réellement plus respectueux de la vie que d'y mettre fin par l'administration d'un produit létal? (...) Prenez donc vos responsabilités!", exhortait Anne Bert dans sa lettre aux candidats.Pendant la campagne, les équipes du candidat Emmanuel Macron lui avaient répondu que revenir sur la législation actuelle n'était "pas une priorité".
La romancière, qui résidait en Charente-Maritime, avait fait le choix d'aller "mourir en Belgique", une décision qui toutefois lui "crevait le coeur", disait-elle.
En Belgique, l'euthanasie active est autorisée depuis 2002 pour les patients souffrant d'un mal incurable et qui ont formulé leur demande "de manière volontaire, réfléchie et répétée".
La ministre de la Santé Agnès Buzyn, qui s'était prononcée en 2015, "à titre personnel (...) en faveur de l'espace de liberté belge", s'est "alignée sur la position d'Emmanuel Macron" depuis son entrée au gouvernement, avait déploré Anne Bert après avoir "longuement discuté" cet été avec la ministre par téléphone.
Mme Buzyn a expliqué qu'elle souhaitait "d'abord faire une évaluation de la façon dont cette loi était mise en oeuvre dans notre pays" avant une éventuelle réouverture du débat sur l'euthanasie.
"La vie jusqu'au bout de l'enfer"
Un combat pour faire évoluer les mentalités et la législation française qu'elle poursuit même au-delà de la mort avec un livre, "Le tout dernier été" (Fayard), qui sera publié le 4 octobre."Je ne veux pas d'une mort violente, ni vivre grabataire avec une respiration artificielle. J'aime trop la vie, je la respecte trop pour cela", expliquait de son côté Anne Bert dans les médias, soucieuse de porter son "combat".
Anne Bert avait prévenu voici quelques semaines qu'elle ne serait "plus là" pour la parution de ce récit intime blâmant les "conservateurs qui affirment que la vie doit être vécue jusqu'au bout de l'enfer".
Tanguy Scoazec revient sur le combat d'Anne Bert pour le droit de choisir à l'euthanasie en France. Nous l'avions rencontrée à Saintes en juillet dernier :