Pas plus de quatre coups de cravaches par course de galop sur l'arrière-train du cheval. C'est la règle depuis le 1er mai pour les jockeys français qui risquent de lourdes sanctions disciplinaires en cas d'écart. Pour France Galop, à l'origine de ce règlement, voilà une opportunité d'améliorer l'image des courses hippiques.
Ça n'en a pas l'air comme ça, mais une petite révolution est en marche dans le milieu des courses hippiques. France Galop, la société organisatrice des courses nationales de plat et d'obstacle au galop, a durci une fois de plus le règlement en matière d'utilisation de la cravache pendant les compétitions.
Depuis le 1er mai, il est interdit pour les jockeys d'utiliser leur cravache à plus de quatre reprises sur l'arrière main de leur cheval, c'est-à-dire derrière le corps du cavalier, au cours d'une course. Pour limiter la puissance du geste du jockey, il est désormais aussi interdit de lever le bras au-dessus de l'épaule avant de porter le coup de cravache.
Cette nouvelle réglementation est loin d'être la première établie en ce sens par France Galop. Si elle a été durcie, elle s'inscrit dans une direction empruntée par la société depuis plusieurs années qui dit vouloir repenser le rapport entre cavalier et cheval. Déjà, les jockeys étaient limités à six coups de cravache par course de galop au lieu de huit auparavant.
Changement de paradigme
Cette évolution est certainement le signe d'un changement de paradigme. Auparavant largement suivies par le grand public, les courses hippiques sont aujourd'hui en mal de popularité. Décriées par une partie des associations de défense des animaux et de l'opinion publique, les courses hippiques veulent "donner des explications au grand public", explique Samuel Fargeat, secrétaire des commissaires chez France Galop.
L'ancien jockey voit dans cette nouvelle réglementation une façon de montrer que France Galop est "très sensible au bien-être animal". Déjà, explique-t-il, des pas avaient été faits en faveur de l'intégrité des chevaux. "La cravache est un outil directionnel pour le jockey, qui ne fait plus mal du tout depuis qu'elle a été repensée", explique-t-il.
Il reste possible d'utiliser la cravache sur l'épaule du cheval sans limites
Effectivement, la composition des cravaches a évolué en 2010 : adieu la longue tige de cuir, aujourd'hui, les cravaches homologuées sont faites de caoutchouc et pensées pour faire du bruit lorsqu'elles heurtent la peau du cheval. "Le bruit stimule le cheval pour le garder dans sa trajectoire, ce n'est pas du tout un accélérateur", précise le commissaire.
Pour rester un outil de maintien de la trajectoire du cheval, la cravache reste utilisable par le jockey sans limites sur l'avant-main de cheval, c'est-à-dire sur ses deux épaules, à condition, pour le cavalier, de conserver une rêne dans chaque main.
En cas de sanction, les jockeys interdits de concourir
En cas de non-respect des règles, les cavaliers, professionnels ou amateurs, risquent des sanctions variées. Par exemple, un jockey professionnel qui a porté 5 à 6 coups de cravache à son cheval risque une amende de 150 euros. Mais si cette infraction a déjà été relevée à plusieurs reprises ces deux derniers mois par les commissaires, il risque d'écoper de plusieurs jours d'interdiction de monter à cheval, et donc de concourir.
Samuel Fargeat, qui rappelle que "la cravache est un outil de sécurité", qui permet notamment à un jockey d'éviter un danger, observe "une grosse prise de conscience chez les jockeys". Selon le commissaire, la formation dispensée à la jeune génération tient compte de cette évolution, et une période pédagogique a été mise en place pour faciliter les échanges entre les acteurs de la filière et France Galop avant le 1er mai.
Dialogue difficile avec une partie des acteurs de la filière
Malgré l'initiative de la société organisatrice, le dialogue est difficile avec une partie des acteurs de la filière.
Guillaume Macaire, l'un des entraîneurs français les plus titrés, installé à La Palmyre (Charente-Maritime), a reçu la nouvelle avec dépit. "Malheureusement, il faut toujours qu'il y ait des règlements pour tout et ça finit par n'avoir plus aucun sens", regrette l'éleveur de chevaux d'obstacle.
Pour Guillaume Macaire, déjà consulté auparavant par la direction de France Galop à ce sujet, cette réglementation contribue "à détruire le métier". Lui perçoit dans la démarche de la société une opération de communication, qui donne la priorité au "faire-savoir avant le savoir-faire".
L'entraîneur avance que lorsqu'il est bien porté, "le coup de cravache est un détail, comme une pichenette qu'on donne à un gamin". D'ailleurs, pour lui, "ça n'est pas une question de nombre de coups, mais de sensibilité du cheval" et "les hommes de cheval ont assez de libre-arbitre pour savoir combien il faut en donner".
Ce qu'il faut c'est éduquer les gens, c'est pas les contraindre à des règlements.
Guillaume MacaireEntraîneur, éleveur et propriétaire de chevaux de courses à La Palmyre (Charente-Maritime)
Stéphane Lamart, président de l'association de défense des animaux Association Stéphane Lamart, ne perçoit pas du tout l'utilisation de cet objet de la même manière. Pour lui, lorsque le jockey se sert de sa cravache, "l'animal est sous la contrainte. On ne peut pas avoir un rapport sain à son animal si on le maltraite, parce que pour moi ça reste de la maltraitance d'infliger des coups à son cheval." Le militant, qui salue la démarche de France Galop, se dit tout de même "horrifié de voir qu'on est obligé d'infliger des coups à un animal pour qu'il puisse faire gagner des sous et des paris".
"Ça donnera une bien meilleure image pour la filière"
Pour Blanche de Grandvilliers, avocate spécialisée en droit équin, ce nouveau règlement "ne changera rien aux courses" mais "montre qu'il y a une évolution". Pour la juriste, dont le cabinet est situé à Paris, avec ou sans cravache aux courses, "il y aura toujours des bons chevaux, des mauvais chevaux, et des bons jockeys et des mauvais jockeys".
Ce qui est certain pour elle en revanche, c'est que "ça donnera une bien meilleure image pour toute la filière" qui a bien besoin de redorer son blason. L'avocate, cavalière amatrice, est persuadée que la filière doit "évoluer, s'adapter, progresser là où elle le peut".
Si Guillaume Macaire est persuadé que "les courses hippiques sont condamnées à disparaître" dans une dizaine d'années, Blanche De Grandvilliers répond que l'issue est évitable, à condition de "mieux prendre en compte les attentes des citoyens", et de mieux expliquer les rouages des courses hippiques au grand public.
Dans cette logique, pour le secrétaire des commissaires de France Galop, Samuel Fargeat, l'objectif à terme est même "d'arriver à zéro sollicitation sur l'arrière-main du cheval". À ce sujet, le défenseur des animaux, Stéphane Lamart, demande à France Galop : "pourquoi ne pas l'abolir tout de suite ?"