Initialement programmé à la mi-mars, ce procès "hors norme" avait été reporté du fait de la crise sanitaire. Joël Le Scouarnec est jugé, à partir de lundi, à Saintes, pour viols et/ou agressions sexuelles sur quatre mineures. Premier volet d'une des plus graves affaires de pédophilie en France.
Sa famille le savait. La justice le savait ainsi que certains collègues de ce chirurgien apprécié de tous. Lors de ses premières auditions, Joël Le Scouarnec ne fera d'ailleurs pas mystère de son attirance pour les "petites filles". Et pour cause, déjà en 2005, alors qu'il officie dans l'hôpital de Quimperlé, dans le Finistère, il est condamné à quatre mois d'emprisonnement avec sursis pour téléchargement d'images pédo-pornographiques, sans obligation de soin ni restriction. L'année suivante, un praticien de l'hôpital alerte la direction qui, à son tour, en informera la Ddass. Mais rien ne se passe. Même surprenante absence de réactions lorsqu'il arrive à Jonzac en 2008, alors que, selon lui, la directrice de l'époque était au courant de son passif judiciaire.
"L'âge moyen des victimes présumées de cette procédure est de onze ans"
C'est pourtant en Charente-Maritime que va finir par éclater une des plus incroyables histoire de pédophilie en France. En mai 2017, c'est une fillette de six ans, sa voisine, qui alerte ses parents. Le chirurgien l'aurait agressée à travers le grillage du jardin. Plainte est déposée et l'enquête qui s'ouvre alors va mettre au jour le parcours d'un prédateur sexuel qui a méticuleusement conservé dans son ordinateur et des carnets intimes le récit détaillé de l'ensemble de ses méfaits. Tout y est. Dates, noms, circonstances, gestes ; près de trente ans d'une carrière de médecin jalonnée par des agressions sexuelles. La plupart des victimes ont croisé le chemin du docteur le Scouarnec en Bretagne et c'est donc le parquet de Lorient qui reprendra tout un volet de l'affaire.Devant les assises de Saintes, le septuagénaire devra répondre des viols et agressions sexuelles entre 1989 et 1999 à Loches (Indre-et-Loire) sur deux nièces, des agressions sexuelles sur une patiente de l’hôpital qui n’avait que quatre ans en 1993 et donc des faits de viol et exhibition sexuelle sur sa voisine de 6 ans dans la ville thermale de Jonzac.L'âge moyen des victimes présumées de cette procédure est de onze ans. 174 personnes sont de sexe masculin, 148 de sexe féminin. 298 étaient âgées de moins de vingt ans lors des faits en cause dont 265 de moins de quinze ans. 107 faits sont susceptibles de recevoir une qualification criminelle de viol aggravé.
"L'objectif est que ce procès puisse se tenir dans de bonnes conditions sanitaires"
Le 16 mars dernier, c'est au deuxième jour d'audience qu'un renvoi avait été décidé car certaines parties civiles avaient été en contact avec des personnes porteuses de la Covid-19. Comme au printemps dernier, le procès a toutes les chances de se dérouler à huis clos, puisque les victimes étaient mineures au moment des faits. Lors de la première audience, devant l'afflux de journalistes désireux d'assister aux débats, des tivolis extérieurs avaient été installés et des salles leur avaient été dédiées. Rien de tout cela pour le procès qui s'ouvre huit mois plus tard. Interrogé par nos confrères de Sud-Ouest, Nicolas Septe indiquait qu'une vingtaine de journalistes ont été accrédités pour dix places réservées.Le procureur rappelle également que, huis clos ou pas, le public ne peut pas se déplacer pour assister au procès de Joël Le Scouarnec. La justice ne fait pas parti des motifs dérogatoires de déplacement dans le cadre du confinement sanitaire.Ce n'est pas parce qu'ils sont accrédités qu'ils auront un accès à la salle d'audience. Tout cela a été relayé au niveau de l'Association française de presse judiciaire. Nous ne craignons pas de débordements. Tout a été préparé à l'avance et en amont avec les journalistes accrédités. L'objectif est que ce procès puisse se tenir dans de bonnes conditions sanitaires et que nous ne soyons pas amenés à l'interrompre.
Reportage de Pascal Foucaud et Cédric Cottaz