Mises en place pour la première fois à Strasbourg il y a plus d’un an, les ordonnances vertes arrivent prochainement en Charente. L’idée est de distribuer gratuitement des fruits et légumes, cultivés sans pesticides, aux femmes enceintes du territoire pour éviter certaines maladies.
À partir du 22 avril prochain, les femmes enceintes habitant Terre-de-Haute-Charente pourront bénéficier de paniers de fruits et légumes gratuits tout au long de leur grossesse. Les ordonnances vertes, c’est une première dans le département de la Charente.
Qu'est-ce que c'est ?
La ville de Strasbourg était pionnière sur le sujet. En novembre 2022, le dispositif des ordonnances vertes est mis en place dans la capitale alsacienne. Il s'agit de proposer des paniers de fruits et légumes biologiques ou sans pesticides aux femmes enceintes pendant leur grossesse. En échange, elles doivent suivre plusieurs ateliers de sensibilisation, de prévention et d'information sur les dangers des perturbateurs endocriniens et sur la façon de s'en prémunir.
À Terres-de-Haute-Charente, Etienne Michaud, médecin généraliste, très intéressé par l'initiative strasbourgeoise, en parle, en début d'année, avec la maire de la commune, Sandrine Précigout. Très enthousiaste par ce projet, elle accepte instantanément. "Les pesticides, c'est un désastre. On doit protéger notre population, on ne peut plus faire l’autruche. Je suis fière que ça soit mis en place chez nous très prochainement", confie-t-elle. Le dispositif est donc présenté, en mars, lors du conseil municipal, et est voté à l'unanimité. "Ça s’est fait très vite, en quelques semaines. On a été très réactifs". Son coût n'a pas refroidi les élus, au contraire, puisque cela représente "seulement" 140 euros par femme.
Sur Terres de Haute-Charente, on compte 24 grossesses en cours, et pour l'instant trois sont intéressées.
Sandrine PrécigoutMaire de Terres de Haute-Charente
Lorsque les futures mamans se rendront chez leur médecin, sage-femme ou infirmière, présents sur le territoire, ceux-ci leur présenteront l'initiative et les dirigeront vers la mairie, si elles sont partantes. Ces femmes enceintes devront ensuite remplir une fiche d'inscription et signer une charte d'engagement. Les noms seront alors transmis à la maraîchère pour qu'elle puisse distribuer toutes les semaines les paniers de fruits et légumes.
Quels sont les bienfaits ?
Louis-Adrien Delarue, médecin généraliste de Charente et membre de l'association Alerte Médecins Pesticides, est très engagé sur la question des pesticides et donc des perturbateurs endocriniens. Il a adhéré au projet très rapidement. Pour lui, ce dispositif est une bonne initiative. Il souligne qu'il est essentiel de manger sainement pendant la grossesse parce que c'est pendant cette période que tout se joue. Le fait de manger des produits qui ne sont pas traités par des pesticides permet de réduire le risque de maladies pour la mère et son futur bébé.
Les effets des perturbateurs endocriniens sur la santé humaine sont encore mal connus, explique Santé Publique France. Pour autant, ils sont aujourd’hui largement suspectés de contribuer à de nombreuses pathologies chroniques ou développementales. Dans la liste : des maladies hormonales, des cancers comme celui du sein et de la prostate, une infertilité, une endométriose, certaines formes d'autisme, des troubles du neurodéveloppement, une puberté précoce ou encore des malformations, notamment de l'urètre chez les hommes.
Les ordonnances vertes vont permettre à la femme enceinte de bien manger mais aussi de sensibiliser son foyer et son entourage.
Louis-Adrien DelarueMédecin généraliste charentais
C'est pour cette raison que des ateliers de sensibilisation sont organisés et animés par des infirmières Asalée lors de la grossesse pour ces femmes qui bénéficient des paniers bios."Il est important de faire de la prévention. Certains perturbateurs endocriniens peuvent s'imprégner dans le corps toute la vie et se transmettre de génération en génération. Même si la mère n'est pas touchée par une maladie, elle peut transmettre de mauvaises molécules à son bébé et lui peut tomber malade".
Selon une étude de BioNutriNet en 2019, adopter une alimentation biologique ou sans pesticides permettrait une imprégnation moins élevée des perturbateurs endocriniens dans le corps et provoquerait donc moins de cancers et de diabète par exemple.
La maraîchère, qui va fournir les paniers de fruits et légumes aux futures mères, Emilie Pierre, se sent concernée par cette cause. Sa fille, handicapée, souffre de troubles du neurodéveloppement. Installée depuis trois ans dans cette petite ville charentaise, Emilie propose des fruits et légumes produits en permaculture donc sans pesticides. "C'est une production sans serres, je mets de la paille sur toutes mes parcelles, je fais une rotation des cultures pour respecter le cycle naturel du terrain". Elle soutient le projet "à 300 %".
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La Charente, un département pilote ?
La sénatrice de Charente, Nicole Bonnefoy, sensible au sujet de l'impact des pesticides sur la santé humaine, salue une initiative qui va dans le bon sens. "C'est une très bonne opération de sensibilisation et d’information, sur un sujet essentiel qui concerne tout le monde". Pour elle, c'est une politique vertueuse, bonne pour la santé et qui fait vivre l'économie locale. L'élue aimerait alors que ce dispositif s'étende sur tout le département dans le cadre du programme alimentaire territorial (PAT) du département. "Le coût du dispositif est bien moindre en comparaison avec le coût de l'inaction".
Le docteur Louis-Adrien Delarue souhaiterait, lui, que la Charente devienne pilote sur le sujet. "J’ai espoir que ça soit un moteur pour le département, que ça mobilise les élus, les soignants et les producteurs et que les ordonnances vertes soient étendues sur tout le territoire". L'appel est lancé.
