Il y a dix ans, vous auriez sûrement croisé cette sémillante trentenaire dans des restaurants bien connus du centre-ville d'Angoulême. Désormais, il vous faudra aller de l'autre côté de la planète pour rencontrer Jenny et sa petite famille nomade sur les routes australiennes.
Les histoires d'amour finissent bien... parfois. Celle que nous allons vous conter commence à Angoulême il y a une dizaine d'années. Jenny Papin officie alors dans des tables réputées du centre-ville. Mais voilà, la trentaine approche et la jeune serveuse a une irrépressible envie d'élargir son horizon charentais. Alors bien sûr le littoral rochelais ou royannais est à moins de deux heures de route, mais Jenny voit plus loin. Tant qu'à partir, se dit-elle, autant viser les antipodes.
J’étais partie pour un an en backpacker avec une copine et je suis tombée amoureuse du pays. J’avais 29 ans. A l’époque, en Australie, le « working holliday visa », c’était jusqu’à 30 ans donc c’était la dernière ligne droite pour pouvoir y aller. Mais en fait, je n’ai fait que trois mois de road trip parce que j’ai vite décidé de rester là-bas et je me suis installée à Byron Bay. Je me suis dit que j’allais sécuriser mon avenir là-bas et plus tard je reprendrai la route et je finirai mon tour d’Australie.
"On bouge au fil de nos envies en fait"
Byron Bay, c'est le paradis des surfeurs, l'ancienne Mecque des hippies à sac à dos (backpackers) et, aujourd'hui, THE spot touristique de la côte Est près de la Pacific Highway. Jenny ne tarde pas à trouver des petits boulots dans des hôtels, dans un restaurant français ou des villages vacances. Elle finira par monter sa propre entreprise et, à Byron Bay, on y revient, elle trouvera aussi... l'amour.
L'amour s'appelle Nathan, il est Australien et, il y a trois ans, de cet amour nait le petit Louie. L'histoire aurait pu donc finir dans la plus pure des traditions avec un happy end du genre "ils vécurent heureux...". Mais Jenny, même la tête en bas vu de Charente, n'a pas perdu le Nord et, surtout, elle n'a pas oublié pourquoi elle était arrivée là dix ans plus tôt. L'heure était venue de reprendre le sac à dos et de repartir sur les routes. C'était le 19 mars 2019.
On a tout vendu pour pouvoir s'équiper et investir dans un bon 4x4 et un camping trailer. On a vraiment une vie minimaliste comparée à ce qu’on avait avant, mais on est super heureux. Notre enfant, il a un nouveau terrain de jeu toutes les semaines ou tous les mois. On bouge au fil de nos envies, en fait. On aime bien, on reste, on n’aime pas, on s’en va. Si on aime vraiment, on s’installe pour bosser un peu.
"Je me suis dit que la vie est trop courte"
50.000 kilomètres plus loin, c'est sur la côte Ouest que nous avons joint Jenny au téléphone. Elle était montée sur un petit promontoire rocheux pour capter plus de signal. La petite famille se trouve actuellement dans la petite ville d'Esperance, la bien-nommée. Avant cela, il avait fallu traverser l'interminable plaine semi-désertique de Nullarbor. Ce périple, vous pouvez le suivre sur le journal de bord de Familylifeonwheels, Facebook ou Instagram. Attention, dans notre grisâtre hiver européen, l'abus de photos de mer cristalline, de couchers de soleil enflammés et de barbecues joyeux sur le sable blanc pourrait en agacer certains. Mais on comprend mieux le choix de vie de notre Angoumoisine.
Ici, on parle des « grey nomads », les nomades gris, en général des retraités qui se baladent. Mais moi, j’ai perdu trop d’amis et de famille avant l’âge de 50 ans et je me suis dit que la vie est trop courte et que je ne voulais pas attendre la retraite. J’avais pourtant un bon business avec une douzaine de salariés, mais je voulais changer. En fait, aujourd’hui, il y a de plus en plus de familles comme nous en Australie. Surtout avec le Covid, ça a fait comprendre beaucoup de choses à certains et je reçois plein de message de familles qui demandent des conseils.
"On n'a pas besoin de beaucoup d'argent"
En Australie, la scolarité commence à l'âge de six ans. Pour l'heure, Louie profite apparemment sans vergogne de sa jeune vie d'errance. "On rencontre plein d’enfants sur la route et, dès qu’on se pose un peu, Louie va vers tout le monde. Il est hyper sociable et on rencontre beaucoup de monde grâce à lui", se réjouit sa maman. Pour le reste, les hasards de la vie décident de l'agenda et de la suite de l'aventure.
On demande toujours aux gens s’ils ont un boulot, une carrière, une maison mais jamais s’ils sont heureux. Et donc de business-owners (chefs d’entreprise, ndlr), nous, on est passé à nomades. Complètement à l’opposé. On a mis un peu d’argent de côté évidemment, mais régulièrement on s’arrête pour travailler un ou trois mois, selon les opportunités qu’on nous offre sur la route. Généralement, c’est chacun son tour pour qu’un de nous deux s’occupe de Louie, sauf quand on peut travailler à deux dans l’entreprise. Par exemple, on a travaillé dans une distillerie de gin et eux s’en moquaient de savoir si c’était Nathan ou moi. Là, Nathan vient de travailler dans une usine de fruits de mer, il a été aussi directeur d’un supermarché. Moi, j’ai fait des ménages dans les campings ou des extras dans des événementiels. On n’a pas besoin de beaucoup d’argent en fait.
Crise sanitaire oblige, la family on Wheels n'a pas pu prendre l'avion cet été (le nôtre) pour rendre visite à la famille à Angoulême. La caravane a donc poursuivi son bonhomme de chemin qui, apparemment, n'est pas prêt de s'arrêter. "Y a pas de limites ! On voudrait aller en Nouvelle-Zélande puis après, pourquoi pas, l’Europe avec un camping-car vintage !" La Charente devra donc patienter pour revoir Jenny la nomade. Visiblement, elle n'est pas pressée.