Parents et enfants entrent dans leur deuxième semaine de cours à la maison. Dans quel état d'esprit ? L'angoisse grandit chez certains, d'autres en prennent leur parti, ou trouvent des avantages à la situation. Mais comment tenir dans le temps : c'est l'inconnue de cette équation inédite.
Depuis la semaine dernière, la classe à la maison s’est organisée. Les deux plus jeunes, 9 et 13 ans, partagent la table familiale dans le salon. L’aîné, le lycéen, a droit au bureau, isolé, raconte ce père de trois enfants.
Après une première semaine de tâtonnements, en ce lundi 23 mars, les habitudes sont déjà prises, et chacun a désormais ses repères pour sa journée, ou sa matinée, de travail. Mais le plus dur reste à faire : tenir sur la durée.
Tenir le coup
Tout le monde en est bien conscient : le confinement pourrait se prolonger au-delà des deux semaines initialement prévues. Les prévisions les plus pessimistes parlent même du 5 mai pour la reprise d’une vie “normale”.
Certains parents sont donc entrés dans une phase stratégique, celle du "tenir le coup".
Aujourd'hui, je relativise, explique Isabelle, la mère d’un élève de 5ème. Le semaine dernière, surtout au début, c’était infernal, très difficile entre le travail scolaire à gérer et mon activité professionnelle. Mais j’ai décidé de ne pas user mes nerfs dessus, et mon fils fera ce qu’il peut. De toute façon, la situation va générer des inégalités. Certains enfants n’ont même pas d’ordinateur et personne pour les aider à la maison.
Pour éviter l'essoufflement, d’autres estiment que la motivation de leur progéniture est au coeur de l’enjeu, comme la mère de Paloma, une collégienne de 6ème :
On affiche l’objectif dès le départ : 2h de devoirs ce matin et 1h cet après-midi. Et on parle tout de suite des autres activités : comme ça on aura le temps de faire ci, de faire ça
Les angoisses du quotidien
Chaque journée de ce confinement s'accompagne de sa nouveauté. Pas toujours facile à vivre. Nathalie est la mère d’une collégienne, son autre fille est scolarisée en école primaire.
Pour l’école primaire, tout est clair, on a notre programme. Pour le collège, c’est plus compliqué. Ma fille en 3ème travaille toute la journée. Certains enseignants ne se rendent pas compte, ils pensent qu’il n’y a que leur matière.
Nathalie et ses filles sont cependant prêtes à affronter la suite, si la situation perdure :
J’ai déjà préparé les filles, elles sont dégoûtées par rapport aux copains et aux copines, mais on n’a pas le choix
Sans copains pour jouer, Théo se sent isolé. Ni frère, ni soeur, et les réseaux sociaux, ça ne remplacent pas une vraie relation. Du coup, le moral n’est pas toujours au rendez-vous, d’autant qu’un de ses enseignants s’est montré très pessimiste :
C’est nul, on peut plus sortir, je m’ennuie. Et mon professeur principal a dit qu’on allait redoubler.
Nombreux aussi sont ceux qui soulignent les problèmes d’imprimantes, d’encre ou de ramettes de papier qui commencent à faire défaut.
11 pages à imprimer pour notre aîné pour le travail scolaire aujourd'hui si ça dure ainsi on n'aura pas assez d'encre pour tenir jusqu'à la fin du confinement..
— lylyfleur (@lyndafleury1) March 23, 2020
Le bon côté du confinement
Le confinement n'est certes pas facile à vivre. Mais il peut aussi être à l'origine d'initiatives heureuses, et solidaires. Comme celle de ce commerce d'Aubusson qui propose d'imprimer les cours des enfants.
Dans une classe de terminale du lycée Saint-Exupéry à Limoges, les élèves ont créé un groupe sur un réseau social pour s'entraider, et les enseignants les appellent chaque jour.
Au collège Calmette, la direction a choisi d'encourager parents et élèves dans cette situation inédite :
La continuité pédagogique, ce n’est pas rendre tous les devoirs, exercices, écrits dans les mêmes conditions que lorsque le collège est ouvert ; Faites pour le mieux ! (...)
La continuité pédagogique, ce n’est pas l’application de l’emploi du temps scolaire à la maison (6 heures de cours + l’heure de Devoirs faits + les devoirs entre 18h00 et 19h30).
La continuité pédagogique doit permettre à l’enfant, guidé par ses parents, de positiver cette période de crise pour apprendre et gagner en autonomie.
Ce confinement des familles peut aussi être le moment de se retrouver autour de valeurs communes, de jeux de société, etc.
Comme cette enseignante de CE2-CM1 qui n'oublie jamais d'accompagner ses messages d'une note chaleureuse :
N’hésitez pas à me repondre, et aussi à me solliciter en cas de problème, de difficulté dans un travail... je suis encore là pour ça! Je fais un gros câlin à ceux qui le souhaitent, et un Check aux autres!
France Télévisions aussi tend la main aux parents démunis. Depuis ce lundi, France 4 propose des cours pour les CP-CE1, les collégiens et les lycéens :
Et certains enfants trouvent même de nombreux avantages à faire l'école à la maison. C'est le cas de Mila, 9 ans et demi :
C’est bien parce qu’on n’est pas en classe et ma maîtresse est difficile donc ça m’arrange. Je peux bouger, me lever, même si je ne vois pas mes amis. En plus, il fait beau, je peux aller dans le jardin, faire de la gym, jouer avec les chats.
Ou Léonille, 10 ans et demi :
Je suis bien, je peux me lever ou me coucher un peu plus tard. Entre deux devoirs, on peut jouer, ou lire. Ou regarder un "c'est pas sorcier".
Des parents réinventent aussi l'école à la maison. Comme ces deux enseignants, parents d'une fille en CP et d'un garçon en 6ème. Chaque semaine l'un d'eux présente un exposé au reste de la famille. Une manière ludique d'apprendre, et de lutter contre l'ennui.
Et puis laisser les enfants s'ennuyer un peu, ça a parfois du bon. Paloma, 12 ans, a profité de ce temps libre pour faire un énorme plaisir à ses parents :
Hier Paloma a fait le ménage dans sa chambre de fond en comble. C’est bien la première fois !!
Reste à voir ce que tout cela donnera dans le temps. C'est une des grandes inconnues de cette équation inédite !