La justice "s'est acharnée" pour sauver son "honneur" dans l'affaire Tarnac, passée d'une qualification terroriste à des faits de droit commun après une enquête contestée, affirme jeudi le militant Julien Coupat avant d'être jugé à Paris dans ce retentissant dossier datant de 2008.
Huit militants libertaires sont jugés à partir de mardi 13 mars au tribunal correctionnel de Paris dans le cadre de cette affaire de dégradations de ligne TGV, présentées à l'époque comme des sabotages terroristes menés par des membres de "l'extrême gauche radicale".
À quelques jours du procès, Julien Coupat, le principal accusé, a accordé un entretien à Envoyé Spécial sur France 2, diffusé jeudi 8 mars.
"Assez rapidement, la justice s'est rendu compte qu'elle avait perdu la partie, qu'elle se ridiculisait. Elle s'est acharnée. Il fallait évidemment que cette procédure qui avait commencé en fanfare finisse par un procès, ça ne pouvait pas donner un non-lieu. C'est une question d'honneur de l'institution", estime Julien Coupat, dans sa première interview télévisée.
La justice est au service de la police et non le contraire. Ce qu'on a vécu pendant dix ans, c'est ça
"Au fond, c'est ce que disait (le philosophe Michel) Foucault: la justice est au service de la police et non le contraire. Ce qu'on a vécu pendant dix ans, c'est ça", poursuit celui qui avait été désigné par les enquêteurs comme le "chef du groupe de Tarnac", du nom de la commune de Corrèze où une partie des prévenus habitaient.
L'homme de 43 ans, cheveux courts et lunettes rondes, refuse de clamer formellement son innocence: "Je répugne à être placé par un faux policier (un policier infiltré anglais dont il conteste les rapports, ndlr) dans la position de se défendre".
C'est à la police de déterminer qu'on est coupables
"Répondre 'non, c'est pas nous, on est innocents', c'est reconnaître une valeur à l'accusation qui est faite. On ne va pas dire 'on est des petits gentils, on est innocents', c'est à la police de déterminer qu'on est coupables", ajoute Mathieu Burnel, un autre prévenu présent lors de l'interview.
Julien Coupat conteste, entre autres, un procès-verbal de surveillance policière qui affirme qu'il se trouvait, avec sa compagne Yildune Lévy, à Dhuisy (Seine-et-Marne) dans la nuit du 7 au 8 novembre 2008, à proximité d'une ligne de chemin de fer où un fer à béton a été accroché à une caténaire.
"Ni nous, ni les enquêteurs n'étaient sur place". Selon lui, "la seule instance qui ne sache pas que (ce procès-verbal) est de toute évidence un faux et un faux mal fait, c'est l'institution judiciaire. Jusqu'à la fin, ils s'attachent ridiculement à quelque chose dont tout le monde sait que c'est à la fois faux et un peu gênant, voire franchement honteux", affirme-t-il.
REPLAY : Interview de Julien Coupat et Mathieu Burnel dans Envoyé Spécial