Le tribunal de commerce de Brive examinait, ce 25 juin 2021, l'assignation de Yuka par une entreprise de charcuterie basée à Ussel. Le Mont de la Coste reproche à l'application de mal noter ses saucissons en raison de la présence de nitrites.
C'est l'histoire d'un saucisson qui attaque une application. L'entreprise Le Mont de la Coste a décidé d'assigner Yuka devant le tribunal de commerce de Brive. En cause : la notation de ses produits par cette application qui permet de connaître les composants des aliments. L'entreprise corrézienne reproche à l'application de dénigrer son saucisson Auvernou en raison de la présence de nitrites dans la composition de cette charcuterie.
Nitrites, autorisés ou pas ?
Lorsqu'on évoque la présence de nitrites dans la charcuterie, il s'agit par exemple du sel nitrité appelé également E 250. Ces conservateurs permettent notamment une fabrication plus rapide et permettent de conserver la couleur rose des viandes.
Il existe un seuil européen préconisé qui est de 150mg/kg de viande (entre 50 et 80mg/kg dans la charcuterie bio). Les nitrites sont donc autorisés dans les viandes transformées, mais à un seuil maximal.
Nitrites, le contre
En 2015, le Centre international de recherche sur le cancer qui dépend de l'OMS (Organisation mondiale de la santé) a classé les nitrates et les nitrites comme cancérogènes pour l’homme.
Selon la fondation mondiale de recherche sur le cancer, "il existe des preuves solides que la consommation de viande transformée augmente le risque de cancer colorectal."
Une mission parlementaire propose d'interdire l’utilisation des additifs nitrés dans la charcuterie à compter du 1er janvier 2023.
Nitrites, le pour
Dans un avis confirmé en 2019, l'ANSES, l'agence nationale de sécurité de l'alimentation souligne que "le sel nitrité (150 mg maximum de nitrites /kg de produit) est l’inhibiteur de croissance de C. botulinum le plus efficace."
L'EFSA, agence européenne des aliments, confirme que ces conservateurs permettent, notamment, d'entraver la prolifération de bactéries dans la charcuterie transformée comme le botulisme et précise également que "les niveaux de sécurité existants pour les nitrites et les nitrates ajoutés à la viande et à d'autres aliments constituaient une protection adéquate pour les consommateurs."
De son coté, la Fédération des entreprises françaises de charcuterie traiteur (FICT) affirme que "conscientes que les consommateurs souhaitent moins d’additifs dans les aliments et moins de nitrites dans les charcuteries (...), poursuivent leurs efforts menés depuis des années en réduisant volontairement en 2020 les additifs de 50% et les nitrites de 20% (...), soit en moyenne moins de 100 milligrammes par kilogramme de charcuterie au lieu de 150mg/kg autorisés par la réglementation."
Auvernou vs Yuka
En testant l'application sur les code barre de plusieurs saucissons Auvernou, nous avons effectivement constaté des notes plutôt basses : entre 8 et 10/100 selon le type de produits. L'application préconise d'éviter de consommer ce produit en raison de la présence d'additif. L'entreprise Le Mont de la Coste conteste cette notation et évoque un dénigrement, rappelant qu'elle utilise ces substances dans le cadre de la réglementation actuelle autorisée. Elle réclame 430 000 euros de préjudice et le retrait de la mention "génotoxique" sur l'application.
Cette audience intervient alors que début juin 2021, Yuka a été condamnée en première instance par le tribunal de commerce de Paris à verser 20 000 euros de dommages à la FICT. La Fédération des entreprises françaises de charcuterie traiteur reprochait à l'application d'inviter les consommateurs qui avaient scanné de la charcuterie à signer une pétition invité à signer dans la foulée une pétition demandant le retrait de nitrites et nitrates des aliments. Une démarche militante qui est apparu insupportable à la FICT, l'amenant à saisir la justice. La FICT a cependant été déboutée de plusieurs demandes et notamment celle visant à modifier le système de notation de l'application et en particulier la notation des nitrites. Yuka a fait appel de cette condamnation.
Le tribunal de commerce de Brive, quant à lui, devrait rendre sa décision le 17 septembre prochain.