Le procès de l’affaire dite de Tarnac (19) aura lieu du 13 au 30 mars 2018. Un documentaire sera diffusé sur France 3 jeudi 1er mars à 23h25. Rencontre avec le réalisateur Ivan Butel.
Pourquoi cet intérêt pour l’affaire de Tarnac ?Yvan Butel : Je travaille régulièrement sur ces histoires d’engagements radicaux en tant que documentariste.
L’affaire de Tarnac a été très spectaculaire et médiatisée avec de multiples rebondissements. L’idée de ce documentaire est venue d’autant plus naturellement que beaucoup d’articles et de reportages existaient déjà. Je m’y suis intéressé tardivement.
Vous êtes très critique vis-à-vis de l’enquête menée par l’antiterrorisme. Pourquoi ?
Les failles de l’enquête judiciaire et la façon dont la justice les a adoubées sans les remettre en question sont unanimement reconnues. Autour de cette affaire, il y avait tout un climat. C’est ce qui fait que les enquêteurs, les magistrats et les responsables politiques ont déraillé. Cette affaire aurait dû être spectaculaire, or elle a traîné pour au final ne quasiment rien donner. J’ai le regard d’un simple spectateur.
Malgré tout, les enquêteurs avaient tout un faisceau d’indices contre ceux qu’on a appelé « le groupe de Tarnac »
Ces gens ont contesté la société, et manifesté de manière violente. Ils sont les premiers à le reconnaître.
Mais il a été reconnu qu’il ne s’agissait pas de terrorisme presque 10 ans après les faits.
Il y a la question du sabotage sur la LGV. Ils ont sans doute été sur les lieux sans qu’on en sache plus. Même la présence des policiers est contestable cette nuit-là. Pourquoi n’ont-ils rien vu ?
Pourquoi Julien Coupat et ses amis n’interviennent-ils pas dans votre documentaire ?
J’ai essayé de les convaincre. Très rapidement, ils m’ont fait comprendre qu’ils n’avaient pas envie d'intervenir. J’ai essayé d’insister en leur proposant différentes formes de participation. Ils ont un rapport très particulier aux médias et ont refusé.
On dit que Julien Coupat est l’éminence grise de l’ultra-gauche en France. Est-ce une réalité ?
C’est un des fantasmes de l’accusation.
Mais dès qu’on veut faire une sorte de héros, d’ennemi public, de martyr ou de grand chef, on se trompe. Les choses sont bien plus compliquées que ça. Je ne pense pas qu’il y ait de grand chef, mais probablement de fortes personnalités dans ce groupe d’amis ou de militants, avec des gens qui écrivent mieux que d’autres, qui ont plus d’idées ou un sens concret de l’organisation.
Julien Coupat a peut-être juste plus la capacité de fédérer autour de lui.
Que va-t-il se passer selon vous pendant le procès ?
Les prévenus vont en profiter pour remettre en cause beaucoup de pans de la société, et notamment tout l’antiterrorisme. Mais le juge va sans arrêt recadrer le débat en disant « on ne juge que les dégradations sur la voie ferrée, la violence en manif et le refus de prélèvement ADN ». Normalement, on ne fera pas le procès de l’antiterrorisme. Ils auront cependant envie d’en parler.
Que pensez-vous de ces citadins qui ont choisi d’aller s’installer sur le plateau de Millevaches, à l’image du groupe de Tarnac ?
C’est un truc qui aurait pu prendre plus de place dans le film. L’affaire de Tarnac a tout emporté. Ce qui concerne l’identité de ce qu’on appelle le plateau insoumis, et tous ces modes de vie alternatifs m’intéressent beaucoup. C’est très positif, avec des gens qui ont beaucoup de choses à dire. Ce sera peut-être l’occasion d’un autre travail.
« Tarnac, quand tout déraille », d'Ivan Butel, sur France 3 le 1er mars à 23h25
Ivan Butel sera l’invité du 12/13 Limousin ce mercredi 1er mars