Le tribunal administratif de Limoges a suspendu le 1er juin un arrêté de la préfecture de Corrèze autorisant le déterrage et la mise à mort des blaireaux pendant l'été. Le résultat d'une action intentée par One Voice, une association de protection des animaux.
La décision est tombée le 1er juin 2022. En urgence, le tribunal administratif de Limoges avait été saisi par l'association One Voice. La suspension prononcée est assez rare. Il arrive que les associations arrivent à faire suspendre des arrêtés préfectoraux.
" Mais souvent, la décision arrive après plusieurs mois, tombe après la période de chasse et il est trop tard, le mal est fait, les blaireaux sont morts" explique Jessica Lefèvre-Grave de One Voice.
"Les blaireaux vont pouvoir passer un été tranquille. Les petits qui sont nés cette année et ne sont pas sevrés vont pouvoir grandir auprès de leurs parents sans être pourchassés".
L'association opère une veille assidue des arrêtés préfectoraux sur l'ensemble du territoire. Elle participe aux consultation publiques préalables et quand elle décèle des faiblesses dans les dossier, porte les affaires devant les tribunaux administratif. Avec parfois des succès.
Le blaireau n'est ni protégé, ni classé nuisible (maintenant on dit espèce susceptible d'occasionner des dégâts ou ESOD, un barbarisme en novlangue politiquement correcte de l'administration). Il est simplement considéré comme du gibier. A ce titre il peut être chassé de septembre à mai. Ce qui est rarement le cas, puisque pendant cette période les chasseurs s'attaquent plutôt au gros gibier et que la terre est gelée ou difficile à creuser. Les fédérations demandent donc chaque année une période de chasse complémentaire qui s'étend du 15 mai au 15 septembre. Une autorisation qui leur est accordée par arrêté préfectoral. C'est cet arrêté qui a été suspendu.
Le tribunal a estimé que le dossier de la fédération des chasseurs validé par la préfecture était incomplet. En Corrèze comme partout ailleurs en France, il n'y a pas d'estimation du nombre de blaireaux fiable. Impossible donc de savoir si la population est stable, en croissance ou en danger d'extinction. Le tribunal a aussi relevé que les dégâts signalés étaient en baisse en 2021. Et enfin, peu de communes ont répondu cette année à l'enquête de la fédération pour savoir si elles subissent des dégâts.
"Nous avons eu un problème informatique cette année, plaide David Murat, le directeur de la fédération des chasseurs de Corrèze. Toutes les communes n'ont pas pu recevoir notre enquête. Habituellement elles sont pourtant une écrasante majorité à nous signaler les désagréments liés à la présence des blaireaux".
Le directeur affirme d'ailleurs que ce sont souvent les mairies et les agriculteurs qui saisissent les chasseurs pour venir détruire les blaireaux. En Corrèze, une quarantaine d'équipages tuent environ 700 à 750 blaireaux chaque année.
"Ils creusent des galeries sous les clôtures de l'A20 qui laissent passer d'autres animaux que l'on retrouve sur l'autoroute. Nous avons encore été appelés par une mairie la semaine dernière car des blaireaux ont fait un trou près des réserves d'eau potable" abonde David Murat.
Les dégâts ont été estimés à 11 000 euros cette année en Corrèze. Un chiffre sous estimé pour la fédération qui affirme que tous les agriculteurs ne signalent pas les dégâts, puisqu'ils ne sont pas indemnisés.
La pratique n'a pourtant clairement pas bonne presse. Le déterrage des blaireaux est une chasse traditionnelle. Armés de pelles et de pinces, accompagné de chiens, l'équipage de vénerie prend d'assaut un terrier. Toutes les entrées sont bouchées. Dans la seule qui subsiste, les chasseurs creusent, les chiens sont introduits. Ils poussent les blaireaux vers la sortie. Les chasseurs les attrapent avec de longues pinces et les tuent.
"Nous sommes conscients que cette chasse n'est pas appréciée. Mais c'est pour nous la seule façon de réguler l'espèce. Ceux qui luttent contre la chasse sont bien tranquilles en ville, ils ne subissent pas les dégâts", explique David Murat.
"L'espace de vie des blaireaux se réduit tous les ans. Nous contestons fermement les dégâts qui leur sont attribués. Ce ne sont pas des sangliers. Ils ne retournent pas les champs et ne font pas autant de petits. Pour nous, il doit y avoir d'autres moyens que de les massacrer", estime Jessica Lefèvre-Grave.
Deux positions irréconciliables. En attendant même si la préfecture fait appel de la décision, la procédure sera trop longue pour que la chasse reprenne. Il n'y aura donc pas de chasse au blaireau cet été en Corrèze.