L'association Sources et Rivières du Limousin a constesté devant le tribunal administratif l'arrêté de la préfecture de la Creuse définissant les ZNT, les zones de non-traitement agricoles. Sur ces espaces, il est interdit d'utiliser des produits phytosanitaires.
Pour les défenseurs de l'environnement, aucun doute, l'arrêté de la préfecture de la Creuse sur les ZNT, les zones de non-traitement agricoles, n'est pas conforme au droit (arrêté de 2017, suivi d'un arrêté modificatif en 2018). Un recours contentieux a été déposé auprès du tribunal administratif. La demande de l'association Sources et Rivières du Limousin a été entendue par le tribunal en ce début septembre 2020 et la décision est attendue dans les jours à venir.
Pour le porte-parole et juriste de l'association limousine, Antoine Gatet, il s'agit de faire respecter la loi, pour qu'aucun produit de traitement phytosanitaire - insecticide, fongicide ou herbicide - ne se retrouve dans un cours d'eau.
Depuis 2016, les préfets peuvent, sur la bases d'éléments locaux, modifier les zones de non-traitement. Dans nombre de départements, c'est le cas en Creuse, les services de l'Etat ont délégué à des syndicats agricoles, en association avec la chambre d'agriculture, la réalisation d'une cartographie des cours d'eau. En Creuse, la FDSEA et les JA sont ainsi partie prenante de cet inventaire.La règle est simple, il ne faut pas que des produits dangereux se retrouvent dans l'eau, impossible de ce fait de traiter à proximité. Cest contraignant, c'est un fait, mais il s'agit de produits dangereux. La réglementation protège l'environnement et nous protège.
Ce protocole est dénoncé par les associations de défense de la nature comme paradoxal et incompréhensible : "On nous explique que les agriculteurs sont les plus à même de faire ces relévés des cours d'eau et on nous a même sollicité pour faire une validation de ces données. C'est absurde, on demande à ceux qui vont utiliser des produits chimiques de traitement de définir eux-mêmes les lieux où ils pourront le faire. En d'autres termes, ceux qui doivent subir les règles seraient chargé de les définir, ce n'est pas sérieux".
Le président de la FDSEAde la Creuse, Chistian Arvis, trouve "déplacé" ce recours contentieux auprès du tribunal administratif. "Nous sommes en Limousin, avec une agriculture largement extensive, avec de l'élevage et énormement de prairies, l'utilisation des produits phytosanitaires n'est pas comparable à ce qui se fait dans d'autres régions, on se retrouve au tribunal".
"Les données des cartes IGN étaient proches de la réalité, mais on s'est quand même aperçu que sur le terrain, il y avait des différences, avec des ruisseaux indiqués sur cartes qui n'existaient pas, et au contraire des cours d'eau non-mentionnés."
Cette référence à un document qui figerait les secteurs concernés par les ZNT est un souhait des agriculteurs, les associations environnementales s'opposent fermement à l'utilisation exclusive de la cartographie. Antoine Gatet explique pourquoi : "Dans ce problème de définition des ZNT, il faut bien comprendre qu'il n'est pas possible de cartographier totalement le réseau. Nous sommes extrèment surpris que la préfecture de la Creuse s'engage là-dessus. Nous sommes sur un bassin versant et les cours d'eau ne se limitent pas à des traits sur des cartes.L'eau c'est précieux, il faut l'utiliser le mieux possible et c'est pour cette raison que nous voulons un document de référence, quelque chose qui soit précis.
Il faut savoir que tous les cours d'eau, les plans d'eau, toutes les zones humides, de nombreux fossés sont concernés par les ZNT, pas seulement les cours d'eau indiqués sur les cartes IGN." (NDLR : cartes détaillées de l'Institut Géographique national).
Point de vue diamétralement opposé pour le président de FDSEA creusoise, qui revendique le recours exclusif à la cartographie : "Pour nous, c'est une démarche responsable, ce travail de cartographie va être utile à tous, aux agriculteurs, mais aussi aux autres utilisateurs de l'eau. Il faut savoir de quoi on parle, c'est quand même les cartes IGN qui font foi pour nous. Il y a eu des dérives avec les ZNT, il faut des distances respectables et acceptables pour le monde agricole, pour cela il faut une cartographie nouvelle avec les cours d'eau réel. Ce qui nous intéresse c'est la réalité, et nous avons fait desvisites de terrain. Les acteurs de l'environnement étaient conviés, mais tout le monde n'est pas venu."
La définition d'un cours d'eau est précisée dans l'article L215-7-1 de la loi sur la biodiversité de 2016. A cette définition, certains représentants du monde agricole voudrait substituer des cartes de localisation. L'argument avancé est qu'il est difficile parfois, sur le terrain, de repérer ces fameuses zones concernées. Argument réfuté par les associations environnementales. Elles expliquent que les sites "litigieux" sont peu nombreux, et que le doute doit bénéficier à la nature, et qu'il ne faut ainsi pas traiter.
Ce type de recours contentieux s'est multiplié ces derniers mois, car partout en France, des arrêtés préfectoraux sont pris pour définir les ZNT, mais à chaque fois, les associations dénoncent une interprétation restritive du droit de l'environnement, amenant à "supprimer" administrativement des cours d'eau ou des zones humides.
17 recours, dont celui de concernant la Creuse, sont à l'étude, dans 8 autres départements, les arrêtés prefectoraux ont été déclarés illégaux et ont du être supprimés.