"L'usage médical du cannabis est autorisé, dans le strict cadre de l'expérimentation", c'est ce que dit un décret du 7 octobre. Une phrase très attendue par les défenseurs du cannabis thérapeutique. En Creuse, département très engagé dans cette culture, ce décret débloque un verrou.
"C'est pas trop tôt" s'exclame le docteur Marlène Amilhaud-Bordier de Centre hospitalier de Guéret à l'annonce de la publication du décret autorisant l'expérimentation sur le cannabis à usage médical. Paru le 7 octobre dernier, le décret est clair est débloque un verrou : "L'usage médical du cannabis est autorisé, dans le strict cadre de l'expérimentation, pour certaines indications thérapeutiques ou situations cliniques réfractaires aux traitements indiqués et accessibles". Une quinzaine de patients du centre antidouleur du CH de Guéret sont d'ores et déjà "volontaires pour participer à l'expérimentation". Mais "on n'est pas assurés de pouvoir accueillir tout le monde. Les patients que l'on reçoit espèrent tellement que ce nouveau type de soins soit mis en place qu'on n'a pas le droit de les faire attendre plus longtemps." Ce que dit le décret, en effet, c'est que l'expérimentation va se mettre en place d'ici mars 2021. Car il y a des étapes :
D'abord, il faut 6 mois de formation pour les médecins, les pharmaciens et de l'ensemble des professionnels de santé en lien avec l'opération.
- Il faut 6 mois d'inclusion, autrement dit, le choix des patients.
- Suivi de 6 mois de tests.
- Et 6 mois de retour d'évaluation.
- Cela fait un total de 2 ans pour avoir un retour suffisant.
"On aurait aimé que cela se fasse plus tôt, mais on ne va pas bouder notre plaisir. L'expérimentation va pouvoir se faire désormais, mais avec un décalage d'un an. On a envie de dire : Enfin !", confie Éric Correia, élu régional très engagé dans la mise en place du cannabis thérapeutique en Creuse. "C'est une bonne nouvelle également pour les centres antidouleurs notamment celui de Creuse " poursuit-il.
"J'ai eu un échange hier avec Olivier Véran (Ministre de la Santé), pendant qu'il était auditionné à l'Assemblée nationale, et il m'a confirmé l'engagement du gouvernement pour le lancement de l'expérimentation thérapeutique" réaffirme le député Jean-Baptiste Moreau (LREM). "C'est une excellente nouvelle pour les malades, poursuit le parlementaire qui est aussi rapporteur de la mission d’information sur la règlementation du cannabis. On ne va pas dire que je suis fou de joie, mais je suis content que ce projet que l'on défend depuis plusieurs années aboutisse enfin. Il s'agit là d'un engagement du président de la République, et c'est la preuve qu'il tient ses promesses", se satisfait l'élu.
Le décret précise néanmoins que l'expérimentation va se dérouler sur une durée de deux ans. Ce qui correspond à la durée du mandat restant au gouvernement. Est-ce qu'il y aura une garantie que l'expérimentation se poursuive au-delà. "Il n'y a pas de lien avec la durée du mandat présidentiel, toutes les expérimentations médicales durent deux ans pour faire la preuve de leur efficacité" balaye le député Jean-Baptiste Moreau.
Quelles pathologies sont concernées par l'expérimentation ?
D'après l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, "les indications retenues pour la phase expérimentale sont les suivantes :- douleurs neuropathiques réfractaires aux thérapeutiques (médicamenteuses ou non) accessibles
- certaines formes d’épilepsie pharmaco résistantes,
- dans certains symptômes rebelles en oncologie
- dans les situations palliatives,
- dans la spasticité douloureuse de la sclérose en plaques ou des autres pathologies du système nerveux central (blessés médullaires ou atteintes apparentées de la moelle épinière : pathologies génétiques, vasculaires, inflammatoires), ou pathologies cérébrales suite à un accident vasculaire cérébral.
"Le traitement par le cannabis à usage médical, précise l'ANSM, sera mis en place en dernière ligne, c’est-à-dire en cas de soulagement insuffisant ou d’une mauvaise tolérance (effets indésirables) des thérapeutiques médicamenteuses ou non, accessibles, dont les spécialités à base de cannabis ou de cannabinoïdes déjà accessibles (Dronabinol MARINOL, Cannabidiol EPIDYOLEX)."
Les objectifs recherchés ?
"L’expérimentation du cannabis à usage médical n’a pas pour but de montrer l’efficacité ou non du cannabis dans le traitement de maladies ou de symptômes", prévient l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Un avis d'ailleurs partagé par le docteur Marlène Amilhaud-Bordier du CH de Guéret. Pour elle, "il faut être extrêmement prudent, le cannabis thérapeutique, c'est quelque chose à expérimenter, pour valider les modalités de prescription, mais il ne faut surtout pas croire que cela va révolutionner la prise en charge de la douleur".L'ANSM rappelle d'ailleurs que "ses experts et l’ANSM sont partis du principe au vu notamment de données cliniques, de certaines études de la littérature scientifique, de l’utilisation effective dans certains pays etc., que le cannabis pouvait être efficace dans certains symptômes de certaines pathologies ".
- L’expérimentation du cannabis à usage médical aura pour premier objectif d’évaluer la faisabilité du circuit de mise à disposition du cannabis pour les patients, c’est-à-dire la prescription par les médecins, la délivrance par les pharmaciens, l’approvisionnement en produits, le suivi des patients
- Son second objectif sera de recueillir les premières données françaises sur l’efficacité et la sécurité de l’utilisation du cannabis dans un cadre médical.
Afin de recueillir et analyser ces données, 3 000 patients en file active seront suivis pendant au moins 6 mois dans l’expérimentation.
L’évaluation de cette expérimentation permettra ainsi de voir si la mise à disposition du cannabis à usage médical pourra être ensuite généralisée