Le destin d'une petite maison de retraite se joue en ce moment même en Creuse. Cette situation pose la question du modèle de ces structures. Comment faire pour être humainement et économiquement viable ? Éléments de réponse.
EHPAD menacé
Une équipe “formidable” et une qualité de soins “extraordinaire”. Les superlatifs ne manquent pas dans la bouche des proches des résidents et des personnels de l’EHPAD du Chabanou. Tous décrivent un établissement “à taille humaine”, où l’ambiance est “familiale”.
Seulement, depuis son ouverture il y a seulement dix ans, la structure - qui compte quarante lits - n’a jamais atteint l’équilibre financier. Elle accumule aujourd’hui un déficit de 2,3 millions d’euros. Il faudrait vingt à quarante lits supplémentaires pour faire tourner la structure. Ce déficit structurel est connu depuis sa création, alors pourquoi n'avoir prévu que ces quarante lits ? Dans les colonnes de la Montagne, Jean-Jacques Lozach, sénateur et ancien président du Conseil général de la Creuse entre 2001 et 2015, le justifie par un souci "d’aménagement du territoire".
Il y avait des cantons avec deux EHPAD, d’autres avec aucun. Le nombre de lits correspondait au potentiel démographique de ce secteur.
Jean-Jacques Lozach, ancien président du Conseil général de la Creuse (2001-2015)La Montagne Creuse, le 09/09/2023
Menacée de fermeture, la structure a été défendue par de nombreux rassemblements, dont un ce lundi 11 septembre dans plusieurs villes de Creuse. À l'heure où nous publions ces lignes, nous venons de l'apprendre, l'EHPAD du Chabanou ne fermera pas ses portes. Des audits seront mis en œuvre pour trouver des solutions financières à la situation de cette maison de retraite située en Creuse, sur la commune de la Courtine.
Quel modèle ?
David Penneroux dirige deux EHPAD en Haute-Vienne. Il a mené une réflexion nationale sur le modèle économique des EHPAD." En termes de réponse, une structure de petite taille a un intérêt pour maintenir les personnes proches de leur lieu de vie, mais sur le plan économique, c’est très difficile.”, explique-t-il.
Selon lui, pour attirer du personnel et être financièrement viable, la capacité d'accueil d’un établissement ne peut se situer en dessous de 90-100 lits. “C’est la base pour avoir des compétences complémentaires comme les ergothérapeutes, les psychomotriciens ou les psychologues. Un contrat de travail à dix heures par semaine, ça n’intéresse pas grand monde.”
Seul moyen selon lui de contourner le problème de la taille : mutualiser au maximum les fonctions administratives, certaines fonctions support et les services techniques entre plusieurs établissements, pour amortir les coûts. Créer par exemple des directions communes entre plusieurs EHPAD, comme c’est souvent le cas en Haute-Vienne.
Un déficit global
Le cas du Chabanou est loin d'être isolé. “Depuis les augmentations sur l’alimentation, l’énergie et les revalorisations salariales liées au Ségur, nous sommes très fragilisés.”, admet Monique Plazzi, vice-présidente du département de la Haute-Vienne en charge de l’accompagnement à la perte d’autonomie.
Dans les EHPAD publics de Haute-Vienne, le tarif hébergement va donc augmenter de 3,5% cette année, contre 2% en temps normal. “Insuffisant pour combler les pertes” selon l'élue.
La Première ministre a débloqué une enveloppe de 100 millions d’euros pour venir en aide aux maisons de retraite partout en France. "Une goutte d'eau", alors que le déficit en Haute-Vienne avoisine le million d'euros cette année.