"L'univers est un peu trop petit par rapport au modèle théorique". Rencontre avec l'astrophysicien Alain Blanchard

Envolez-vous dans les étoiles, c'est le mois de l'espace, et c'est fascinant ! Surtout quand c'est raconté par un astrophysicien qui aime communiquer son savoir. Alain Blanchard s'attaque aux grandes questions de la cosmologie et raconte "la matière noire et l’énergie noire", nous parle constante de Hubble, années-lumière et nous explique qu'Andromède est sa galaxie préférée.

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L'espace s'invite à la Micro-Folies La Souterraine avec Alain Blanchard. Astrophysicien et cosmologue, il effectue ses recherches au sein du laboratoire IRAP (Institut de Recherches en Astrophysique et Planétologie), et enseigne à l’université Paul Sabatier, à Toulouse.

Votre conférence s’intitule “L’univers est-il trop petit ?” De quoi allez-vous parler ?

J’ai vu que ce titre avait accroché, c’est bien !

La cosmologie, c’est l’étude de l’univers dans son ensemble, à la fois dans sa dimension géographique et son histoire. Je pense que tout le monde a entendu parler du modèle du big bang, qui s’est développé dans les années 60. Depuis, on a fait des progrès considérables dans la compréhension de détails du modèle, on arrive à un niveau de précision scientifique très élevé, avec des choses assez remarquables puisqu’on a introduit deux composantes noires, à savoir la matière noire et l’énergie noire, qui représentent 95 % de la densité de l’univers et qui ne sont pas de la même nature que nous. Nous, nous sommes faits d’atomes, ces deux composantes sont faites d’autres choses qu’on ne connaît toujours pas, donc on a évidemment envie de connaître ces choses-là, ça fait les grandes questions de la cosmologie moderne.

En même temps, depuis une dizaine d’années, dans les détails de ce modèle, on prévoit exactement la vitesse d’expansion de l’univers. L’univers est en expansion, et on peut mesurer cette vitesse de façon locale en regardant des galaxies lointaines qui s’éloignent de nous. On mesure leur distance, on mesure leur vitesse et on a ce qu’on appelle la constante de Hubble qui est la relation entre les deux, et cette constante de Hubble est légèrement plus grande que ce qu’on attendrait dans le beau modèle que l’on a construit.

Il y a un petit désaccord que l’on peut traduire par le fait que les distances sont un peu plus petites que celles auxquelles on s’attendait. D’où l’idée que l’univers est un tout petit peu trop petit par rapport au modèle théorique. Ce n’est pas une grosse différence, quelque chose de l’ordre de 10 %, mais c’est vraiment un caillou dans la chaussure des cosmologistes.

L’espace fait-il toujours autant rêver ?

Je crois que ça reste un domaine qui fascine, surtout l’astrophysique, on est au-delà de ce qu’on peut espérer de façon directe, et c’est toujours fascinant de regarder le ciel. Par exemple, le soir par un ciel d’été, on peut voir la galaxie d’Andromède, c’est de la lumière qui voyage à 300 000 kilomètres par seconde dans l’espace, et vous collectez avec votre œil, des photons, des grains de lumière. Ces grains de lumière ont voyagé à 300 000 kilomètres par seconde, pendant 2,5 millions d’années pour venir mourir au fond de votre rétine. C’est un moment tout à fait particulier, et je ne me lasse pas chaque année de retrouver cette galaxie dans le ciel.

Aujourd’hui, on perçoit une défiance envers la science, avec un regain de la théorie platiste (selon laquelle la Terre serait plate). Comment accueillez-vous cette tendance alors que vous consacrez votre vie à l’étude de l’espace ?

Sur le plan personnel, c’est un grand désarroi de voir que l’absence de culture scientifique se propage dans la société. Je suis enseignant et donc j’enseigne la physique, les sciences et malheureusement, je suis triste de voir que la population n’assume plus la science comme une source d’information crédible. C’est dommage, je pense qu’à la fin du siècle dernier, on était plutôt dans une situation où la science avait une certaine autorité.

C’est peut-être cela qui fait qu’aujourd’hui, elle est contestée, peut-être les gens ressentent-ils la science comme une autorité et veulent la dégommer de son statut d’autorité ? Mais on le paye cher, très cher et je pense que là où on est le plus “en danger”, c’est par exemple sur le climatoscepticisme, on sait que la planète est en danger et on voit bien qu’il y a un refus d’accepter cette réalité par un certain nombre de personnes, y compris par des politiques, et malheureusement aux États-Unis on vient d’en voir les conséquences et je trouve cela dramatique.

Vous éprouvez un amour profond pour l’espace, pour les questions qu’il soulève, pour ce que l’on peut y trouver ?

Bien sûr ! J’adore encore plus regarder le ciel parce que les objets qui m’intéressent sont de toute façon inaccessible. Les premières étoiles sont à une distance de plusieurs années-lumière, donc déjà à la vitesse de la lumière, il faudrait plusieurs années pour y aller. Et on est très loin d’avoir des vitesses qui approchent même de quelques pourcents la vitesse de la lumière. Donc, ils vont rester tout à fait inaccessibles, ces objets.

Je m’intéresse à des choses qui sont beaucoup plus loin, les galaxies. La galaxie d’Andromède, à 2,5 millions d’années-lumière, c’est la plus proche. Donc, on s’intéresse vraiment à des choses qui sont vraiment très lointaines, inaccessibles au voyage direct.

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{} ©France Televisions

Pourquoi est-ce intéressant, pour vous, de tenir des conférences grand public ?

Depuis que je suis jeune, j'ai toujours aimé faire de la diffusion de la connaissance, je me rappelle qu’en quatrième déjà, j’avais fait un exposé d’astrophysique devant mes collègues. J’ai toujours continué au cours de ma carrière à faire des interventions vis-à-vis du grand public, depuis les lycéens jusqu’aux gens avancés, astronomes amateurs, etc.

C’est un point qui me tient à cœur et je pense que de façon générale, il est important qu’il y ait des scientifiques qui consacrent une part de leur activité à diffuser la connaissance, sans que çela doive être une obligation. Il y a des domaines qui se prêtent plus ou moins à la vulgarisation, puis il y a des gens qui sont plus ou moins à l’aise avec cet exercice.

Quel type de public rencontrez-vous lors de ces conférences ?

J’ai un public assez varié, ça m’est arrivé de faire des conférences dans des lycées, pour des lycéens comme cet après-midi, et aussi à du grand public qui est ignorant de l’astronomie, ou alors des clubs d’astronomes amateurs qui veulent avoir un peu d’informations plus précises auprès de spécialistes.

Vous espérez susciter des vocations ?

Je pense qu’il n’y a pas besoin de moi pour qu’il y ait déjà de nombreuses vocations sur l’astrophysique, mais j’espère en tous les cas les nourrir, car moi quand j’étais jeune, j’étais souvent à la recherche de conférences, d’exposés, donc j’ai envie que les jeunes puissent la redécouvrir aussi aujourd’hui.

La quatrième édition du mois de l'espace se poursuit dans la Creuse jusqu'au 29 novembre.

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