Les associations d’ex-mineurs réunionnais transplantés en métropole sont exaspérées.
Aucune annonce n’a été faite par la ministre des Outre-Mer depuis la remise du rapport de la Commission d’experts en avril 2018.
Elles ont décidé de relancer le combat judiciaire.
Des plaintes contre X au pénal pour « enlèvements », « faux et usage de faux », « falsification de documents officiels » dans une cinquantaine de dossiers recensés à ce jour : c’est ce qu’envisage de déposer l’avocate parisienne mandatée par les associations d’ex-pupilles réunionnais transplantés en métropole dans les années 60.
Contactée au téléphone, Me Chapelle nous a confirmé qu’elle envisageait aussi des actions devant la justice administrative pour faire reconnaître la faute de l’Etat français.
Dans l’affaire dite des « Réunionnais de la Creuse », on pensait que la voie judiciaire abondamment utilisée depuis les années 2000 avait été définitivement abandonnée par les associations de victimes après une succession d’échecs devant la justice pénale et une fin de non recevoir, en théorie définitive, devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme en 2011.
Mais pour Me Chapelle, la publication du rapport de la Commission d’Information et de Recherche Historique présidée par le sociologue Philippe Vitale en avril 2018 apporte suffisamment d'éléments nouveaux pour relancer l'action judiciaire.
Remis à la ministre des Outre-Mer il y a un an le document confirmait qu’entre 1962 et 1984, 2015 mineurs de La Réunion relevant de l’administration de l'Aide Sociale à l’Enfance avaient été transférés dans 83 départements de France métropolitaine, principalement en Creuse, dans le cadre d’une politique de migration mise en place à la Réunion.
L'administration de l'Aide Sociale à l'Enfance en accusation
Il mettait aussi en cause les carences de certains services de l’Etat à cette époque, plus particulièrement celui du Service de l’Aide Sociale à l’Enfance.
Il reconnaissait enfin que les souffrances et les traumatismes subis par les mineurs transplantés avaient été aggravés par le contexte post-colonial, par leur vulnérabilité et par leur déracinement.
Lors de la remise du rapport la ministre des Outre-Mer Annick Girardin avait indiqué aux associations d’ex-mineurs que ce document n’était pas une fin mais « un point de départ pour vous aider à vous réparer, au présent et à envisager l’avenir de façon apaisée».
Annick Girardin avait également promis que des annonces concrètes seraient faites rapidement pour aider les victimes.
Un an et un mois plus tard le ministère des Outre-Mer n'a toujours rien annoncé de nouveau sur ce dossier.
Les associations, et notamment la FED DROM (Fédération des Enfants Déracinés des Départements et Régions d'Outre-Mer) sont exaspérées et ont donc décidé de reprendre la voie judiciaire pour faire pression sur le Gouvernement. Elles viennent de lancer une souscription sur internet pour récolter des fonds en vue du procès.
Pas de réponse depuis plus d'un an de la part du gouvernement
De son côté, le sociologue Philippe Vitale qui présidait la Commission d’Information et de Recherche Historique auteure du rapport sur lequel Me Chapelle entend s'appuyer explique qu'il "n'est pas étonné" de la réaction et de l'exaspération des associations.
"Si le Gouvernement avait agi plus vite cela aurait apaisé les tensions" explique-t-il même s'il reconnaît que "l'année passée a été particulièrement chargée en évènements pour la Ministre des Outre-Mer" et que "la transmission du dossier au Conseil Départemental de la Réunion peut également expliquer l'allongement du délai".
Mais Philippe Vitale "entend les revendications des associations" et "constate que cette attente a mis de l'huile sur le feu" rappelant que "quand une affaire n'est pas traitée politiquement, elle finit devant les tribunaux".