En 2017, GM&S, le sous-traitant automobile de Renault et Stellantis implanté à La Souterraine en Creuse, licencie 157 de ses 283 ouvriers. Victimes collatérales, les épouses et compagnes des licenciés témoignent de la déflagration causée par cette perte d'emploi brutale.
Elles s'appellent Sylvie, Christelle, Delphine, Anne-Laure, Béatrice et Michelle. Toutes ont un triste point commun : leur mari, ouvrier chez GM&S, a fait partie des 157 licenciés en 2017. Si elles sont celles que l'on n'entend jamais, le plan social du sous-traitant automobile avait fait grand bruit, bien au-delà de la Creuse et de la Nouvelle-Aquitaine.
La chute de GM&S
Décidé en décembre 2016, le placement en redressement judiciaire de l'usine avait fait souffler un mouvement de révolte au sein des ouvriers. Entrés en lutte pour sauver leur emploi, ils annoncent, en mai 2017, avoir placé des bonbonnes de gaz dans l'usine, et se disent prêts à la faire sauter s'ils n'obtiennent pas gain de cause.
Malgré l'intérêt médiatique national et la venue des politiques (nous sommes en année d'élection présidentielle), un film On va tout péter présenté au festival de Cannes, rien n'y fait ou presque. Le tribunal administratif de Poitiers valide en septembre 2017 la reprise par le groupe GMD, qui ne gardera que 120 salariés.
VIDEO ⇒ Archives : Au festival de Cannes avec une quarantaine d'anciens salariés. Les ex-GM&S sont venus soutenir le film de Lech Kowalski "On va tout péter", sélectionné pour la Quinzaine des réalisateurs. Un documentaire qui retrace leur combat pour sauver leur usine. (Reportage de Philippe Mallet et André Abalo)
La lutte continue pour certains puisque 118 salariés ont assigné Renault et Stellantis en justice en 2023, les accusant de sécher leurs carnets de commandes. Le plan social de 2017 a bouleversé la vie de ceux restés sur le carreau, emportant dans son sinistre tourbillon non seulement leur source de revenus, mais aussi leur statut social, leur dignité, leur santé, leur vie de famille et parfois leur vie tout court.
Elles témoignent pour Bernie Bonvoisin
La rencontre entre Bernie Bonvoisin, chanteur du groupe Trust et cinéaste, et les GM&S remonte à 2017. Cherchant à tout prix à médiatiser la situation de l'usine, les ouvriers lui envoient une lettre, Au nom de la rage. Tout juste sorti de studio, il décide de rajouter une date à sa tournée et donne un concert dans l'usine.
Des liens se sont tissés et le groupe, de retour dans la Creuse pour les Nuits de Guéret en juillet 2019, réaffirme sa colère et son soutien aux 80 salariés toujours sans emploi.
Cette proximité l'amène à côtoyer non seulement les salariés, mais aussi leur famille. En 2024, ce n'est plus sur scène qu'il tente de faire bouger les lignes et de lutter contre l'indifférence mais en consacrant un documentaire, "Bêtes à bénéfices", à la détresse de ces femmes.
Éclairées sur fond noir, elles racontent. L'annonce du plan social, l'attente de la lettre ou du SMS informant du licenciement et la chute qui a suivi.
Bernie Bonvoisin entame chaque entretien par la même question : vous souvenez-vous du jour où vous avez appris qu'il y aura un plan social ?
Ce n'est pas qu'un travail qu'on a perdu, c'est une vie
Anne-Laure CastreBêtes à bénéfices
Elles se souviennent de tout, devinant d'emblée que la suite allait être terrible. Elles ont accompagné, soutenu leur mari, changé de vie, parfois repris un travail pour subvenir aux besoins de leur famille. Elles sont celles que l'on n'avait jamais entendues. Ce documentaire nous permet enfin de les écouter.
Le documentaire dans son intégralité est à découvrir sur notre plateforme France.TV.
