Deux-Sèvres : le Sanctuaire des loups menacé par une demande d'indemnisation d'un éleveur

Le 13 novembre dernier, trois loups s'échappaient du Sanctuaire de Béatrice Gérardot à Frontenay-Rohan-Rohan. Trois jours plus tard, un éleveur de Charente-Maritime déplorait la perte d'une dizaine de brebis. Son assureur réclame 11 500 euros d'indemnisation. 

La meute de cinq loups, un mâle et ses quatres rejetons, était arrivée d'un zoo d'Ille-et-Vilaine au début du mois de novembre 2020. Malheureusement, deux semaines après, trois d'entre eux parvenaient à se faire la belle. Une évasion qui s'est vite transformée en feuilleton médiatique. Comme l'ours dans les Pyrénées, à tort ou à raison, il faut croire que le loup nourrit encore bien des fantasmes dans l'inconscient collectif.

"Le loup, je l'ai vu."

Alors qu'un des fugitifs étaient rapidement fauché par un véhicule sur une route de Charente-Maritime, un deuxième était finalement capturé. Blessé, il sera euthanasié quelques jours plus tard. Le troisième animal, malgré les protestations des défenseurs du monde sauvage sur les réseaux sociaux, sera abattu à Courçon.

"Devant l'impossibilité de l'approcher afin d'effectuer une capture par téléanesthésie, la décision d'un tir létal a été prise en derniers recours, rendue nécessaire par les risques encourus, notamment de prédation de troupeaux", déclarait alors les autorités à l'AFP. "On sait que c'est ce loup qui a attaqué les brebis mais des analyses vont être effectuées, notamment sur des poils retrouvés sur des brebis, pour confirmer qu'il est bien l'auteur des attaques", précisait la préfecture.

La Préfecture de Charente-Maritime soupçonne alors le loup d'avoir attaqué trois troupeaux dans le département. C'est effectivement à la même époque que Patrice Chamard, éleveur à Saint-Saturnin du Bois (17), découvre une dizaine de ses brebis égorgées. Un voisin lui affirmera, photo à l'appui, qu'il a bien vu un loup non loin de là et l'agriculteur part immédiatent à sa recherche. Selon son témoignage, il apercevra lui-même l'animal aux alentours de son exploitation.

Le loup, je l'ai vu. Il courait devant ma voiture mais je n'ai pas eu le temps de reprendre une photo. Il est rentré dans les bois et on ne l'a plus revu.

Patrice Chamard, éleveur à Saint-Saturnin du Bois

"C'est un dossier vide."

Visiblement, cela serait donc l'assureur de l'éleveur qui réclamerait aujourd'hui 11 500 euros d'indemnisation à Béatrice Gérardot. Une somme que la fondatrice du Sanctuaire des loups à Frontenay-Rohan-Rohan déclare ne pas avoir. Mise en demeure par la Préfecture d'effectuer des travaux de sécurisation du refuge, elle affirme s'être déjà lourdement endettée pour rajouter 1,2 kilomètres de cloture, une électrification du site, la pose de caméras de surveillance et le renforcement des "points faibles" du domaine. Elle s'inquiète aussi bien sûr pour l'avenir de ses protégés.

Si le sanctuaire disparaît, qu’est-ce qu’on fait des loups ? Ils s’en vont où ? Il n’y a pas de structure pour les accueillir. On ne va pas les euthanasier j’espère parce que ça serait dramatique de tuer une espèce protégée et ce ne sont pas des loups que l’on peut réintroduire comme ça dans n’importe quel zoo ou parc où les meutes sont déjà constituées.

Béatrice Gérardot, fondatrice du Sanctuaire des Loups

Mais avant tout, c'est l'accusation même que les responsables du refuge récusent. Devant la menace, ils se sont donc rapprochés d'un avocat qui les representait lors d'une rencontre avec l'éleveur en janvier dernier. Selon ce dernier, aucune preuve matérielle ne lui a été fourni pour soutenir la thèse d'une responsabilité du loup fugitif.

On a assisté à une réunion où on nous a dit qu’il n’y avait aucune preuve. Il n’y avait pas de cadavres de brebis, pas de preuves papier. Il y avait une photographie d’une empreinte qui s’avère ne pas être une empreinte de loup. Donc finalement il n’y a rien et pour autant on nous demandait une indemnisation. Mais aujourd’hui on n’a plus ni son ni images de leur part. C’est un dossier vide et l’assureur est en train de s'en rendre compte. Ils se basaient sur la simple corrélation spatiale et temporelle ; ils affirment dans le dossier que les loups n’étant pas loin et s’étant échappés à une période proche de l’attaque de leur troupeau, ils considèrent que c’est eux, mais sans preuve factuelle.

Benjamin Enos, avocat

Dans ce bras de fer juridique, le Sanctuaire peut aussi compter sur le soutien du maire de Frontenay-Rohan-Rohan. Olivier Poiraud, édile de la commune, est lui aussi inquiet d'une possible disparition du refuge. Même s'il comprend l'inquiétude de certains habitants, il sait que les travaux de mise en conformité devraient répondre à toutes les attentes légitimes des autorités.

Je crois qu’il ne faut pas stigmatiser un tel sanctuaire. Il faut s’habituer à vivre avec des lieux qui protègent des animaux. C’est dans ce sens-là que je veux tranquilliser un peu les populations et défendre le sanctuaire. Je veux qu’il reste sur la commune. Wilfried et Béatrice font un gros travail de préservation d’une espèce qui est aujourd’hui protégée. C’est donc aussi habituer les populations à vivre et à comprendre un règne animal auquel on est peu habitué. C’est un intérêt pour la commune puisque si à l’avenir ce sanctuaire peut accueillir plus de monde, ça peut favoriser une sorte de tourisme. Le sanctuaire fait tout ce qu’il faut pour répondre aux demandes de la Préfecture et de l’Etat.

Olivier Poiraud, maire de Frontenay-Rohan-Rohan

Sur son site internet, le Sanctuaire des loups précise que l'association ne vit que grâce aux dons de ces adhérents et des bienfaiteurs. "L’esprit du Sanctuaire est d’être au service des animaux sauvages captifs pendant leur séjour dans notre centre de soins. Le Sanctuaire a pour objectif également de réhabiliter l’image du Loup , de démontrer que le Loup ,  « n’est pas le grand méchant loup », d’expliquer et de comprendre son comportement , son mode de vie , ses besoins vitaux ... L’objectif du Sanctuaire est de faire admettre et comprendre que la place du Loup est capitale à l’équilibre de notre écosystème".

Reportage de Dominique Laveau, Pascal Simon et Carine Grivet

 

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