En Deux-Sèvres, la pénurie de paille devient récurrente

La paille vient à manquer en Deux-Sèvres comme un peu partout ailleurs. Si la météo hivernale en est la principale responsable, la pénurie révèle d'autres causes, plus profondes. L'évolution des pratiques agricoles et l'essor de la méthanisation participent à une raréfaction grandissante.

La moisson est à peine achevée et déjà le risque de pénurie de paille se fait sentir. Pour quelles raisons ? D'abord pour des raisons climatiques. Déjà à l’automne, de très fortes précipitations avaient perturbé les plantations, entrainant une baisse des surfaces cultivées, certains agriculteurs n’ayant pu accéder à leurs parcelles rendues impraticables. La météo n’a pas été plus clémente par la suite, la sécheresse du printemps succédant aux inondations hivernales. Résultat, 2020 est la deuxième plus mauvaise récolte de ces 15 dernières années pour le blé tendre, et ce n’est guère mieux pour l’orge. Les céréaliers sont à la peine, mais ces mauvais chiffres pénalisent également les éleveurs. Car dans le blé et l’orge rien ne se perd. On appelle ça des céréales à paille. « Si les rendements en grains sont affectés, les rendements en paille  sont aussi moindres » annonce la Chambre d’Agriculture des Deux Sèvres, qui prévoit « un manque pour les élevages du département ».

On s’y attendait. Mais maintenant que les moissonneuses sont dans les champs, on constate des rendements de 30 à 50% inférieurs à ceux de l’année dernière

Benoit Jaunet, éleveur bovin à Nueil-les-Aubiers (79)


Bien qu'il cultive lui-même ses propres céréales, la météo, capricieuse par nature, ne lui permet pas toujours de pourvoir à ses besoins. Traditionnellement, il achetait le complément de paille auprès des agriculteurs céréaliers, le tout retournant au champ après usage sous forme de fumier, pour enrichir le sol. Un cercle vertueux en somme. Mais il déplore avoir de plus en plus de mal à se fournir depuis quelques années.

Autre cause, le broyage.

 Les pratiques agricoles évoluent et de plus en plus, la paille n’est plus moissonnée pour alimenter les éleveurs en litière. Les paysans, une fois les épis récoltés, retournent directement la terre pour préparer la saison suivante, en y incorporant la paille restée sur pied. Il en résulte un gain de temps pour les céréaliers, même si l’apport organique est moindre.


Les éleveurs se retrouvent en concurence avec les usines de méthanisation.

Selon Benoit Jaunet, la principale raison à la difficulté des éleveurs à se fournir en paille de litière, est l’essor de la méthanisation. En 10 ans, la France a multiplié par 5 le nombre d'installations de ce type, dites "à la ferme". Fin 2019, elle en comptait 531. De plus en plus d’usines se sont ainsi implantées dans les territoires, 6 en Deux-Sèvres, et elles ont, elles aussi, besoin de paille pour fonctionner. De gros besoins.

Autour de mon exploitation, il y a maintenant 3 usines de méthanisation à 20 km à la ronde. La plus grosse utilise plus de 2000 tonnes de paille par an. Ce qui correspond à 20 ans de ma consommation en tant qu’éleveur ! Et pour s’assurer d’être fourni en paille, il paye la tonne 15 euros plus cher que ce  qu’on pratiquait entre agriculteurs auparavant.

Benoit Jaunet, éleveur bovin à Nueil-les-Aubiers (79)

Et on ne parle là que des méthaniseurs locaux. Car si la France s’équipe à marche forcée, elle arrive loin derrière l’Allemagne et quelques autres pays européens. Les hollandais notamment ont développé un réseau de méthaniseurs conséquent, malgré le peu de surfaces céréalières disponibles sur leur territoire. Ils viennent donc se fournir en France où les prix sont moins chers, contribuant ainsi à les faire grimper encore un peu plus. Conséquence, de gros marchands de paille hexagonaux réservent leur production au marché hollandais.
« Tant qu’il y a des volumes de paille, ça va encore. C’est plus cher qu’avant mais on s’en sort. Par contre, dès qu’il y a un manque comme cette année, ça devient réellement compliqué, parce qu’il n’y en a tout simplement plus pour nous! Et on est obligé de se fournir en Espagne, encore plus cher ».
Ainsi, alors que la tonne de paille s’échangeait traditionnellement aux alentours de 70 euros entre agriculteurs, les éleveurs ont dû se résoudre en février à l'importer d’Espagne pour près du double.
Benoit Jaunet, qui est également porte-parole de la Confédération Paysanne 79, a interpellé le préfet et le président de la Chambre d’Agriculture des Deux Sèvres à ce sujet, à l’occasion d’une cellule de crise agricole qui s’est tenue au mois d’avril, leur demandant d’intervenir pour « réguler les prix et interdire l’alimentation des méthaniseurs avec la paille et les fourrages » pendant les périodes de manque, comme actuellement.

Les conseillers de la Chambre d'Agriculture ont proposé des alternatives pour les litières.

« Il y a 30 ans on se chauffait au bois qu’on récupérait en taillant nos haies dans le bocage, et on mettait de la paille sous nos bêtes. Aujourd’hui, la paille part à la méthanisation qui fabrique du gaz pour chauffer nos maisons, et on nous dit de pailler nos animaux avec des copeaux de bois, pour valoriser les bocages ».
La Chambre d’Agriculture a mis en ligne une plateforme pour permettre aux éleveurs de trouver la paille encore disponible, et elle vient, le 9 juillet, d’« inviter les céréaliers à faire preuve de solidarité ».
 
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