Coronavirus. 11 heures d'angoisse, confinés dans un avion avec 444 personnes

Un couple de retraités pensait pouvoir rentrer en toute sérénité dans les Deux Sèvres grâce à un vol entre La Réunion et Paris. Dérouté vers Madagascar, l’avion a fait le plein de passagers, sans aucune distanciation sociale. Quelles sont les obligations des compagnies aériennes ?
 

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Françoise et Joël sont retraités à Coulonge-sur-l'Autize (79) mais ils restent de grands voyageurs. Lorsque leurs enfants ont choisi de s'installer à La Réunion, c'est tout naturellement qu'ils ont décidé de leur rendre visite pour la première fois, début Mars. 
Quelques jours plus tard, la France bascule dans l'ère du Covid 19 et du confinement. Sagement, le couple attend sur place, jusqu'à ce que la situation s'éclaircisse.
Mais au bout de deux mois, il est temps de penser à repartir. La date d'un possible déconfinement au 11 Mai vient d'être annoncé, il faudra du temps pour trouver un avion.
Françoise et Joël obtiennent tant bien que mal des places pour un vol Air France, AF 0671 le jeudi 23 avril.
Au moment de l'enregistrement, Françoise s'interroge sur le nombre de personnes dans l'avion. "Vous serez 138" lui répond l'hôtesse. Les Deux-Sévriens âgés de 62 et 69 ans sont rassurés, les distances de sécurité seront respectées. Tous deux souffrent de divers maux :  hypertension, problèmes cardiaques, pas question de se retrouver collés les uns aux autres.

De 138 à 446 voyageurs !

Mais cette sérénité est vite gâchée. Dans la salle d'embarquement, un message les informe que les mesures de sécurité avec une distance d'un mètre, ne pourront finalement pas être tenues, car le vol fait escale à Madagascar pour récupérer des ressortissants français.

L'avion se remplit pour atteindre les 446 passagers, soit 308 personnes de plus ! En quelques minutes, tous les sièges sont occupés, adieu les distances.

Le personnel de bord distribue alors un masque à ceux qui n'en ont pas. Une mesure menée par Air France après la médiatisation de liaisons bondées entre Marseille et Paris ou Nice-Paris.
Françoise et Joël en ont chacun un, qu'ils ont amené, un seul et unique, qu'ils utilisent tout le temps. Le personnel à bord refuse de leur en donner un autre. Pendant les 11 heures de vol, l'équipage invite fortement les passagers à rester à leur place et ne pas bouger. "Je n'ai jamais fait un vol aussi stressant " souffle la voyageuse, qui a fait une petite vidéo à l'intérieur (ci-dessous).Le couple a tenté d'en savoir plus sur cet afflux de passagers. A bord, certains membres de l'équipage évoquent que cette escale serait "un ordre du gouvernement".

Un vol programmé avec le Ministère des Affaires étrangères 

Air France confirme de son côté qu'il s'agit bien d'un rapatriement demandé par le Ministère des Affaires étrangères, greffé sur un vol commercial. Air Madagascar a suspendu toutes ses lignes vers la France jusqu'au 12 Mai prochain. "Il est très difficile en ce moment d'attérir sur l'aéroport d'Antananarivo-Ivato, le site est fermé", confie un responsable d'Air France. 

En pleine crise du coronavirus, est-il normal de rester plus de 10 heures avec 400 personnes à moins d'un mètre ?
Sur ce sujet Air France assure que ses vols " sont actuellement remplis à seulement 30 ou 40 %, mais ponctuellement il peut y avoir plus de monde ". Il n'existe en effet aucun texte ou décret qui précise les modalités particulières liées au Covid-19, lors d'un vol. Quant aux consignes liées au nettoyage et la désinfection des cabines, tout est expliqué en détails sur le site de la compagnie.

Une expertise demandée sur les systèmes de filtration d'air

La sécurité sanitaire dans les avions n’interroge pas seulement les voyageurs. Au Sénat, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a présenté ce jeudi (30 avril) un rapport sur le déconfinement dans le transport aérien. 
Nicole Bonnefoy, sénatrice PS de la Charente fait partie des élus qui ont auditionné plusieurs compagnies aériennes sur la question. « Il est clair que la distanciation dans les avions est ingérable et économiquement pas viable. En revanche, j’ai demandé une étude scientifique fiable pour expertiser les systèmes de filtration dans les cabines ».
Air France affirme que ces filtres sont aussi efficaces que ceux utilisés dans les blocs opératoires. "L'air des cabines est totalement renouvelé toutes les 3 minutes. Les filtres extraient plus de 99 % des virus, y compris ceux dont la taille ne dépasse pas 0,01 micromètre. Le coronavirus est bien plus gros."

Françoise et Joël se souviendront de leur retour de l’île de la Réunion en plein confinement. Mais depuis le 24 avril, Françoise reste inquiète. « Je ne dors pas bien la nuit. Dès que j'ai mal au ventre ou que j'ai quelque chose qui ne va pas, je pense au pire".
La quatorzaine de ce couple se termine la semaine prochaine. Huit longs jours à attendre.

Précisions

Après la parution de cet article, Air France nous a communiqué plusieurs chiffres et ces informations : depuis le 14 Mars, en collaboration avec le Ministère des Affaires étrangères, la compagnie aérienne a rapatrié 270.000 passagers dont 150.000 Français en provenance de 82 pays différents, à bord de 1.800 vols. "C'est la plus grosse opération de rapatriement jamais menée par l'entreprise".
 

Pour en savoir plus :

En dehors de la demande d’une expertise sur le système de filtration, la commission sénatoriale de l’aménagement du territoire et du développement durable a fait 12 propositions, les voici :

Proposition n° 1 :
Clarifier avant le 11 mai 2020 les règles sanitaires applicables au transport aérien et s’assurer de l’uniformité de ces règles au niveau européen, et quand cela sera possible, au niveau international.

Proposition n° 2 : Évaluer la capacité des systèmes de régénération de l’air à éviter les contaminations à bord. Dans l’attente, appliquer les mesures de distanciation physique dans les appareils modérément remplis.

Proposition n° 3 : Pour le financement des mesures de contrôle sanitaire, prévoir, a minima, une avance de l’État avec un remboursement des compagnies via la taxe d’aéroport. Réfléchir dès à présent à d’éventuelles modalités de répartition du financement entre l’État et les compagnies.

Proposition n° 4 : Si nécessaire, à moyen terme, prévoir une montée au capital de l’État dans Air France/KLM.

Proposition n° 5 : Réviser en urgence le règlement européen relatif au remboursement des vols annulés et mettre en place un fonds de garantie par l’État afin de rassurer les passagers sur la solvabilité des avoirs remis.

Proposition n° 6 : Évaluer les déficits des aérodromes au titre des missions de sécurité et de sûreté et compenser ces pertes, au cas par cas, lorsque la situation financière de l’aérodrome l’exige et tant que la taxe d’aéroport ne permettra pas d’apporter les ressources nécessaires.

Proposition n° 7 : Dans le plan de réduction des émissions de CO2 transmis par Air France à l’État, inscrire des engagements ambitieux en matière de renouvellement des flottes, d’incorporation de biocarburants, ou encore de restructuration du réseau intérieur.

Proposition n° 8 : Renforcer l’ambition de la feuille de route sur les biocarburants durables. Dans le cadre de l’AMI, identifier des projets d’investissement, qui pourraient faire l’objet d’un soutien spécifique à la relance.

Proposition n° 9 : Maintenir les règles actuelles du programme CORSIA prévoyant une compensation des émissions supérieures aux niveaux enregistrés en 2020.

Proposition n° 10 : Garantir la remise en service progressive des lignes d’aménagement du territoire existantes en adaptant les arrêtés fixant les obligations de service public. Maintenir et, le cas échéant, accroître le soutien aux LAT prévu par la Stratégie nationale du transport aérien.

Proposition n° 11 : Si nécessaire, aider par des prêts garantis les compagnies indispensables à la connexion entre la métropole et les territoires ultra-marins, et entre les territoires ultra-marins. Fixer en contrepartie des engagements fermes de modération tarifaire.

Proposition n° 12 : Adapter, si elles existent, les stratégies aéroportuaires régionales à la nouvelle donne du transport aérien et accompagner les régions ne disposant pas encore d’une telle stratégie à se saisir pleinement de leur compétence.
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