Quand l’avenir du patrimoine devient un choix cornélien, certaines communes défendent leur édifice coûte que coûte alors que d'autres n'ont d'autres moyens que de le démolir. Des décisions difficiles à prendre qui posent question et se transforment en casse-tête financier. Exemple dans deux communes des Deux-Sèvres.
Il n’aura fallu que peu de temps pour que les pelleteuses mettent fin à l'existence de la chapelle Saint-Léonard de Vrères, à Saint-Léger-de-Montbrun, près de Thouars. Il y a encore une semaine, l’édifice du 18ᵉ siècle se dressait encore sur la place de la petite commune des Deux-Sèvres.
“C’est du patrimoine, mais il fallait faire un choix. Il faut mettre des priorités en fonction de nos petits moyens”, regrette le maire, Jean-Paul Montibert. Derrière cette décision de démolition : le manque de moyens financiers pour la rénovation, la dangerosité faute d’entretien et l’absence d’utilité de l’édifice, fermé depuis 1984.
“Elle était déconfite, pleine de fissures. D’après les gens qui ont assuré la destruction, on pouvait presque enlever le mur à la main”, décrit le maire, qui affirme avoir tout tenté pour la sauver : travaux d’artisans locaux, partenariat avec l’association nationale Urgences patrimoine ou vente. “Deux acheteurs potentiels sont venus. Quand ils ont vu l'extérieur, ils étaient refroidis, mais quand ils sont rentrés, ils étaient glacials”, raconte le maire.
Échec des opérations de sauvetage
“De guerre lasse”, la municipalité a donc consulté ses habitants. Malgré l’attachement de certains, la majorité a préféré se rendre à l’évidence : Il vaut mieux faire table rase de ce passé devenu un peu trop encombrant pour le village d’un peu plus de 1 000 âmes.
“C’est dommage, mais ce n’est pas un crève-cœur. S’il n’y avait pas de financement, il faut essayer de tourner la page”, avance Régis Bouju, habitant de la commune depuis plus de 60 ans.
Dedans, on y a fait notre catéchisme, nos communions et même des mariages ! J’aurais préféré la garder, ça va faire drôle pendant un temps, mais bon…
Jacques Fuzeauhabitant de Saint-Léger-de-Montbrun
Le coût de sa restauration avait été estimé à 150 000 euros. Une somme que la commune a préféré garder le lieu cultuel encore utilisé, l’église du village, dont la restauration est en cours pour 350 000 euros.
Malgré la déception de toucher au patrimoine, la chapelle évoquait des souvenirs seulement chez les plus anciens. Jacques Fuzeau, présent depuis 80 ans, se rappelle des moments de vie : “Dedans, on y a fait notre catéchisme, nos communions et même des mariages ! J’aurais préféré la garder, ça va faire drôle pendant un temps, mais bon…”
Choix des dépenses
Un sentiment d’autant plus amer que le village voisin a réussi à sauver une chapelle similaire, elle aussi bien amochée par le temps, avec des infiltrations, un toit et des murs en piteux état. Mais pour la commune de Saint-Martin-de-Mâcon, pas question pour autant de démolir cet édifice qui sert de débarras depuis plus de trente ans, malgré l’absence de projet pour le futur.
En 2021, 15 000 euros de travaux ont été réalisés et d’autres seront à prévoir. “Sur un budget global de 200 000 euros par an, ça fait mal”, contextualise Yves Buisson, premier adjoint au maire. Cet habitant né dans la commune en 1941 se réjouit de cette décision : “J’y suis attaché, j’espère que je mourrai avant elle, car à force de démolir tout, il ne reste plus rien”, regrette Jean-Michel Noirault.
Conserver ou détruire le patrimoine ? Selon le ministère de la Culture, plus de 5 000 communes rurales en France sont confrontées à ce dilemme. À Saint-Léger-de-Montbrun, c’est une aire de pique-nique qui remplacera la chapelle. Avec toutefois quelques hommages : la cloche et la croix seront visibles dans un mausolée de l’église et sur l’ancien emplacement, un monument avec des photos trônera afin de se souvenir de l’édifice, ou de le découvrir.