Les invisibles #2 : la précarité augmente en raison de la crise sanitaire

Si les données de la pauvreté à Thouars pour l'année 2020 ne sont pas encore toutes connues, des premiers chiffres existent qui laissent augurer d'un accroissement de la pauvreté en raison de la crise sanitaire.

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Selon des acteurs de terrain, le phénomène est cependant temporisé par "la solidarité entre partenaires".

Dans ce deuxième épisode, nous sommes allés à la rencontre des acteurs du Centre communal d'action social (CCAS) de Thouars. La structure a dû fermer ses portes pendant le confinement du printemps mais est parvenue à maintenir un contact avec ses bénéficiaires.

La hausse des demandes de RSA est un indicateur d'une plus grande pauvreté

Dans son bureau du CCAS de Thouars, Vanessa Descoubès, cheffe du service Action sociale, constate que l'on "ne mesure pas encore l'augmentation réelle de la pauvreté" due à la crise sanitaire sur son territoire. Pour elle, "on aura une meilleure vision en fin d'année." Mais, en attendant les chiffres consolidés, dont "le RSA (Revenu de solidarité active) sera un indicateur clair", elle constate volontiers que la pauvreté reste "prégnante".

"Je pense effectivement que l'on constatera une plus grande pauvreté dans les mois à venir", concède-t-elle. 

L'un des premiers indices réside dans les chiffres disponibles de l'augmentation des demandes de RSA depuis le premier confinement. Ils révèlent une hausse de 9,6% des demandes dans les Deux-Sèvres, soit 500 allocataires de plus dans le département sur un an, entre août 2019 et août 2020.

Autre indice, la suppression de certaines catégories d'emplois souvent occupés par des salariés peu ou pas qualifiés. Avec le premier confinement au printemps 2020, Vanessa Descoubès note que "dans le nord des Deux-Sèvres, l'emploi intérimaire et l'emploi saisonnier ont été les premiers supprimés ici : dans le monde agricole et dans les usines agro-alimentaires." Ces emplois se matérialisent souvent par des contrats courts modestement rémunérés, n'ouvrant pas systématiquement droit au chômage, à l'allocation de retour à l'emploi (ARE). Pourtant, ils permettent en temps normal à tout un pan de la population de subvenir à ses besoins.

N'importe qui aujourd'hui peut avoir un accident de la vie et se retrouver au RSA.

Vanessa Descoubès, CCAS Thouars

À la suite des premières augmentations des demandes de RSA, cette assistante sociale de formation constate que "l'on aide plus de personnes que l'an dernier, par exemple". Au titre de la convention signée avec le conseil départemental des Deux-Sèvres, le CCAS de Thouars prend à sa charge l'accompagnement des personnes seules bénéficiaires du RSA. Cette année, 127 personnes bénéficient déjà du dispositif, principalement des hommes seuls. C'est 12 personnes de plus que l'an dernier et l'année n'est pas terminée. 

"On s'est effectivement rendu compte que l'on aidait des gens en très grande précarité. Nous rencontrons des personnes fragilisées qui n'ont pas pris soin d'elles et pour qui il faut d'abord régler des questions de santé", explique-t-elle.

"Les gens que nous rencontrons ont des difficultés liées à des parcours de vie chaotique, des séparations qui mènent à des problèmes d'alcool par exemple, parfois aussi des gens qui perdent leur travail, sont expulsés de chez eux et se retrouvent à vivre dans leur voiture ! (Lire le parcours de Paul B. dans l'épisode 1)" Pour éviter toute généralité, elle indique : "Nous avons affaire à des parcours individuels".

Puis, comme pour appuyer son propos, elle ajoute : "N'importe qui aujourd'hui peut avoir un accident de la vie et se retrouver au RSA."L'augmentation de la précarité qu'elle constate depuis le confinement de printemps s'est encore accentuée avec le second confinement. Elle prend pour exemple la nouvelle hausse des cas de violences conjugales. "Dans les Deux-Sèvres, une quinzaine de familles bénéficient en ce moment d'un hébergement d'urgence" pour mettre les victimes en sécurité. A Thouars, un logement est actuellement occupé par une famille pour cette raison. "Je m'y attendais moins", confie-t-elle, "car le second confinement est moins strict que le premier où l'on était reclus. Là, on a plus la possibilité de sortir. Ca met surtout en avant des situations problèmatiques qui se révèlent d'autant plus difficiles à gérer qu'il y a des enfants."

Vanessa Descoubès note néanmoins que "la solidarité entre partenaires permet de réduire les effets" de la crise sur les plus précaires.

"Pendant le confinement, nos portes étaient fermées, mais nous avons continué de répondre aux gens. Nous avions notamment une fenêtre pour remettre le courrier à celles et ceux qui n'ont pas d'adresse et on a pris le temps d'expliquer : le masque, les distances à maintenir, on a fait beaucoup de pédagogie, on a téléphoné à nos bénéficiaires et on a maintenu le lien."

Pendant l'été, l'Etat avait demandé aux villes de mettre en place une politique pro-active, pour accompagner les familles. "La mobilisation des partenaires a été tout à fait satisfaisante", estime-t-elle pour le quartier prioritaire des Capucins. "300 jeunes ont pu participer à des activités sportives, de loisirs, mais aussi cultuelles."

Signe pour elle que l'expérience a fonctionné, "on a jamais eu autant de passage à l'Espace des Capucins : 600 rien qu'en septembre !"

François Bombard, Antoine Morel, Christophe Rio et Christophe Pougeas 
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