Plan de sobriété, réutilisation des eaux usées, tarification progressive : en déplacement dans les Hautes-Alpes le président de la République a esquissé ce 30 mars les grandes lignes de son "plan eau". Des mesures, notamment celles pour l'agriculture, qui n'ont pas convaincu les opposants aux méga-bassines.
Le vocabulaire, la philosophie, les solutions, rien dans le "plan eau" ébauché par le président de la République ne répond aux attentes des opposants aux méga-bassines, et surtout pas ce qui concerne l'agriculture.
Pour le porte-parole de la Confédération Paysanne Nicolas Girod, "On ne sent pas la logique d'une ambition de moindre utilisation de l'eau dans l'agriculture. On devrait avoir une agriculture qui s'impose ça, une utilisation sobre de l'eau."
La question de l'irrigation
Emmanuel Macron a réaffirmé dans son discours la nécessité de l'irrigation, et l'utilité des stockages artificiels d'eau pour les agriculteurs, mais a proposé que les prochains prennent mieux en compte la raréfaction de l'eau. "Il ne s'agit pas de privatiser l'eau. Ou de permettre à certains de se l'accaparer", a-t-il déclaré, en répétant que l'eau était "indispensable à notre souveraineté alimentaire".
Nicolas Girod rappelle que l'irrigation ne concerne que 7 % des agriculteurs, et regrette que ce plan "laisse tous les autres de côté, et ne s'attaque pas aux causes du problème. Pour nous, la question majeure, c'est retenir l'eau dans le sol. Il faut réorienter les financements vers des pratiques qui retiennent l'eau dans les sols : les couverts végétaux, les haies, les prairies..."
Une approche "techno-solutionniste"
L'eau, ce n'est pas seulement un problème de quantité, c'est aussi un problème de qualité.
Julien Le GuetPorte-parole du collectif Bassines Non Merci !
Irrigation, réserves d'eau, recharge artificielle des nappes, aux côtés de Nicolas Girod, le porte-parole du collectif Bassines non merci ! Julien Le Guet dénonce des réponses techniques et coûteuses illusoires. "L'innovation, c'est encore être dans l'idée que c'est la science qui va nous sauver. La recharge artificielle des nappes, c'est une technologie de Véolia mal étudiée qui pose tout un tas de problèmes. L'eau, ce n'est pas seulement un problème de quantité, c'est aussi un problème de qualité."
Les changements de pratique, un leurre ?
Dans son allocution, le président de la République a conditionné la réalisation des futures méga-bassines à des "changements de pratiques significatifs" de la part des agriculteurs irrigants, la concertation des acteurs et la validation scientifique de ces projets.
Pour Nicolas Girod et Julien Le Guet, tous deux membres du collectif Les Soulèvements de la Terre qui a tenu à réagir au plan d'Emmanuel Macron par un plan commun sur l'Eau, ces conditions sont un leurre, elles existaient déjà dans les projets validés par la députée des Deux-Sèvres Delphine Batho en 2018, aucune n'est vraiment appliquée, la députée s'est d'ailleurs depuis désolidarisée de ces projets. " On le voit bien sur le terrain, les changements de pratique mis en oeuvre par les irrigants, ils sont minuscules. Pour la concertation, on doit forcer la porte souvent pour faire entendre nos propositions dans ces différentes réunions. Quant à la validation scientifique, c'est pareil, ils ne tiennent pas compte des études indépendantes qui vont à l'encontre de leurs projets."
Pour Benoît Feuillu des Soulèvements de la Terre, "la grande faute du président dans son plan eau, c'est de ne pas prendre en compte qu'il y a une nécessité impérative à faire cesser les projets de bassines, d'arrêter les travaux et de reprendre le dialogue. Même les acteurs du terrain, irrigants et agence de l'eau, commencent à admettre que les mega-bassines ne sont pas la solution idéale", affirme-t-il.
Le "plan eau" des Insoumis
Les députés LFI ont rappelé ce 30 mars leurs propres pistes pour "protéger l'eau", en prônant une "bifurcation" pour l'agriculture et les énergies. "Le modèle d'agriculture intensive pose de graves déséquilibres par l'accaparement de cette ressource et la perturbation du cycle de l'eau", écrivent-ils dans un livret de 40 pages.
Les insoumis veulent "un plan national visant à accompagner l'ensemble des agriculteurs et des agricultrices dans la bifurcation écologique de l'agriculture, l'adaptation au changement climatique et la sortie de l'élevage industriel".
La première suite de l'annonce des 53 mesures du plan Eau du gouvernement, ce sont les rassemblements prévus ce jeudi 30 mars à 19 h devant les préfectures dans près de 130 villes de France, à l'appel du collectif Les Soulèvements de la Terre, qui devraient être rejoints par près de 300 organisations. Des rassemblements qu'ils souhaitent pacifiques, et le début d'une nouvelle forme de lutte.
(avec AFP)