La Croix-Rouge des Deux-Sèvres a dû cesser cet automne sa collecte de vêtements de seconde main. Elle n'arrive plus à écouler ses stocks. Une difficulté rencontrée par tous les acteurs de la filière. La concurrence chinoise et la fast fashion ont créé une crise de grande ampleur.
Dans le sud des Deux-Sèvres, ne cherchez plus les bennes de collecte de vêtements de la Croix-Rouge, l’association a été contrainte de les fermer. Quinze bennes ont ainsi été condamnées en octobre à Niort, Saint-Maixent-l'École et Melle. Car La Croix-Rouge n’arrive plus à écouler ses stocks. À l’échelle du département, elle a 85 tonnes de vêtements sur les bras sans avoir de débouchés.
"L’usine de tri avec laquelle nous sommes partenaires accepte encore de nous en prendre pour nous déblayer, mais sans nous payer, témoigne Alain Puthon, président de la délégation deux-sévrienne de La Croix-Rouge. C’est très alarmant. C’est un problème national et international. Et si l’activité doit reprendre un jour, cela ne sera pas demain", poursuit-il.
L’Afrique n’achète plus les habits de seconde main européens et préfère ceux de la Chine. "Nous subissons un gros embouteillage au niveau de la collecte", indique encore Alain Puthon. Les usines qui trient ces vêtements sont actuellement en manque de débouchés pour les vêtements encore portables.
Et les vêtements bas de gamme constituent aujourd’hui l’essentiel de la collecte des associations qui recyclent ou revendent les habits. "Nous voyons se multiplier les acteurs du textile qui veulent faire de la friperie haut de gamme comme le site Vinted et des boutiques en ville, mais qui ne s’occupent pas du recyclage du reste des vêtements de seconde main", déplore Laurent Guinebretière, responsable d’Emmaüs à Poitiers.
Cette association collecte 350 tonnes de textiles par an. En ce moment, elle a 30 tonnes de vêtements en plus, par rapport à la même période, l'an dernier. "Nous venons de faire notre braderie, donc nous avons vidé nos hangars et nous pouvons entreposer ce surplus." Mais la solution est plus que temporaire. "Nous nous serrons la ceinture, car nous sommes aujourd’hui obligés de payer pour que les entreprises nous prennent ce que nous leur envoyons." Chez Emmaüs, pas question pour le moment de fermer de bennes de collecte. L’association en a 35, réparties dans tout Poitiers. "L’appauvrissement du gisement des vêtements de qualité met tout le monde en difficulté", atteste Laurent Guinebretière.
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À peine 5 % de la collecte
À Vouneuil-sous-Biard, près de Poitiers, trois amis ont lancé, après le Covid, Origin, leur entreprise de recyclage de vêtements. Ils disposent de 21 bornes de collecte et n'ont pas du tout l’intention d’en fermer. "Il nous faut de la matière pour pouvoir fonctionner, confie Youssef Djedoui, l’un des trois dirigeants. L’entreprise emploie sept salariés.
"La fast fashion a un impact sur toute la filière, confirme-t-il. La moitié de ce que nous récupérons est destinée au recyclage, qui nous coûte." Des vêtements de piètre qualité qui ne peuvent rejoindre les friperies. Et pour envoyer 15 tonnes de textile à Lille où se trouve son partenaire de recyclage, Origin doit débourser 1 100 euros pour le transport. Les entrepreneurs font jusqu’à trois envois par an. Et les beaux habits, haut de gamme, de style vintage ou de marque française, ne représentent plus que 5 % de la collecte textile.
"Risques au maximum"
À La Croix-Rouge des Deux-Sèvres, ce textile est le pilier de l’association et représente 80 % des revenus. Une filière essentielle pour financer les missions sociales comme l’épicerie ou les cours de français. La collecte de vêtements ne s’est pas arrêtée complètement, car elle se poursuit dans le nord du département et il est toujours possible de déposer des sacs de vêtements dans les boutiques de l’association qui les revendra ou les enverra au recyclage.
"Nous vivons avec une gestion des risques maximum, alerte Annie Huret, la trésorière de La Croix-Rouge des Deux-Sèvres. Même si nous sommes bénévoles, cela nous empêche de dormir, car nous avons une masse salariale importante."
Une crise d'ampleur
Emmaüs peut encore s’accrocher à sa filière du métisse. Un isolant créé à partir des vêtements usagés. Mais cela ne représente que 10 % des débouchés. "Nous essayons actuellement d’être inventifs pour les solutions de stockage, indique Laurent Guinebretière. Mais je ne sais pas si nous tiendrons le même discours d'ici à sept à huit mois, car notre stratégie de stockage ne tiendra pas au-delà de quatre mois."
À la Croix-Rouge, on explique encore que pour le moment la collecte dans le nord du département fonctionne mais "au ralenti et avec la perspective de fermer un jour."
Une crise d’une ampleur inégalée alors que ces acteurs du recyclage ont l’obligation de n’envoyer à la poubelle que 2 % de tout ce qui est collecté.