Pour se défendre contre les dégâts causés par les oiseaux, les agriculteurs ont recours à des canons à gaz. Mais les détonations de ces effaroucheurs peuvent devenir des nuisances pour les riverains. Exemple d'une cohabitation parfois difficile, dans les Deux-Sèvres.
Dans les Deux-Sèvres, certains habitants de petites communes rurales vivent au rythme des détonations émises par les effaroucheurs. Ces canons à gaz sont utilisés par les agriculteurs pour faire fuir les oiseaux et défendre leurs cultures. Mais avec l'arrivée de l'été, ces explosions régulières se font de plus en plus entendre.
"Dans le quotidien, ça ne me gêne pas parce que ce n’est pas proche de l'habitation. Dans l’après-midi, ça reste convenable. C'est quand il fait chaud, que je suis sous les toits, avec les velux ouverts, je n’entends que ça. En pleine nuit, tard le soir ou très tôt le matin, c’est embêtant", déplore cette voisine d'agriculteurs.
D'autres supportent la situation, mais sont prêts à poser des limites. "On est dans une zone Natura 2000, donc il y a beaucoup d’oiseaux, on y fait attention. Avec la pluie, les vers de terre remontent et ils font péter les canons à chaque fois", raconte cet habitant. "Ça ne me pose pas de problème, il faut que tout le monde vive, que tout le monde fasse ses choses, mais il ne faut pas que ça dure trop longtemps."
Un outil indispensable pour les agriculteurs
Pourtant, les agriculteurs n'ont souvent pas d'autre choix pour lutter contre les pigeons et les corbeaux. Stéphane Reignier, éleveur céréalier à Saint-Symphorien, parcourt inlassablement ses terres mais remarque souvent que les volatiles s'en sont pris à ses cultures. Il ne peut alors que constater les dégâts. En désignant ses cultures, il déclare : "J’ai semé du tournesol il y a maintenant dix jours, je passe cinq ou six fois par jour. Vous avez un pied mangé, mais viable, celui-là ne va pas s’en remettre. Celui-là est intact."
Au total, c'est la moitié des pieds de tournesol qui ont été, en partie ou entièrement, grignotés. L'agriculteur, en activité depuis plus de 30 ans, est visiblement excédé par cette tache sans fin : "Je ne sais plus quoi faire, on est déjà mi-mai, mes tournesols sont à peine nés et à moitié détruits." Stéphane Reignier est en plus aidé par un voisin, lui aussi propriétaire d'un canon à gaz et d'un fourgon.
Travailler pour ne rien récolter, c’est aussi insupportable.
Stéphane ReignierÉleveur céréalier à Saint-Symphorien (Deux-Sèvres)
Alors, à contrecœur, Stéphane Reignier se résout à utiliser un effaroucheur, qu'il compare à une arme de guerre : "Je le mets plus tard que ce que je devrais, parce que je n’aime pas faire du bruit, gêner les voisins. C’est agaçant, vous ouvrez les volets le matin et 'Boum boum boum' quand on ouvre les volets. On est en campagne pour entendre le chant des oiseaux, on n'entend que les bazookas."
Mais il appelle aussi à la compréhension de la part de ses voisins : "J’ai déjà la moitié de mes tournesols qui sont perdus. Je me mets à la place des gens, mais il faut aussi qu’ils se mettent à notre place. Travailler pour ne rien récolter, c’est aussi insupportable."
Un appel au respect de la réglementation
La mairie de la Plaine-d'Argenson, dans les Deux-Sèvres, a choisi de réagir en publiant un message, adressé aux agriculteurs, sur les réseaux sociaux. Le maire, Jean-François Salanon, y écrit que "la mairie reçoit actuellement de nombreux messages et plaintes relatifs aux détonations des canons effaroucheurs d'oiseaux."
Il rappelle également la réglementation en vigueur : "L'arrêté préfectoral du 13 juillet 2007 réglementant les bruits de voisinage dans le département des Deux-Sèvres limite l'utilisation des canons effaroucheurs d'oiseaux à la période comprise entre le lever et le coucher du soleil", avec des appareils positionnés à plus de 200 mètres des habitations. Tout contrevenant s'expose à une amende allant jusqu’à 1 500 euros et la confiscation du matériel.
"Un effaroucheur, c'est un petit canon avec une bouteille de gaz, perdu au milieu d’une parcelle. Les gens entendent le canon, mais sont souvent en grande difficulté pour nous dire si c’est à l’ouest ou au nord", explique l'élu (Sans étiquette). L'application de ces règles est donc difficile à contrôler dans cette commune très étendue où travaillent plus d’une cinquantaine d’exploitants agricoles.
"Certains effaroucheurs fonctionnent, d’autres pas. C'est difficile de savoir lesquels sont arrêtés, lesquels fonctionnent. La plupart du temps, ce sont des oublis, ce n'est pas volontaire. C'est plus de la négligence", estime Jean-François Salanon. Pour le moment, il ne considère pas que "réduire la plage horaire ou demander une distance d'éloignement plus importante soit réellement justifiée par rapport au faible nombre de plaintes." Les détonations devraient de nouveau se faire entendre dans les prochaines semaines. En raison des fortes pluies cette année, les effaroucheurs pourraient être utilisés jusqu’à la fin du mois de juin.