PORTRAIT. Jérôme Clerjeau, inventeur niortais de la balance connectée pour surveiller les abeilles

Il a eu une idée innovante et en a fait son business : la balance connectée pour abeilles. À 24 ans, Jérôme Clerjeau a déjà un beau parcours d'entrepreneur derrière lui. En décembre 2021, il a cédé sa start-up Bee2Beep à la société Four Data, pour booster sa croissance. Rencontre avec ce Niortais ambitieux et plein de promesses.

Il y a eu la montre connectée ou encore le pèse-personne connecté. Et maintenant la balance connectée… pour les abeilles. Une idée développée il y a quatre ans par le Niortais Jérôme Clerjeau, et qui connaît un franc-succès chez les apiculteurs.

L’innovation au service du miel

Car pour les apiculteurs, le pesage des ruches est important. Il permet de savoir si la quantité de nourriture est suffisante pour les abeilles et de connaître l’évolution de la production de miel. Et avec l’augmentation des coûts et une production à la baisse, les apiculteurs sont plus qu'attentifs à toutes ces données.

Mais pour connaître la santé de leurs abeilles, les apiculteurs ont peu de choix sur le marché. Alors avec cette balance innovante, tout a changé. Celle-ci se glisse sous la ruche. Elle envoie toutes les 30 minutes des données : poids, humidité, température, et transmet les données sur une plateforme en ligne pour éviter aux apiculteurs de faire la route.

“Je sentais qu’il y avait quelque chose à tenter.”

Pour cette balance connectée, tout a commencé au lycée Paul Guérin à Niort. Jérôme Clerjeau et ses camarades de classe de terminale STI2D (sciences et technologies de l’industrie et du développement durable) travaillent sur un projet pour valider leur année. Le professeur en chaudronnerie de l’établissement, qui s’occupe des ruches du lycée, n’a aucun moyen de contrôler la production, ni la santé des abeilles en son absence. Leur vient alors l’idée d’un prototype de balance connectée.

Après le bac, il intègre l’école d’ingénieur de l’Institut catholique d’arts et métiers (ICAM) de La Roche-sur-Yon. Et l’idée de développer la balance connectée ne le quitte plus. Mettre la technologie au service de l’environnement, c’est ce qui stimule le jeune homme à l’époque.

“On n’avait eu que des bons retours dans les salons étudiants donc je me suis dit ‘pourquoi pas me réapproprier le projet”, raconte Jérôme Clerjeau. “Je sentais qu’il y avait quelque chose à tenter.” Avec l’accord de ses anciens camarades, il repart de zéro. "J'ai commencé à m'intéresser plus sérieusement aux questions environnementales, au rôle des abeilles dans la préservation de la biodiversité... Aujourd'hui, on ne peut plus passer à côté de toutes ces problématiques."

Trois ans de réflexion

Pendant son temps libre, à côté de ses études, Jérôme Clerjeau travaille d’arrache-pied pour développer son innovation. Alors étudiant, il ne peut compter que sur ses petites économies. Le soutien moral et financier de ses grands-parents et de sa mère lui deviennent indispensables. “S’ils n’avaient pas été là au départ, ça aurait été très compliqué”, confie-t-il.

Mes grands-parents m’ont toujours soutenu. Ils m’ont même aidé à construire les balances jusqu’à il y a quelques mois, car on avait un rythme très soutenu. S’ils n’avaient pas été là au départ, ça aurait été très compliqué.

Jérôme Clerjeau, fondateur de Bee2Beep

Il fabrique une première version et la fait tester chez plusieurs apiculteurs qui l’accueillent à bras ouverts : pour peser leurs ruches, beaucoup n’ont pas d’autres choix que d'utiliser un peson à crochet, peu pratique. Les résultats sont concluants. Sa micro-entreprise nommée Happyculture est même récompensée à plusieurs reprises. Mais faute de moyens, le jeune homme n’a aucune possibilité de passer à l’étape industrielle. 

En février 2018, le jeune Niortais, alors âgé de 21 ans, voit son portrait publié dans le magazine Capital. Celui-ci attire le spécialiste de la balance, Frédéric Timbert, PDG de l’entreprise éponyme (Timber). Touché par sa démarche, il l’appelle et lui propose de l’accompagner dans le développement de son innovation. "À ce moment-là, je me dis que l’idée qu’on a eu au lycée n’était pas si bête, que ça intéresse des gens importants !”, se rappelle Jérôme Clerjeau. “Frédéric, c’est une belle rencontre. J’ai l’âge de son fils, donc ça a tout de suite permis de créer des liens. Il m’a aidé avec son expérience, son réseau et ses connaissances du monde industriel. C’était hyper stimulant”.

Frédéric Timbert et Jérôme Clerjeau co-fondent la start-up Bee2Beep. La première balance connectée sort de terre fin 2018. Destinée aux professionnels et aux entreprises qui possèdent des ruches, elle rencontre un franc-succès. Les deux associés tiennent à s'inscrire dans une démarche environnementale : le produit obtient le label Origine France Garantie. “La fabrication en France était indispensable pour moi”, témoigne Jérôme Clerjeau. “Produire oui, mais en limitant un maximum l’empreinte carbone.”

Le grand bain dans la vie d'entrepreneur

Entre-temps, Jérôme Clerjeau abandonne l’école d’ingénieur. “Ma mère était inquiète mais moi, je savais très bien ce que je voulais. Je n’avais jamais été quelqu’un de très bon à l’école. Mais on m’a laissé faire ce que j’avais envie de faire et j’en suis très reconnaissant !” Il intègre une licence professionnelle entrepreneuriat et management, “pour acquérir des compétences de comptabilité et gestion qui me manquaient pour me lancer dans mon projet.”

Ambitieux, le jeune entrepreneur et ses associés lancent un deuxième prototype en 2020. “On voulait proposer une balance pour les apiculteurs amateurs à un prix plus accessible.” Pari gagné avec un produit plus compact à 288 euros contre 420 euros pour la première balance. 

Mais dans l'entreprenariat, tout n’est pas rose. Le Niortais s'en rend vite compte. “Les deux premières années ont été très compliquées, je me payais à peine, voire je ne me payais pas du tout”, confie le jeune homme. “On se concentrait sur la construction de la balance. Je bossais énormément, j’avais du mal à déconnecter”, avoue-t-il. “Mais c’est très formateur, cela m’a appris à toujours travailler avec acharnement.” Et cela paye. Au total, 1.000 modèles ont été vendus jusqu’à aujourd’hui.

L’envie de se développer

En 2021, Jérôme Clerjeau et ses associés ont eu envie de voir plus grand. “On se dit que notre produit fonctionne bien et qu’il faut proposer une montée en gamme en termes de service”. Au même-moment, l’un de leurs clients basé à Dijon, Four Data, leur propose d’aider à se développer. Jusqu’à conclure un accord en décembre 2021 pour se faire racheter. 

Une opportunité en or pour Jérôme Clerjeau, qui a désormais un contrat de travail en tant que salarié pour la société Four Data. “Je reste responsable de l’entreprise Bee2Beep devenue une marque, donc je fais exactement la même chose qu’avant mais avec de nouveaux moyens humains et financiers”, se réjouit-il. “On va pouvoir passer à la vitesse supérieure avec une équipe beaucoup plus fournie et une technologie innovante qui attire de nombreux clients.”

Un rachat qui permet également au Deux-sévrien de se diversifier. Son équipe R&D travaille notamment sur un prototype de capteurs de poids pour peser tous types d’objets de liquide : “Quand l'industrie se débarrasse des gros bidons d’huiles, la jauge à huile est souvent jetée avec. L’idée avec ce capteur serait de remplacer la jauge et de pouvoir suivre à distance l’état des bidons.”

À seulement 24 ans, le Niortais est promis à une belle carrière. S'il travaille sur d’autres projets, l’apiculture restera toujours son premier amour. “Avec cette aventure, j’ai découvert un monde apicole que je ne connaissais pas du tout. Je suis devenu un passionné. J’ai mes propres ruches et je fabrique mon miel”. 

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