En France, les haies disparaissent, le bocage avec. Mais il est des agriculteurs qui se font un point d'honneur de maintenir cet héritage végétal bien vivant. Rencontre avec un homme heureux au milieu de ses arbres. Bienvenue dans le bocage des Deux-Sèvres.
« Mais si on bousille toutes les haies, on ne pourra plus prendre d’apéro ! » Et Yann Liaigre éclate de rire. C’est que l’apéritif qu’il fabrique à la ferme avec de l’épine noire fait le bonheur de ses voisins. Ils viennent en chercher régulièrement.
Plus sérieusement, cet éleveur de Moncoutant-sur-Sèvre dans les Deux-Sèvres a fait de la préservation des haies sur l’exploitation familiale l’un de ses mantras.
Une petite ferme bio de 50 vaches parthenaises au bord de la Sèvre nantaise avec beaucoup de prairies naturelles. Un héritage du passé. Les petites parcelles d’un hectare se sont constituées dans les années 1900. À l’époque, il y avait 22 propriétaires ! Aujourd’hui, Yann Liaigre en est l’unique et heureux utilisateur. Et les haies de l’époque sont toujours là. Vingt-trois kilomètres de linéaire, ça donne du travail. Mais elles font partie de la philosophie de l’éleveur de 43 ans. « Quand on est paysan, on cultive un paysage. Nous sommes purement des éleveurs du bocage, nous le façonnons, nous le fabriquons, il faut y participer. »
Héritage familial
Yann Liaigre a suivi une formation de gestion forestière, il a travaillé avec des associations comme Bocage pays branché pour mener son plan de gestion. Il est issu d’une famille d’agriculteurs qui portaient une grande attention au bocage. « Les haies font le bonheur du paysan, mais aussi des vaches, car elles y trouvent un abri quand il fait chaud l’été et mauvais au printemps et à l’automne. »
L’agriculteur, installé en bord de rivière, a la certitude que l’eau qui s’écoule de ses champs n’ira pas polluer la Sèvre nantaise, les arbres et arbustes assurant une forme de filtration avec leurs racines.
Et les haies aujourd’hui rapportent même du revenu. « L’entretien des haies coûte 6 000 euros par an, mais rapporte 8 000 euros. » Chaque année, il fait venir une scie mobile pour transformer les beaux arbres en bois bûche. Il produit aussi du bois déchiqueté. Il se sert de ce bois de chauffage pour sa consommation et il en revend.
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Un bocage au bord de l'eau
Les chênes sont abondants. Les frênes, les saules, les aulnes, les peupliers viennent enrichir la palette. Yann Liaigre se régale avec les quelques fruitiers qui s'ajoutent au tableau. « Dans les zones humides, je laisse faire la régénération naturelle et je sélectionne ensuite les meilleurs plants. Quand on repasse 20 ans plus tard sur une haie, on ébranche, on récolte du bois mort. Dedans, on va trouver de jeunes pousses et l’on décide de l’avenir de ces arbres », explique-t-il. « Soit on les laisse monter le plus possible pour faire du bois d’œuvre, soit on les coupe à 3 mètres de haut. Ils serviront à produire du bois de chauffage 25 ans plus tard. »
Comme une arche de Noé
Et le paysan écolo est fier de pouvoir annoncer que sa ferme est riche de chauves-souris, de reptiles, de batraciens, de papillons de nuit. Son exploitation a fait l’objet de suivis scientifiques pour la biodiversité. « Nous avons beaucoup de vipères aspic, ça ne fait pas rêver les gens, mais ça me va bien. Je trouve ça sympa. »
Ah oui, aussi, il oubliait : les libellules. En nombre grâce à la rivière. Son monde comme une petite arche de Noé. Au milieu d’un océan de verdure : le bocage des Deux-Sèvres.