Témoignage. "Ils ont un peu de joie dans leurs parcours de vie dramatique". L'esprit de Noël retrouvé pour des jeunes grâce à ces familles des Deux-Sèvres

Ils ont entre 16 et 20 ans et un point commun, celui d’être ou avoir été un mineur isolé non accompagné. Grâce aux familles bénévoles de l’association Migr’action 79, ces 24 et 25 décembre 2024, certains ont célébré pour la première fois Noël dans des familles d’accueil des Deux-Sèvres. Originaires de Côte d’Ivoire, du Congo et de Guinée, ils nous racontent avec leurs familles cette nouvelle tradition dans leur vie.

"C’est la première fois que j’ai mangé de la fondue et en fait, c'est excellent !", s’exclament Mohamed et Ousmane*. Respectivement Guinéen et Ivoirien, ces deux jeunes fêtent Noël dans une famille niortaise.

"En 2018, je ne voulais pas fêter Noël, en tant que musulman, ce n’est pas ma tradition. C’était difficile, car c’était une perte de repères. Avec le temps, j'ai compris cette tradition, découvert les plats servis tels que la volaille ou la bûche. Maintenant… J’adore Noël !", raconte Mohamed, 21 ans, le sourire aux lèvres.

Un sentiment partagé par Ousmane, 17 ans, qui découvre cette fête : "Dans mon entreprise, [il est en apprentissage, NDLR], on a fêté Noël en mangeant une raclette et des huîtres en entrée. Les huîtres, je n’aime finalement pas trop alors que la raclette, c’est super bon ! Ça m’a donné un aperçu de la vraie fête. Ce mardi 24 décembre, la famille qui m’accueille mange de la fondue alors, j'ai découvert ce plat à base de fromage. Ce qui m’a le plus surpris, c'est la convivialité et les cadeaux. On a beaucoup rigolé, on a abordé plein de sujets à table et je ne pensais pas que l’on s’offrait des cadeaux… Et que j’en aurais", confie-t-il avec beaucoup de pudeur.

Une tradition tellement loin de ses habitudes qu'il n'a pas eu le réflexe de prendre ses cadeaux à la fin de la soirée !

"C'est une vraie richesse"

Pourtant, accueillir des jeunes étrangers n’était pas une évidence pour Nathalie : "C'était un peu une intrusion dans notre vie familiale. Mohamed vivait chez nous, alors on lui a proposé de célébrer cette fête ensemble, mais c'était tout aussi compliqué pour lui que pour nous, la première année. Il était sur la réserve, nous avions aussi peur de mal faire, qu’il n’arrive pas à trouver sa place."

Finalement, depuis six ans, Mohamed n’a pas manqué un Noël dans sa nouvelle famille. "Maintenant, il vient avec moi acheter le sapin, le décorer et le défaire, raconte celle qui est devenue sa maman de cœur. C’est une vraie richesse et ça nous rappelle les vraies valeurs de cette fête que sont le partage, les retrouvailles et la solidarité. C’est important d’ouvrir sa porte. Et pour Mohamed, chaque année est une grande découverte gustative ! Maintenant, il mange du fromage et des coquilles Saint-Jacques !"

Depuis deux ans, avec son CAP chauffeur poids lourd en poche, ce jeune Guinéen fait ses premiers cadeaux : "Même si c’est symbolique, car en apprentissage, je ne gagnais pas beaucoup d’argent, c'était important pour moi de remercier comme cela cette famille qui m’a accueillie alors que je n’avais rien…"

Redonner du sens à cette fête

Un constat partagé par Agnès, à Cherveux. Depuis deux ans, elle fait partie des familles bénévoles de l'association. Elle accueille Abdoulaye*, 15 ans et Mamadou, 16 ans*, pour leur premier Noël. La bénévole les a préparés en amont de l'événement. "Je leur ai expliqué que c'est parfois le seul moment de l'année où toute la famille se retrouve, que l'on mange des mets particuliers et qu'on s'habille tous bien. Mon fils leur a par exemple prêté des chemises pour qu'ils se fassent beaux."

La découverte gustative a fait partie de leur premier Noël : "Ils ont goûté le foie gras sur du pain d’épices et ils l'ont apprécié !" Puis pour conclure cette belle journée de fête, Abdoulaye et Mamadou ont fait découvrir des jeux de cartes à leurs hébergeurs et eux ont appris à jouer aux dames chinoises !

La magie de Noël se perd parfois au fil des années. De les voir émerveillés et découvrir les plats, c'était super de pouvoir leur offrir cela. Ils ont des histoires dramatiques, ça leur permet d'avoir un peu de répit et de joie.

Rémi

Bénévole pour Migr'action79

Dans une autre famille, Sidibé* et Idrissa* 16 ans, arrivés depuis à peine deux mois à Niort. Ils ont participé à l'ensemble des préparatifs dans la famille de Rémi. "On sait que c'est difficile pour Migr'action79 de trouver des familles qui peuvent accueillir des jeunes à cette période, alors on s'est proposés, explique le Niortais. Ils se sont intégrés hyper naturellement et ont été curieux de goûter tous les plats. Lorsque l'on a expliqué que les huîtres étaient vivantes, Sidibé a proposé de la tuer en mettant du citron dessus ! C'était drôle !"

Noël interculturel

À une trentaine de kilomètres, à Melle, Babette, plus de la moitié de ses invités seront des jeunes migrants à sa table ce mercredi 25 décembre. Membre de l’association Migr’action79 depuis sa création en 2018, "accueillir ces jeunes lors de cette fête est une évidence. C’est un grand moment de joie de les avoir à la maison", explique la bénévole dans un grand brouhaha.

Le menu est adapté, le plat est un ragoût d’igname accompagné d’attiéké [semoule de manioc, NDLR], et le repas des bûches glacées.

Babette

Bénévole pour Migr'action 79

Parmi ces sept jeunes, Laurent*, jeune congolais chrétien, "dans mon pays, je n’ai jamais célébré Noël comme cela. Pouvoir le fêter avec une famille ici, loin des miens, permet aussi d’oublier le quotidien. Pour la première fois de ma vie, j'ai mangé de la bûche et je dois avouer que c’est très bon !"

Depuis six ans, cette association deux-sévrienne accompagne ces jeunes mineurs isolés grâce à son réseau de 70 bénévoles dans l’ensemble de leur quotidien : école, santé, démarches administratives et apprentissage du français.

"C’est important qu’ils soient ensemble et puis on fête Noël aussi avec des gens que l’on aime, loin des obligations habituelles de cette fête, témoigne Babette, alors que les jeunes jouent aux petits chevaux. C’est que du bonheur d’être avec eux."

J'ai déjà hâte de le célébrer en 2025 !

Ousmane

Mineur isolé étranger

"C’est un plaisir ! J’adore cette fête, elle fait partie de ma vie maintenant. Les enfants de Nathalie sont loin de Niort tout au long de l’année, et là, une fois par an, tout le monde vient pour se retrouver dans la joie et la paix. Cela me touche énormément et c’est la magie de Noël", conclut Mohamed.

*Les prénoms ont été modifiés