Un couple de Xaintray, dans les Deux-Sèvres, a fait une découverte incroyable en voulant aménager son jardin : une poterie dans laquelle se trouvait un véritable trésor composé de 2000 pièces d'argent et de billon datant du XIIIe et XIVe siècle.
Le propriétaire précédent pourrait s'en mordre les doigts. Dans les années 1980, dans cette petite commune de Xaintray, dans les Deux-Sèvres, l'homme, persuadé que son terrain abritait un trésor, s'était attelé à déblayer ses caves, à inspecter ses murs et à retourner son terrain. Il avait bel et bien mis au jour la structure d'un ancien bâtiment, mais aucune trace d'un éventuel trésor.
Quarante ans plus tard, en mars 2022, le couple de propriétaires actuels entend rénover une partie de leur jardin. Il n'a suffi de creuser que cinq centimètres dans le sol qui avait été décaissé par le propriétaire précédant pour découvrir, cette fois, le fameux trésor : 2 000 pièces de monnaie enfouies à l'époque de la guerre de Cent ans (1337-1453).
Un ensemble de monnaies royales françaises et étrangères
Le magot, enveloppé dans un tissu, se trouvait à l'intérieur d'une poterie. On y trouve environ 2 000 pièces de monnaie en argent et en billon (alliage d'argent et de cuivre) datant des XIIIe et XIVe siècles. Les plus vieilles pièces sont des gros tournois de Saint-Louis, une monnaie royale française créée par Louis IX en 1266 et les plus récentes pièces datent du milieu de l'année 1352.
Si on y trouve des monnaies royales françaises de cette époque, on y déniche aussi des monnaies féodales, c'est-à-dire émises par des seigneuries. Une centaine de pièces étrangères, anglaises et irlandaises, ont aussi été importées, comme des monnaies frappées à l'époque d'Edouard III d'Angleterre (1327-1377) ou même un penny frappé dans un atelier de Cork en Irlande, sous le règne d'Edouard Ier (1272-1307).
La semaine suivant leur découverte, le couple a, comme la loi le prévoit, déclaré sa trouvaille auprès de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC). Comme leur terrain a été acheté avant 2016, la loi leur accorde l'entièreté de l'appartenance du trésor (le Code Civil dispose qu'un trésor appartient pour moitié à celui qui l’a découvert, et pour l’autre moitié au propriétaire du terrain).
La restauration et l'expertise ont été confiées à Arnaud Clairand, un numismate — un expert des monnaies — mandaté par la DRAC. Le numismate de CBG.fr et chercheur associé au Centre d'Études Supérieures de Civilisation Médiévale de Poitiers a dû faire preuve de patience. Au cours des 700 ans d'enfouissement dans la petite poterie, les monnaies se sont oxydées et se sont parfois collées entre elles. Pour qu'elles soient expertisables, il a fallu les nettoyer, une par une, à l'aide d'acide léger pour ne pas ni les abîmer, ni les érafler. Ce travail de restauration a duré plusieurs mois.
Cette expertise n'est pas encore achevée, mais ces monnaies nous en apprennent déjà beaucoup. "C'est une belle trouvaille sur le plan scientifique, se réjouit Arnaud Clairand. On peut reconstituer la chronologie des émissions monétaires de façon plus précise. Cela permet de combler des lacunes dans les connaissances numismatiques." Les nombreuses émissions de monnaies successives confirment également que durant les périodes de guerre, la refonte de monnaies pour financer les activités militaires était largement utilisée.
Quant à savoir à qui appartenait ce pactole et pourquoi il l'a caché, le bal des hypothèses est ouvert. Tout d'abord, il est possible de déterminer très précisément quand la poterie a été enfouie. "Sur chaque monnaie, il existe des marques (des différents) qui permettent de dater leur émission, explique Arnaud Clairand. Dans le trésor de Xaintray, on trouve des monnaies dont la date d'émission va jusqu'en juillet 1352, puis cela s'arrête brusquement : ce qui correspond au moment probable de l'enfouissement."
Impossible de nommer un propriétaire précis. Ceci dit, au vu du nombre important de pièces, il est probable qu'il soit une personne assez aisée, sans toutefois que ce soit un grand seigneur. "Aucune pièce d'or n'a été retrouvée, note Arnaud Clairand. On peut penser qu'il s'agissait plutôt d'un propriétaire terrien ou d'un commerçant qui thésaurisait des petites monnaies pour ses économies."
Une conférence sur le trésor à Parthenay
Probablement sans lien avec les événements historiques contemporains de l'enfouissement, il était commun de conserver ses économies dans sa maison à l'époque. "À l'époque, on ne confiait pas son argent à la banque, précise le numismate. Ce sont sûrement des économies familiales qui, pour une raison ou une autre, n'ont pas été récupérées."
Il est compliqué de déterminer la valeur monétaire de ces monnaies de l'époque et le travail d'expertise quant à la valeur actuelle est en cours. L'expert des monnaies donnera une conférence sur cette découverte exceptionnelle à Parthenay, le 12 avril à 17 h 30.