Posséder un troupeau de bêtes à cornes, c'est pas si compliqué. Alexandre Python en est persuadé. Il a sauté le pas, s'est installé en Périgord et encourage désormais les internautes à l'imiter, pour refaire de l'escargot français une richesse nationale.
Le bonheur est dans le pré. Et si possible sous la pluie, ajoutent les escargots. Dans la foule des urbains stressés en quête de sens, nous vous présentons Alexandre le bienheureux. Bienheureux, car en mettant ses pas, dans ceux des escargots, cet ancien chauffeur de car suisse a trouvé un rythme de vie gastéropodique qui lui convenait.
Sa ferme hélicicole se trouve à Saint-Julien-de-Crempse, entre Mussidan et Bergerac. 7 000 m² de terrain, huit bâtiments, tout un hameau qu'Alexandre a acheté et dans lequel il élève petits et gros gris.
Les petits gros
Le petit gris, rien à voir avec les extraterrestres, c'est l'escargot endémique de nos campagnes. L'Hélix aspersa, un gastéropode terrestre helicidae, pour faire simple. Une célébrité baveuse que les voisins charentais appellent cagouille, et qu'en Aunis ou en Poitou, on surnomme luma. Mais revenons-en à nos moutons : chez Python il y a donc le petit-gris et le gros gris. Plus gros. L'Helix aspersa maxima, lui, est arrivé de Méditerranée depuis déjà un siècle.
Tout ce petit monde cohabite suspendu dans les jardins d'Alexandre. 250 individus au mètre carré, le plus souvent en varappe sous des palettes. L'escargot est un timide qui hésite à s'exposer le jour venu.
Escargot tricolore
L'idée de produire des escargots est venue naturellement à Alexandre. En partie parce que l'activité est déjà présente dans le département, ensuite parce que la France, grosse consommatrice de gastéropode, est aussi importatrice à 85% de cette spécialité dont elle raffole. Et surtout, parce qu'un jour, en se baladant dans son jardin, il a trouvé des escargots. "Là, il y a une lumière qui s'est allumée, je suis rentré chez ma femme tout excité en disant : écoute, on va élever des escargots ! C'est ça qu'on va faire ! ". Un éclair de génie. Le même principe que la pomme de Newton, mais en moins violent.
L'assiette des escargots
Côté menu, que du bio et du vegan. Ces pacifiques animaux se délectent de choux, salades, blettes, topinambours et même de vigne. En plat de résistance, ils-elles (l'espèce est hermaphrodite) se voient proposer de la farine de céréale bio assaisonnée au calcium, pour une coquille ultra-résistante et luisante de santé, parce qu'ils le valent bien.
Les escargots en ligne
Alexandre est généreux. Il aime partager son plaisir et n'est pas avare de conseils pour celui qui se prendrait, comme lui, de passion pour ce sympathique rampant. Il a donc créé sa propre chaîne Youtube: les escargots du hameau, plus de 1 800 abonnés, excusez du peu. Une chaîne rigolote mais pratique, sur laquelle fourmillent conseils, retours d'expérience et idées diverses pour se lancer à toutes les échelles dans l'élevage d'escargots. Du particulier qui veut épater les convives au réveillon à l'agriculteur déjà installé qui souhaiterait se diversifier.
J'aimerais bien voir plus d'héliciculteurs !
Alexandre Python
Reconquête rampante de l'indépendance nationale
L'idée, derrière tout ça, ce serait de créer une véritable filière de producteurs d'escargots sur tout le territoire, afin de retrouver une véritable indépendance escargotière nationale. "J'ai fait cette chaîne parce que j'aimerais dire qu'on a un patrimoine, on a quelque chose qu'on sait faire, l'héliciculture française. Elle est mondialement connue, et au-delà de ça on produit seulement 4% de ce qui est consommé en France !" s'indigne Alexandre. Sur la chaîne, pas de chichi, du concret, la propre expérience d'Alexandre pour son élevage personnel, sans cacher les difficultés de l'exercice.
Roulotte à escargots
Comme un prêcheur portant la bonne parole, ou comme un escargot emportant sa maison, Alexandre prépare également sa roulotte pour aller à la rencontre des consommateurs sur les marchés de Bergerac, Issigeac et Eymet. Cet été, il proposera aussi ses escargots tout chauds (ou presque puisqu'il n'y a plus qu'à les réchauffer avant de les déguster) sur les marchés nocturnes. Vu la qualité de sa production, le capital de sympathie qu'inspire l'animal et le goût des Français en général (et des périgourdins en particulier) pour les mets de choix, le succès est déjà en route. Il mettra le temps qu'il faudra, mais il y arrivera. Quitte à en baver un peu.