Depuis le 18 mars dernier, les chirurgiens-dentistes ont peu ou prou cessé leur activité. Le 11 mai prochain, ils reprendront du service… oui, mais dans quelles conditions ?
"On va être sur le feu" annonce Jérôme Etcheverry, chirurgien-dentiste à Champcevinel, près de Périgueux. Le 11 mai prochain, il rouvrira les portes de son cabinet et s’attend "à un gros rush" de patients. Idem pour Elisabeth Gibon, chirurgien-dentiste installée dans le centre-ville de Périgueux. Depuis l'annonce du déconfinement, son téléphone n'arrête pas de sonner, "on est comme les coiffeurs, tout le monde nous rappelle !""On navigue à vue"
Les patients seront très certainement au rendez-vous… Mais comment concilier soins dentaires et coronavirus ? "C’est ça qui est compliqué, on navigue à vue ! On attend que la Haute Autorité de Santé publie une fiche conseil concernant notre métier. Ça tarde un petit peu à venir" détaille Jérôme Etcheverry. En attendant un consensus scientifique sur la prise en charge des patients, les dentistes doivent faire appel à leur bon sens."Nous avons une culture de l’asepsie. Nous sommes habitués à recevoir des patients qui ont des hépatites ou le VIH" observe le chirurgien-dentiste. Face au Covid-19, il prend "un maximum de précaution" avec la mise en place d’un nouveau protocole d’entrée : salle d’attente fermée, prise de température systématique des patients et de l’ensemble du personnel, nettoyage des mains avec du gel hydroalcoolique, désinfection du cabinet dentaire entre chaque patient… "On va également demander aux personnes de venir avec leurs propres masques. Eventuellement, si on en a assez, on leur en donnera" ajoute le professionnel de santé.
"Le problème, c’est de trouver des masques"
C’est là que le bât blesse. "C’est très compliqué d’obtenir des masques FFP2. Je pense qu’il va y avoir une pénurie" estime Elisabeth Gibon. "Les pharmacies n’ont pas encore reçu nos masques" s’inquiète Jérôme Etcheverry qui espère pouvoir réceptionner sa commande demain. À quelques jours de la reprise, il possède seulement 10 masques, qu’il devra partager avec son assistante. C’est peu… Pour travailler dans les meilleures conditions possibles, il faudrait au moins "4 masques FFP2 par jour" explique Elisabeth Gibon, qui prévoit de porter une visière, un masque, des gants, une charlotte et une surblouse.#dentisteàpoil
Cette situation révolte les chirurgiens-dentistes. La semaine dernière, sur les réseaux sociaux, ils ont lancé le hashtag dentiste à poil où ils s’affichent dans le plus simple appareil pour exprimer leur dénuement. "Au début du confinement, on a tous joué le jeu ! Nous avons donné nos masques et nos gants aux médecins généralistes et aux établissements de santé. Aujourd’hui, c’est très compliqué de se réapprovisionner et les prix se sont envolés" détaille Jérôme Etcheverry. "La pénurie profite à certains. Sur internet, j’ai vu des boîtes de 50 masques FFP2 à 300 euros" ajoute-t-il.Si j’avais imaginé devoir en arriver là il y a 36 ans...#dentiste #dentisteapoil#dentisteencolere#COVID19#olivierveran#macron#resrezchezvous pic.twitter.com/jls9quP2YV
— Dr Quenottes (@DrQuenottes) April 25, 2020
Un nombre de consultations divisé par deux
"Normalement, je reçois une quinzaine de patients par jour. Là, on va tourner autour de 6 à 8 patients" estime Jérôme Etcheverry. Une baisse du nombre de consultations qui s'explique par "une charge de nettoyage énorme". Entre chaque patient, le praticien devra désinfecter son cabinet dentaire ; d'après ses calculs il faut environ trente minutes pour effectuer cette tâche. "Dans un premier temps, on privilégiera les urgences. On passera plus de temps avec nos patients pour éviter qu’ils reviennent" explique-t-il.Philosophe, le praticien espère que cette crise du Covid-19 engendrera une prise de conscience sur l'importance du suivi des soins dentaires : "la prévention, c'est le maître mot de ce déconfinement ! Les patients doivent anticiper pour éviter de se retrouver dans une urgence."