L'an dernier, 21 millions de volailles ont été abattues en raison de la grippe aviaire. Alors que les Landes et le Gers sont déjà touchés par l'épizootie, les producteurs de canard gras du Périgord s'inquiètent à leur tour. Un vaccin est attendu pour l'automne
Devant ses stalles vides, Olivier Palencher est un peu désemparé. Il est président de l'association des producteurs de canards du Périgord et gaveur lui-même. Il devrait être en train de préparer une nouvelle série de canards, mais ses hangars sont encore vides. Il manque de canetons et les livraisons tardent pour lui comme pour beaucoup de ses collègues. La conséquence de la vague d'influenza aviaire de l'an dernier qui pour la première fois avait largement touché les éclosoirs. Par répercussion, l'absence de canetons prive les éleveurs des canards, qui à leur tour, ne peuvent donc pas fournir les gaveurs.
La crainte d'un nouveau scénario catastrophe
Un peu plus loin, chez cet éleveur de Val-de-Louyre-et-Caudeau, il y a un peu plus d'activité. Patrice a bien rentré un lot de canetons, mais il redoute un scénario catastrophe comparable à celui de l'an dernier.
L'année dernière, à la même époque, on regardait la zone qui était dans le Lot. Un mois après, on était foyer. On a toujours cette épée de Damoclès. Là, j'ai rentré ce lot, comme j'avais rentré le lot le 10 mars 2022 qui a été euthanasié le 5 avril. Rien ne me dit que ça ne va pas être la même chose sur ce lot-là.
Patrice Taulou, éleveur à Val-de-Louyre-et-Caudeau
Une grippe installée partout et hors saisons
La crainte est d'autant plus justifié que les scientifique soupçonnent fortement que le virus s'est "endémisé", c'est-à-dire qu'il serait installé durablement dans la faune sauvage pour perdurer tout au long de l'année et sur tout le territoire. Plus de limite de temps ou de lieu, le virus pourrait apparaître n'importe où, à tout moment.
Un vaccin, pas une panacée
Dans ce contexte d'incertitude, l'espoir vient d'un vaccin qui devrait être prêt à l'automne 2023 selon l'ANSES. Plusieurs variantes pour différentes espèces sont en cours d'examen. À ce jour, seul un vaccin destiné aux poules est autorisé sur le marché. Personne n'imagine que ce vaccin résoudra tous les problèmes, mais en complément des précautions de biosécurité (transports limités, désinfection, confinements), il permettrait au moins de limiter la pression sur les élevages.
Protéger le patrimoine génétique, les mammifères et les hommes
Plus que la protection économique directe des élevages, la vaccination vise à protéger préventivement le patrimoine génétique présent sur le territoire français pour permettre à la filière de redémarrer en cas de nouvelle épizootie. L'enjeu est aussi d'éviter que l'importance des foyers finisse par multiplier les risques de mutation du virus et qu'il finisse par se répandre chez les mammifères et chez l'homme.
L’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation imagine trois scénarios de vaccination possibles pour limiter la diffusion du virus, en priorisant selon les moyens disponibles les types d’élevages et les espèces à vacciner. Dans tous les cas, la vaccination ne peut être que préventive, car il faut 3 à 4 semaines pour que le vaccin offre l'immunité à l'animal. Une vaccination en urgence dans des zones déjà affectées serait contre-productive.
- scénario 1 : vacciner uniquement les animaux destinés à la sélection et la multiplication. Avec un nombre de doses de vaccin limité, on protège la filière en préservant le potentiel génétique et la capacité à remettre en place des animaux en élevage de production après l’épizootie
- scénario 2 : vacciner plus massivement les volailles de plein air, palmipèdes, dindes et poulettes futures pondeuses ainsi que les canards et oies prêts à gaver pour limiter l’ampleur des épizooties dans les élevages où les risques de contamination et de diffusion sont les plus élevés.
- scénario 3 : vacciner les palmipèdes à rôtir, les dindes, et les poules de chair et de ponte élevées en plein air, si la disponibilité des vaccins le permet.
Beaucoup de questions
En attendant le choix du scénario le plus favorable, reste une série impressionnante de questions : quand vacciner, qui vaccine, quoi vacciner et surtout qui payera les vaccins et à quel prix. Dans tous les cas, ce sera une contrainte de plus installée à long terme pour les éleveurs qui ont déjà du mal à se remettre de la crise précédente, et qui redoutent la prochaine.