Il trône traditionnellement comme pièce maîtresse des tables de fin d'année, au côtés des boudins blancs, des huîtres et du foie gras, et il reste la volaille préférée des réveillonneurs, devant la dinde ou la poularde. Le Chapon hier réservé aux élites s'est démocratisé. Portrait
Ne vous y trompez pas, à la base le chapon n'est qu'un poulet. Mais c'est l'aristocratie du poulet. Le dessus du panier de la basse-cour. L'élite de la volaille... Bref, ce gallus gallus domesticus, c'est pas n'importe qui !
Il a suivi un traitement tout à fait particulier pour mériter son titre.
Jusqu'à un peu plus de deux mois, rien ne distingue cette future star emplumée d'un autre poulet, d'un futur coq ou d'une future poule. C'est précisément 63 jours après la sortie de la coquille que les choses se compliquent pour lui. Car ce jeune poulet male ne deviendra jamais un coq. Pour devenir plus gros, plus gras, plus tendre, et avoir cette peau fine et nacrée qui le caractérise, il doit en effet être castré. Et pour cela, avec une pince, en effectuant deux incisions, on va chercher les testicules là où elles se logent, à l'intérieur de l'animal. Opération technique et délicate, le chaponnage est confié à une personne d'expérience. Car en cas d'amateurisme, l'extraction peut échouer et le gallinacée devenir un coq complet.
Mais après cette épreuve délicate, notre candidat chapon va bénéficier de conditions de vie un peu plus privilégiées que celle du poulet d'élevage de base.
Tout d'abord, réglementation européenne oblige, il aura une durée de vie obligatoirement d'au moins 140 jours au total. Soit encore 77 jours après la délicate opération subie.
Ensuite, le menu sera meilleur que dans l'assiette du voisin. Pour se développer au mieux, et prendre du poids, notre futur chapon est nourri chaque jour avec au moins 75 % de céréales. Et ce jusqu'à un mois avant son abattage. Et le dernier mois, c'est menu de luxe. Des produits laitiers chaque jour, consommés dans l'intime obscurité de sa cage en bois personnelle, l'épinette. Sa chair va alors lentement s'engraisser, pour atteindre progressivement cette texture tendre et moelleuse recherchée...
Le Chapon est connu en France depuis au moins le moyen-âge. Mais l'on sait par les écrits de Pline l'Ancien que Rome en consommait au minimum depuis 162 av. J.-C. Cette année-là en effet, le sénateur Caius Fannius Strabo a fait voter une loi destinée à limiter la consommation de viande de poule.
Cette loi d'une frugale austèrité stipulait qu'on n'avait droit qu'à une seule poule par banquet. Et encore, à condition que ce ne soit pas une poularde engraissée spécialement pour l'occasion. L'engraissement de poularde était en effet une pratique grecque que Rome jugeait décadente et dispendieuse en grains utiles au peuple. Frustrés mais astucieux, les petits malins de l'époque avaient constaté que les coqs castrés engraissaient davantage. Ils ont donc imaginé castrer volontairement les pauvres coqs en herbe, puis les nourrir avec des produits laitiers pour ne pas tomber dans le cadre de la restriction céréalière. Et hop, le Chapon est né !
Les principaux producteurs de chapons viennent de Bresse, dans un secteur à la limite des régions Auvergne-Rhône-Alpes et Bourgogne-Franche-Comté. Le chapon de Bresse pèse au moins 3 kg et il est obligatoirement âgé d'au moins huit mois, dont sept passés en plein-air.
En Nouvelle Aquitaine, le chapon est un produit du terroir et (le chapon de Grignols est même une marque déposée) élevé traditionnellement dans le Bazadais en Gironde où il pèse entre 4 et 6 kilos pour un prix de 50 euros en moyenne la pièce. On apprécie aussi le chapon fermier de plein air des Landes élevé dans des marensines, des petits bâtiments déplaçables sur les sites d’élevage. Il ne faut bien sûr pas faire l'impasse sur le célébrissime Chapon des Monts de Blond, en Limousin où une confrérie récompense chaque année les plus actifs des défenseurs du Chapon à l'occasion d'une fête trentenaire (gâchée cette année par la pluie).
Enfin, la Dordogne que l'on connaît davantage pour le foie gras, et le canard, n'est pas en reste avec une production de chapons et de poulardes fermiers traditionnels également réputée... La qualité des élevages a été reconnue dès 1965 avec le premier label rouge attribué en France au Poulet jaune fermier du Périgord . Depuis près de cinquante ans, la filière maintient et développe cette production de volaille de qualité en mettant en valeur les atouts et spécificités du terroir périgourdin. Elle renouvelle cet engagement pour l'origine et la qualité au travers d'une IGP en cours qui concerne poulets jaunes et blancs, poulardes et chapons. Plus récemment, une filière volailles bio se développe notamment sur le marché de la restauration collective.
Pour être complet, n'oublions pas les "autres" chapons, puisque l'on peut également trouver désormais des chapons de pintade.
Enfin, si vous trouvez barbare cette forme d'élevage, sachez que d'autres se sont élevés avant vous pour protester contre l'émasculation dans les bassse-cours. Au siècle des lumières Voltaire est l'auteur d'un "Dialogue du chapon et de la poularde" à charge contre le traitement subi par les animaux de ferme. Dans cette nouvelle, les deux malheureuses volailles sur le point d'être sacrifiées sur l'autel de la gourmandise humaine discutent entre elles du cruel sort qui les attend.
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