Grande distribution prioritaire et marchés fermés, les petits producteurs critiquent les choix du gouvernement. Ils revendiquent la "démocratie de l'assiette", défendent le modèle local et appellent les maires à demander des dérogations massives
"Maintenir les marchés en plein air est essentiel ! De la fourche à la fourchette, préservons la mémoire du ventre et la démocratie de l’assiette." À l'heure où l'alimentaire en grande distribution reste (pratiquement) la seule activité commerciale autorisée, les Jeunes Agriculteurs de Dordogne ne veulent pas être sacrifiés sur l'autel du Coronavirus.Vendant en circuit court une marchandise périssable, les petits producteurs sont les premiers concernés si ils ne peuvent plus vendre sur les marchés. D'autant plus en cette période printanière de début de récolte. Il y a urgence pour eux à ne pas être exclus du dispositif alimentaire mis en place par le gouvernement qui a priorisé les autorisations pour l'activité des moyennes et grandes surfaces.
Les marchés plus sûrs que les grandes surfaces ?
Les Jeunes Agriculteurs de Dordogne appellent en conséquence les maires à se mobiliser ! Ils veulent les encourager à déposer des demandes de dérogation au Préfet en rappelant que le risque de contamination n'est pas plus élevé dans un marché ouvert que dans les autres formes de commerce. " Au contraire, en maintenant la diversité des points d'approvisionnements, nous évitons les regroupements de consommateurs propices à la propagation du virus. Il en va de la survie de certains producteurs !"
Et ils indiquent qu'ils veilleront eux-mêmes aux règles d'hygiène et de mesures barrières, port de gants, film plastique entourant le stand et interdiction pour les consommateurs de toucher les aliments, priorité au paiement par chèque pour limiter les contacts de main à main.
La Dordogne : un modèle de vente alimentaire différent, adapté à la crise ?
Pour les Jeunes Agriculteurs, la Dordogne est déjà spécialisée dans la vente directe et les outils pour faciliter l'approvisionnement alimentaire existent. Le réseau Bienvenue à la Ferme (Chambre d’Agriculture Dordogne), Mangeons 24 (Conseil Départemental), les magasins de producteurs, les marchés de producteurs, les drives fermiers, les ventes à la ferme restent disponibles pour des courses locales.
Le marché de Périgueux maintenu
Le maintien des marchés est soumis à dérogation préfectorale uniquement accordée en cas de besoin de "continuité alimentaire" et en respectant des règles strictes. Après s'être concertés avec plusieurs dizaines de commerçants et la préfecture Antoine Audi, maire de Périgueux avait demandé et obtenu une dérogation en se prévalant de ce principe. Reste à savoir si la donne n'aura pas changé d'ici demain. S'ils sont maintenus, les marchés de mercredi et samedi devront en tout cas répondre à des conditions particulières. D'avantage d'espace entre les étals et pour la circulation, un sens de circulation pour éviter de se croiser, et un respect des distances accru. Un mètre minimum entre les vendeurs et les acheteurs. Les vendeurs eux-mêmes peuvent se protéger des échanges avec films plastique et port de gants, et éventuellement prioriser les paiements par chèque.À Bergerac on attend la décision préfectorale
La question a été évoquée ce matin même entre Daniel Garrigue et Frédéric Périssat, préfet de Dordogne. Le maire a envoyé sa demande de maintien du marché. Ce soir un marché bio devrait accueillir un seul exposant. Pour demain, Daniel Garrigue propose de limiter le marché à 40 producteurs de Bergerac et alentours en mettant en place un espace de deux mètres entre les acheteurs et les vendeurs. C'est en effet l'arrivée de producteurs venus des départements limitrophes (Lot-et-Garonne notamment)qui pose problème à la Préfecture.
La Coordination Rurale soutient le mouvement
Dans un communiqué, la Coordination Rurale fait part des mêmes inquiétudesMarchés alimentaires : les maintenir, c'est possible !
Il faut manger des produits frais et locaux ! Tel était le cri d’alarme du ministre de l’Agriculture il y a quelques jours. Et aujourd'hui, le Gouvernement interdit les marchés alimentaires...
En parallèle, les étals de grandes surfaces continuent de proposer des aliments d’importation qui concurrencent déloyalement les productions locales.
La Coordination Rurale 24 - Mouvement Paysan appelle les maires à maintenir ce dernier maillon vital pour la population.
« Il est tout à fait possible de conserver nos marchés tout en respectant les mesures nécessaires pour garantir la sécurité sanitaire. De nombreux maires l'ont heureusement fait jusqu'à maintenant, explique Sébastien Heraud, vice-président de la CR 24 - Mouvement Paysan et responsable de la section Fruits et Légumes de la CR.
En Italie, des marchés se sont tenus sur des installations sportives afin de pouvoir faire respecter les gestes barrières et la distanciation sociale. Pourquoi ne pas proposer cet aménagement chez nous au lieu d'interdire par principe ? On ne peut pas nous demander de continuer à produire pour nourrir les gens et ensuite nous interdire de vendre ces productions. »
Cette situation exceptionnelle nous montre à quel point il est indispensable de repenser durablement l’approvisionnement de notre nourriture afin qu’il soit local !
La CR espère que l'exception agriculturelle, défendue aujourd’hui par le ministre de l'Agriculture, apparaîtra enfin à tous comme étant la bonne solution.