Résilients, désobéissants fertiles, spécialistes de la survie : pour eux, "on doit changer notre façon de vivre"

Le coronavirus agit-il comme un révélateur de la vulnérabilité de notre monde ? Cette pandémie systémique doit-elle nous inciter à revoir nos modes de vie, de consommation, de rapport à la nature ? Oui, répondent en choeur ces habitants de Nouvelle-Aquitaine.

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Depuis le début de cette crise, j'ai plein d'amis qui m'appellent pour me dire "j'ai compris".


Car le choix fait par Jonathan Attias et sa femme Caroline Pérez, que nous avions rencontrés à l'été 2019 pour un reportage, peut interroger nombre d'entre nous. Tous deux se sont installés au coeur de la forêt de Chasteaux dans le sud de la Corrèze avec leurs deux enfants (âgés de 1 an et demi et 5 ans) : ils y vivent de façon autonome, dans une cabane de 40 m2 qu'ils ont construit eux-mêmes avec des matériaux trouvés sur place (bois, terre et foin) mais aussi des baies vitrées récupérées en déchèterie. La maison est dotée d'un poêle à bois, d'un chauffe-eau solaire ou encore d'une machine à laver avec pédalier. 

Le couple, qui vit du travail de Jonathan comme enseignant universitaire et journaliste pour "Radio Grand Brive" et de quelques aides de la CAF. connaît donc un confinement plutôt serein sur 3 hectares de terrain partagés avec 4 autres foyers, soit une communauté d’une dizaine de personnes. "C'est un temps formidable pour nous, explique Jonathan, on plante des arbres, on plante nos semis de printemps, on cultive aussi nos jardins intérieurs".


On vit vraiment au contact de la nature, ce qui est le coeur de notre projet. Le coronavirus n'est que l'un des élements déclencheurs de cet "effet domino" sur notre système qui est d'une telle fragilité globale ! Mon souhait, c'est qu'on fasse vraiment un pas de côté. J'ai beaucoup d'espoir dans notre capacité de résilience humaine, on veut de nouvelles formes de sociétés. D'ailleurs, j'ai reçu des milliers de messages de gens qui veulent avoir des infos sur la façon dont nous avons choisi de vivre ici



Depuis le début, ils souhaitent d'ailleurs permettre à d'autres collectifs de s'installer dans la nature, en mettant à disposition des parcelles de terrain sur une plateforme.

 


En Haute-Corrèze, cette fois, à Merlines, rencontre avec Laurence Talleux, dite "Hildegarde". Cette spécialiste des plantes sauvages comestibles écrit régulièrement pour "Survival Magazine". Formatrice au sein de l’association Echappées Sauvages, elle enseigne, aux particuliers comme aux professionnels, la reconnaissance et l’utilisation des plantes sauvages, au quotidien et sur le terrain.

Malgré le côté tragique de cette pandémie, dit-elle, je vis ce confinement comme une bénédiction. Même si j'ai dû annuler 10 stages, je me retrouve avec mes enfants, chez moi, je cultive mon jardin, je bricole, c'est un bonheur

Laurence Talleux se définit comme une "résiliente". Les résilients, explique-t-elle, sont des gens qui depuis des années voient que quelque chose ne tourne pas rond, alors ils gardent leur eau, cultivent un bout de jardin, font des bocaux pour la cave, c'est du bon sens paysan ! 

Quelque part, ce que nous vivons, c'est un peu la revanche de la campagne, poursuit-elle. On voit bien comment les gens en ville n'ont rien, sont en souffrance. On a trop compté sur l'Etat qui sait tout, qui peut tout, aujourd'hui les gens ont l'habitude qu'on leur dise quoi faire, ils sont déresponsabilisés. La résilience, c'est réfléchir par soi-même à ce que l'on peut faire, chacun à son niveau.

 

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Le retour au bon sens paysan, c'est aussi le crédo de Denis Tribaudeau, spécialiste des stages de survie notamment en Périgord, malheureusement confiné à Mérignac car il n'a pas eu le temps de se rendre dans la propriété qui est son "camp de base". 
"Là-bas, nous avons quelques hectares de champs et de forêts, deux puits, des conserves, un immense panneau solaire sur le toit du voisin, on peut tenir longtemps en autarcie."

Il y a encore quelques années, le terme de "survivaliste" me hérissait le poil, avec ce côté sectaire, replié sur soi, complotiste, mais ce sont des gens très minoritaires. En 16 ans, nous avons accueilli plus de 10 000 stagiaires, d'Aquitaine, du Limousin, de toute l'Europe et ce sont des gens très sensés qui vivent en ville et voient bien qu'il y a un problème. Depuis 2 ou 3 générations, on a désappris tellement de choses ! A reconnaître les plantes qui soignent ou qui se mangent, à faire un feu, entre autres !


Aujourd'hui, les stages sont à l'arrêt, mais comme Jonathan Attias ou Laurence Talleux, Denis Tribaudeau nourrit de grands espoirs dans ce que beaucoup appellent désormais "le monde d'après"


 

 

Collapsologie, ou l'effondrement possible de la civilisation industrielle 



Pablo Servigne est l'un des créateurs de la "collapsologie" qui étudie l'effondrement possible de la civilisation industrielle. Il est revenu pour France Inter sur la brutalité de cette crise qui met en évidence la fragilité de notre système expliquant qu'il y a deux écueils à éviter : le premier, de dire que "tout est foutu". Le deuxième, dire que "tout ira bien". On a besoin d'optimistes et de pessimistes actifs, qui se préparent aux multiples chocs à venir".


Certains Etats ont déjà commencé à revoir leur fonctionnement à l'image de l'Espagne qui va instaurer un revenu universel et le maintenir après la pandémie ou le Portugal qui vient de régulariser temporairement tous ses sans-papiers, inspirant certains élus à réclamer la même mesure en France.

 
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