VIDEO. Joséphine Baker au Panthéon : visionnaire du tourisme en Dordogne

Un château, une partie du village dédiée à recevoir les visiteurs et pourquoi pas un parc d’attraction et une salle de spectacle ? Dès 1939, Joséphine Baker voit grand dans un tout petit village du Périgord noir.

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"Je pense que je devais avoir 6 ou 7 ans, mais j’ai dû y aller aussi plus âgé vers 11-12 ans avec mes parents. C’était une nouveauté, c’était complètement  révolutionnaire, et moi j’étais ravi car c’était un bout de l’Amérique qui arrivait dans les profondeurs du Périgord" raconte Michel Testut, écrivain périgourdin.
Car la venue de la Star américaine dans les confins de la Dordogne aura un retentissement dans tout le département. 

Le renouveau du château des Milandes

Tout commence réellement en 1947, Joséphine retrouve le chemin de Castelnaud-la-Chapelle et de son château du XVème siècle érigé par François de Caumont. Après l’avoir loué à un médecin officiant sur le paquebot Normandie et rencontré avant-guerre lors d’un retour de tournée aux Etats-Unis, elle en fait l’acquisition avec celui qu’elle épouse dans la chapelle médiévale de la cour des Milandes.
Jo Bouillon, chef d’orchestre, est comme elle, amoureux de ce petit coin d’histoire et de nature perdu au milieu de la Dordogne.

La voisine du château, Georgette Malaury, a 6 ans à cette période et se souvient « elle est venue vers nous, et elle a été très sympathique. A chercher notre compagnie et donc on l’a adoptée tout de suite. Elle a tout de suite voulu qu’on l’appelle Tata. »

A cette époque, le département est totalement méconnu et enclavé, le château l’est d’autant plus qu’il est dans le fin fond du Périgord noir. Mais rien ne fait peur au couple qui, au-delà des 300 hectares de terres du château et de la ferme pour les exploiter, entreprend très vite de multiples acquisitions dans le village pour les transformer en hôtel et en restaurant.

 

Un autre Castelnaud-la-Chapelle

Les Milandes changent de visage tandis que Joséphine Baker incite les gens à venir visiter les lieux. « Petit à petit le bouche à oreille a fait que des personnalités un petit peu importantes de la région de Limoges et du Bordelais venaient pour voir un peu ce que Joséphine faisait. Et s'ils pouvaient un peu la voir à travers les grilles, alors ils étaient tout contents » raconte Georgette Malaury.

Mais depuis 2 ans, un autre chantier a lieu : celui d’un parc de 100 hectares en contrebas de la propriété. Un véritable parc d’attraction avec toboggans, balançoires et pistes de voitures à pédales, mais également une piscine monumentale en forme de J (plus grosse piscine en plein air d’Aquitaine à l’époque), un cabaret (où se produiront Brel, Dalida ou encore Luis Mariano) et même un musée. Baptisé Jorama, il retrace sa vie au moyen de statues de cire à son effigie.

Joséphine et Jo Bouillon, son mari chef d’orchestre, animaient énormément de soirées,  et à l’ouverture en 1949 ils s’attendaient à ce qu’il y ait 1000 personnes et en fait 10000 personnes étaient là.

Rosemary Phillips, actuelle propriétaire du Parc Joséphine

 

"Il y avait un golf miniature et une piscine en forme de J, ça aussi c’était incroyable, il n’y avait cela qu'en Amérique" se souvient, avec les yeux de l'enfance, l'écrivain périgourdin Michel Testut. "Et c’est la première fois que je voyais un juke-box carrossé comme une belle américaine, il y avait des cuivres et des brillants partout et Luis Mariano avait encore un grand succès. Mes parents me donnait quelques thunes à mettre dans le bastringue". 

Mais l'analyse qu'en fait l'homme aujourd'hui est tout aussi intéressante au regard de sa carrière de publicitaire chez Havas et Euro RSCG, et de celui qui, en tant que spécialiste de la communication institutionnelle et publique, orchestra la fameuse campagne « Périgord, le pays de l'Homme », lancée dans les années 1980 pour identifier le Périgord comme berceau mondial de la préhistoire.

C’était l’image qu’on se faisait de l’Amérique dans les années 50, et elle avait créé ça en plein territoire rural… Elle est pour moi le déclencheur du tourisme en Dordogne. Il y a eu bien sur la découverte de Lascaux avant, mais elle a rendu cela possible.

Michel Testut

France 3 Aquitaine

Un village Capitale du monde : les moyens de cette ambition

"Je me souviens que ma famille parlait des célébrités parisiennes qui venaient au parc voir Joséphine, et nous-mêmes avions l’espoir de la voir. Les gens avaient beaucoup de respect pour cette dame, on aurait pu y voir la danseuse nue ou la parvenue et je n’ai pas de souvenir critique ou méprisant. C’était une dame fort généreuse. Elle était mythique alors qu’elle aurait pu connaître un certain mépris. Je crois que les Périgourdins l’aimaient bien" se remémore Michel Testut. "Elle a apporté de la modernité et le coté people."

Joséphine Baker ne craint absolument pas de faire parler d’elle, bien au contraire. Elle se décline depuis longtemps en multiples objets dérivés, telle une reine du marketing et en profite pour collecter des fonds. Cette fois-ci, le but est de constituer une « capitale de la fraternité ».

C’est ainsi que pour mener son vaste projet, elle rassemble sa famille, avant d’adopter des enfants venus de tous les continents et ainsi constituer sa « tribu arc en ciel » dès 1951.

Ce parc d'attractions a reçu jusqu'à 250 000 à 300 000 personnes. On peut même dire que c'est Joséphine Baker qui a lancé le tourisme en Périgord.

Angélique de Saint-Exupéry - actuelle propriétaire du château des Milandes

France 3 Aquitaine

Avant de reprendre «Une centaine de personnes travaillaient à son service. Elle avait monté une station Esso pour son frère, une boulangerie pour sa sœur, et organisé le ramassage scolaire pour ses 12 enfants. Elle a fait venir ici l’électricité, l’eau courante, le chauffage central. Elle donnait beaucoup et énormément de personnes ont abusé d’elle ».

Un concept qui a ses limites avec Joséphine mais qui s’exporte ailleurs                

Si dès 1964 Joséphine Baker est poursuivie par ses créanciers, certains acheteurs se font connaître pour racheter le domaine. Parmi eux, les frères Trigano, créateurs du Club Méditerranée.

« Aucun endroit n’avait un resto et une piscine et une salle de spectacle, même les logements et les hôtels autour. Elle crée le premier Club Med. Apparemment, les frères Trigano ont vu le parc et ça les a inspirés pour leur fameux Club Med. » commente Rosemary Phillips.

Joséphine Baker, du music-hall au Panthéon

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