Il est le dernier trufficulteur du Périgord à chercher le célèbre champignon avec un cochon plutôt qu'avec un chien. Daniel Chaume élève des truies depuis son enfance. Il nous emmène en balade avec Nini pour trouver le fameux diamant noir
Elle le suit à la trace. En sortant de la grange, Nini grimpe directement dans la voiture. La truie attend sagement dans le coffre pendant que son propriétaire s’affaire à préparer du maïs. C’est le péché mignon de l’animal et surtout sa récompense quand il a bien travaillé.
Direction la campagne du Périgord vert et ses prairies qui n’ont plus de secret pour Daniel Chaume et son fidèle compagnon. "J’y vais un peu tous les jours. L’après-midi, je fais entre trois, quatre, cinq parfois dix kilomètres."
Cet agriculteur à la retraite de Mareuil-en-Périgord n’a pas son pareil pour apprendre aux cochons à détecter des truffes. Un savoir-faire acquis à l’âge de douze ans en regardant une voisine. "Je leur fais manger des truffes quand ils sont petits, et après, il faut les habituer à ne plus le faire, à les laisser contre une gourmandise ! Il faut être patient, cela prend du temps !"
Une mémoire infaillible
Cet après-midi-là, nul besoin d’encourager Nini. Une fois la portière ouverte, l’animal sort en trombe du véhicule. À peine arrivé dans le champ, il a déjà le groin dans la terre. Tel une machine, Nini cave, gratte le sol et remue les mottes. Attiré par le parfum, son flair ne la trompe pas.
"Elle connaît ces endroits par cœur. Pourtant, elle en fait plusieurs et elle ne se trompe pas. Elle sait où les truffières donnent et là où ça ne donne pas. Elle est attirée par l’odeur, et elle va là où l’odeur se trouve, elle n’arrête jamais. Elle cherche toute la journée."
Elle a une carte mémoire dans la tête.
Daniel ChaumeTrufficulteur
C’est ensuite à Daniel d’entrer en scène pour ramasser le diamant noir à l’aide de son cavadou, une sorte de pic indispensable pour ne pas abîmer le produit.
Plus concentrée qu'un chien
Il est le dernier trufficulteur du Périgord à utiliser un cochon pour caver les truffes. C’était toutefois la méthode traditionnelle. Ce sont les Italiens, les premiers au Moyen Âge, qui ont dressé les porcs. Ces animaux ont un appétit naturel pour la truffe. À ceux qui reprocheraient à Daniel d'entretenir une tradition folklorique, l’ancien agriculteur à sa réponse toute trouvée. "Moi, je me fiche de ce que pensent les gens, pourvus que ça marche ! Un chien va être dérouté par un lapin, un oiseau. La truie, elle va tout de suite se concentrer sur le sol".
Mais pour Daniel, pas question de dresser des mâles. Il préfère travailler avec des femelles. "Les mâles sont plus compliqués à éduquer. C’est plus vif, c’est même à la rigueur dangereux, car ils peuvent attaquer très facilement. Et puis c’est moins obéissant aussi."
Nini peut travailler toute la journée. Ses 180 kilos ne l’arrêtent pas. Il faut dire qu’elle est encore jeune. Trois ans et quelques belles années à flairer l’or noir. Si le passionné ne compte plus le nombre de cochons truffiers qu’il a éduqués," peut-être une douzaine, une quinzaine", il est particulièrement fier de celle qui l’accompagne aujourd’hui. "Autrefois, j’en ai eu une qui, lorsqu’elle avait trouvé une truffe ou deux remontait immédiatement dans la voiture. Elle n’était pas performante celle-là !"
Un hiver généreux
Ces derniers temps, il a dû se résigner à laisser une autre truie à l’étable. Il n’emmène plus Rosalie et sa tête de cochon. "Elle ne voulait plus monter en voiture. Vous imaginez ! explique Daniel, le sourire en coin, il aurait fallu que je rentre à pied chez moi, dommage, elle était très bonne en plus !".
La fin d’après-midi approche. Le petit sac est bien rempli. Un peu plus d’un kilo de diamants noirs." Cet hiver a été plus généreux que les précédents. Il y a eu de l’eau, donc on a eu pas mal de truffes.
C’est une bonne année, ça faisait longtemps qu’on attendait ça.
Daniel ChaumeTrufficulteur
Il est temps de remonter dans la voiture et de retrouver le foin de la grange pour Nini. C’est là qu’elle finira ses jours. Daniel a toujours tenu à garder ses cochons truffiers. Pas question pour lui de les voir partir à l'abattoir. Une manière de leur dire merci pour tous ces services rendus. Et de conclure : "C'est une bonne mémère ! ".