En Dordogne, pour certains usagers, la mise en place de la redevance incitative en remplacement de la taxe d'ordures ménagères ne passe pas. Ce week-end, des conteneurs ont été incendiés près de Périgueux. Des réticences qui relancent le débat sur un projet d'incinérateur à Bergerac.
Trois conteneurs à poubelles ont été incendiés à Marsac-sur-l'Isle, près de Périgueux en Dordogne. Les deux premiers l'ont été dans la nuit de vendredi à samedi, route de l'Evêque. Un autre conteneur, semi-enterré, a été brûlé au niveau du cimetière à Marsac, samedi soir. Des actes qui ne sont pas accidentels, selon la commune qui compte près de 90 conteneurs. Déjà en novembre dernier, deux conteneurs avaient été incendiés ailleurs dans le département à Razac-sur-l'Isle et à Saint-Michel-de-Villadeix.
Depuis quelques mois, les esprits s'échauffent sur la question de la collecte des ordures.
Badger pour déposer
Car depuis le 1er janvier, le syndicat mixte des déchets de Dordogne (SMD3) lance officiellement la redevance incitative en lieu et place de la taxe d'ordures ménagères, après avoir repoussé ce lancement d'un an. En clair, chaque foyer s'est vu attribuer un nombre limité d'ouvertures des bacs à ordures près de chez soi. L'usager doit passer son badge afin de déposer son sac noir.
La nouvelle règle fait bien sûr réagir. "Cela va faire cher à l'année" pense cette dame rencontrée à Marsac. D'autant que chaque dépôt supplémentaire coûtera 5 euros. "Les gens vont mettre des sacs à côté des bacs" réagit cet habitant. "Ils ne vont pas se gêner s'ils n'ont pas la carte".
Des tarifs très critiqués
La taxe moyenne sera de 245 euros par an par foyer, 317 pour une famille de quatre personnes et 192 pour une personne célibataire. Des tarifs plus élevés que prévu, comme cela avait été annoncé en novembre dernier. Une décision prise par le SMD3 pour compenser notamment l'augmentation du coût de l'énergie, le retraitement et l'enfouissement des déchets.
"La redevance incitative sera plus juste que la taxe actuelle, puisque la facturation sera en lien avec la production réelle de déchets des usagers", assure le syndicat sur son site. La redevance doit aussi harmoniser les tarifs à l'échelle du département.
"Je trouve que le démarrage est plutôt bon" indique Pascal Protano, le président du SMD3. "Nous avons d'ailleurs beaucoup de demandes de prélèvements pour payer en trois fois et nous allons proposer de mensualiser aussi. Si on compare avec la taxe d'ordures ménagères dont beaucoup de gens ignoraient l'existence et le montant, certains vont en effet payer plus cher mais d'autres aussi moins."
Le syndicat rappelle que cette somme financera le traitement de tous les déchets, "pour une raison écologique".
Contrairement à que l'on croit, la redevance ne va pas payer uniquement le traitement du sac noir. Il y a aussi le sac jaune, le sac vert, l'accès aux déchetteries.
Pascal Protano, le président du SMD3.à France 3 Périgords
Manque de pédagogie
Pour Yannick Bidaud, le maire de Marsac, contacté la semaine dernière par France 3 Périgords, il faut privilégier le dialogue pour expliquer la nouvelle politique de gestion des déchets. "Il y a eu un problème de communication. Il faut être plus pragmatique et pédagogique. Et dire, c'est cher, mais voilà ce que vous pouvez faire" dit le maire. Depuis 2019, le SMD3 développe les conteneurs semi-enterrés et réduit la collecte des déchets en porte-à-porte sur le Grand Périgueux et autour.
Le projet d'un incinérateur à Bergerac fait débat
A Bergerac, le futur coût de cette gestion des déchets, associée à l'augmentation de la taxe générale sur les activités polluantes pousse Jonathan Prioleaud, le maire divers droite à relancer l'idée de créer un incinérateur de déchets sur le site de la Poudrerie. Actuellement, en Dordogne, 80 % des ordures ménagères sont enfouies dans une unité à Saint-Laurent-des-Hommes, près de Mussidan, qui produit du biogaz.
L'enfouissement des déchets est une aberration écologique. La solution serait de les brûler et de produire de l'énergie.
Jonathan Prioleaud, maire de Bergeracà France 3 Périgords le 9 janvier
Jonathan Prioleaud prend l'exemple de la cité voisine de Brive-la-Gaillarde en Corrèze, équipée d'un incinérateur. "Les foyers payent 91 euros par an de taxe, soit trois fois moins cher que ce qui devra être payé en Dordogne. Forcément la taxe baisserait chez nous, avec une qualité de service public. D'ailleurs, le ramassage en porte à porte est toujours effectué à Brive".
Une position que Lionel Frel, conseiller municipal d'opposition EELV (Europe Ecologie Les Verts) ne comprend pas, au regard du coût d'investissement et des derniers rapports sur le sujet. "Il n'y a pas besoin d'incinérateur ici. L'Ademe l'a dit en 2017 tout comme le plan régional de gestion des déchets adopté en 2019 : Nous sommes en sur-capacité d'outil de gestion des déchets. Un incinérateur coûterait entre 50 et 100 millions d'euros. Cela voudrait dire qu'on doublerait, au bas mot, la redevance incitative des périgourdins. Est-ce cela que veut M. Prioleaud ?" s'écrie M. Frel.
Une pétition mise en ligne
En attendant, la nouvelle redevance va être étendue dans tout le département jusqu'en 2024 et continuer de susciter la polémique. Opposés à ce nouveau système de collecte des déchets, une quarantaine d'associations en France, dont un collectif de Dordogne ont lancé en octobre dernier une pétition sur le site du Sénat pour qu'il y ait une enquête parlementaire.
"Le nouveau système de collecte des ordures est une déclaration de guerre au service public accessible à tous et un racket financier qu’on nous impose, à travers les très mal nommés « Points d’Apport Volontaire », écrit sur son site l’Association des Mécontents de la Collecte des Déchets en Dordogne (AMCODD). Leur page Facebook recense de nombreuses photos de déchets sauvages déposés devant des conteneurs par des usagers n'ayant pas voulu utiliser leur badge.
Une chose est sûre : la loi de transition énergétique de 2015 impose aux collectivités de déployer un financement incitatif pour le service public des déchets à 25 millions d’habitants en 2025. Fin 2021, la population concernée plafonnait à 5,6 millions d’habitants, soit 195 collectivités selon la Gazette des communes.