En Dordogne, les pêcheurs accusent cet oiseau aquatique protégé de menacer les réserves halieutiques. Ils demandent sa régulation.
Ils sont grands, rapides, ils vivent longtemps, se retrouvent dans le monde entier et ils sont surtout opportunistes et gourmands en poisson. On associe souvent les cormorans au milieu marin, mais la sous-espèce Phalacrocorax carbo sinensis affectionne plutôt les eaux douces. Et c'est uniquement cette branche de la famille grand cormoran qui en préoccupe certains, la branche marine Phalacrocorax carbo carbo étant purement et simplement protégée, sans que cela fasse polémique.
Gros appétit
Le volatile est reconnaissable à son long corps noir élancé au cou allongé et son esprit grégaire. Cet oiseau divise les associations de protection de l'environnement et les pêcheurs ou pisciculteurs auxquels il fait concurrence. Les humains reprochent à l'animal sa trop grande voracité, 5 kg de poisson par individu adulte chaque jour en moyenne.
Au point que les services de l'État autorisent sa régulation depuis quelques années, mais exclusivement dans certains plans d'eau menacés ou dans des zones de pisciculture, après une étude environnementale ayant prouvé son impact négatif.
Séjour prolongé en Périgord
Bien souvent, l'absence de prédateurs, la tranquillité des lieux et l'abondance de poissons le laisse prospérer et croître. Le changement climatique a aussi modifié les habitudes de cormorans migrateurs qui viennent à se sédentariser. C'est le cas sur la rivière Dordogne, classée réserve de biosphère par l'Unesco, où le cormoran s'est installé durablement.
2.000 cormorans, à une plume près
Les pêcheurs croient savoir que 2 000 cormorans sont installés dans le département. Ils lui reprochent localement de nuire aux grands poissons, les migrateurs qui circulent entre eau salée et eau douce pour se reproduire comme les anguilles ou les saumons, mais aussi aux truites ou aux carpes.
Le cormoran aussi effectue une prédation sur ces espèces-là !
Jean-Michel RavailhePrésident Fédération de Dordogne pour la pêche et la protection du milieu aquatique
Le combat du cormoran
La Fédération de Pêche de Dordogne demande que cette population ailée soit régulée. Autorisation qui peut être accordée par arrêté préfectoral, dérogatoire à sa protection par défaut, et uniquement dans des quotas fixés tous les trois ans par le ministère. La dérogation étant généralement plutôt accordée pour des zones piscicoles. Ailleurs, la difficulté à avérer l'impact de l'oiseau sur les ressources halieutiques rend la dérogation hasardeuse.
Le cormoran, un bouc émissaire ?
Et d'ailleurs, faut-il faire porter le chapeau à l'oiseau ? Si le cormoran n'arrange pas les choses, le bon vieux principe de la paille et de la poutre nous empêche d'incriminer l'animal et d'oublier l'humain, son réchauffement climatique, ses barrages, ses pesticides, sa surpêche et sa pollution.
Même Patrick, pêcheur local qui se souvient avec nostalgie du cours d'eau poissonneux de sa jeunesse, temporise. "Le cormoran, ça s'ajoute à la pollution, au silure qui prélève sa part aussi, et tout mis bout-à-bout, ça fait que les poissons disparaissent fortement." Alors, par quel bout prendre le problème ? Ce qui est sûr, c'est que pour les associations de défense animale, quand ils visent le cormoran, les pêcheurs poussent le bouchon un peu loin.