Tempête de 1999 : l'enfouissement des lignes électriques loin d'être achevé 20 ans après

27 décembre 1999 : une partie de la France se retrouve dans le noir, son réseau électrique aérien à terre. La Dordogne est alors particulièrement impactée. Un plan pluriannuel d'enfouissement est lancé.  Fin 2018, 40,4 % du réseau est enfoui. 
 

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Dans toute la France, des coupures de courant monstre. En décembre 1999, 1 433 000 foyers sont privés d'électricité, d'éclairage et pour beaucoup de chauffage. 250 000 pour le seul département de la Gironde. Dans les zones les plus isolées de la future Nouvelle-Aquitaine, on restera jusqu'à un mois entier sans électricité.
La faute essentiellement au réseau aérien.

Jusqu'alors la France s'enorgueillissait d'un des maillages les plus efficaces au monde qui desservait correctement tout le territoire. Efficace, mais fragile. Des poteaux vieillissants, des implantations en zones boisées inadaptées... La plupart du temps, ce sont les chutes d'arbres qui coupent le réseau. Et en 1999, l'ampleur inédite des dégâts choque l'opinion publique.


ERDF (devenu Enedis depuis), concessionnaire du réseau basse et moyenne tension, s’engage alors dans un vaste plan de travaux pluriannuel toujours en vigueur aujourd'hui. Sur plus de 1,4 million de kilomètres de câbles électriques qui traversent la France, on va donc se consacrer au maillon faible, l'enfouissement de 1 240 000 km de câble en basse et moyenne tension. Une solution de bon sens. Une ligne enterrée possède une durée de vie de 60 ans contre 40 pour un réseau aérien, et son coût d'entretien est de 4 à 5 fois moindre. 

La Dordogne : un retard à rattraper

La Dordogne est dans le peloton de tête des 3 départements français les plus difficiles à gérer pour Enedis. Une difficulté qui se résume en trois chiffres : 11 500 km de lignes moyenne tension (20 000 volts) 13 600 en basse tension (230 volts) et 14 500 transformateurs pour relier les premières aux deuxièmes.

Ramené à la population, c'est un réseau énorme. Vaste, boisé, et très dispersé, un cauchemar d'électricien ! Ces 25 000 kilomètres de câbles passent dans des zones reculées, traversent des massifs forestiers souvent mal entretenus, peu accessibles. Autant dire qu'ici plus qu'ailleurs Enedis doit se retrousser les manches. 

En gros, en 99 on avait 15% du réseau enfoui et là, fin 2018, on en est à 40,4 %. On est en train de rejoindre la moyenne nationale alors qu'on est parti de très, très loin !
Eric Van der Vliet - Directeur Territorial d'Enedis

À la tête des manœuvres en Dordogne, le Directeur Territorial d'Enedis Eric Van der Vliet souligne les efforts constants de son entreprise dans ce département compliqué.
Sa priorité, la moyenne tension. Les câbles basse tension proches des maisons sont plus sécurisés (à 98% selon Enedis).
Plus isolées, les lignes moyennes tension 20 000 volts qui se rompent impactent à chaque fois beaucoup plus de foyers. Ces ruptures sont à l'origine des 3/4 des coupures de courant.

Vingt ans et 300 millions d'euros après la tempête de 1999, on est passé de 15 à 40,4 % de réseau enfoui. Un chiffre proche de la moyenne nationale. Proportionnellement à sa population, la Dordogne est le département qui a le plus enfoui de lignes électriques depuis 10 ans. Chaque année, environ 200 km de lignes disparaissent dans le sol.

En 2018, Enedis a consacré 37 Millions d'€uros à l'enfouissement, dont  sept seulement pour le raccordement de nouveaux clients. Des chiffres en légère augmentation depuis dix ans, et qui devraient encore suivre cette tendance pour les dix ans à venir.

En Dordogne, le réseau ne cesse de s'étendre parce qu'on l'enfouit. Quand vous passez à travers champs, c'est tout droit, c'est court... quand vous suivez les routes pour enfouir, ça donne plus de longueur.
Eric Van der Vliet - Directeur Territorial d'Enedis

Un réseau qui s'étend, alors que le nombre d'abonnés reste stable, c'est l'autre paradoxe de l'enfouissement, plus sûr mais plus long... Proportionnellement, les nouveaux raccordement restent très faibles dans le département, que ce soit pour les particuliers, les bornes de recharge de véhicule ou les centrales photovoltaïques.

► Déjà en 2017, France 3 Périgord pointait dans ce reportage le retard dans l'enfouissement des réseaux électriquesen Dordogne :


L'objectif "Zéro fil nu" du SDE 24

En Nouvelle Aquitaine, treize syndicats d'énergie sont responsables du service public de la distribution d'énergie. À ce titre, ils surveillent l'implantation des ouvrages et l'intégration des réseaux dans l'environnement. En Dordogne, le SDE 24 pousse Enedis à accélérer la cadence d'enfouissement. Lui-même en charge des lignes basse tension, il s'est fixé en auto-financement l'objectif "Zéro fil nu" entre 2015 et 2021 sur ces fils qui alimentent les maisons sur les derniers mètres.

La France toujours pas prête à affronter une autre "tempête du siècle"

Malgré ces efforts, le retard d'enfouissement se fait toujours sentir en 2019 par rapport à nos voisins. 42 % seulement des lignes moyenne et basse tension enterrées en France contre 89 % en Allemagne et 100 % aux Pays-Bas !

Certes, la population est plus dispersée en France, mais il s'agit aussi d'un positionnement stratégique passé de l'opérateur français qui jusqu'en 2008 a privilégié ses investissements à l'étranger au détriment de la modernisation du réseau.
La somme qui y était dévolue était passée de 2,5 à 1,5 milliards. En 2008, la création d'ERDF permet de séparer les opérateurs du gestionnaire du réseau. Et ce dernier, par un prélèvement sur la facture d'électricité, peut à nouveau investir sur les réseaux. 

 

Une ardoise à 100 milliards

Ecueil majeur : enfouir d'un coup la totalité des lignes électriques serait hors de prix. On estime la facture totale aux alentours de 100 milliards d'euros. Un investissement inconcevable dans le contexte actuel, et que, depuis 1999, les gestionnaires successifs ont toujours prudemment éludé.

Pour les nouvelles lignes, l'enterrement est la norme (98,4% des cas), mais la majorité des lignes existantes resteront encore longtemps aériennes.
En préférant une politique des petits pas économiques à des grandes enjambées ruineuses, Enedis préfère renforcer les poteaux qu'enterrer, et élaguer les arbres plutôt que creuser. Repousser l'investissement global à plus tard, le diluer dans le temps, quitte à ce que cette politique de la "rustine" lui coûte cher à chaque coup de vent. 

Guérir plutôt que prévenir

Faute de se donner les moyens de prévenir, l'opérateur choisi de guérir plus vite. La rapidité d'intervention en cas de panne a été sensiblement améliorée au fil des ans. Le contrat de service public l'oblige à réalimenter 90 % de la clientèle en moins de cinq jours. À titre de comparaison, en 1999, le gestionnaire avait eu besoin de trois semaines pour y parvenir. Les délais d'intervention des dernières tempêtes ont bien souvent avéré ce gain de rapidité.
 

Linky et drones, des "mouchards" bien pratiques


Enedis assure que l'implantation à marche forcée des compteurs connectés Linky permettra d'accélérer la détection des pannes, les lignes n'ayant plus besoin d'être testées en cas de coupure. Autre modernisation prévue par Enedis, l'utilisation de drones pour repérer les lignes endommagées.

En attendant, les bons vieux poteaux électriques ne sont pas prêts de disparaître complètement du paysage, et surtout pas dans les zones rurales éloignées... là où ils sont les plus fragiles. Les campagnes n'ont plus qu'à espérer que les tempêtes se fassent plus rares. C'est mal parti.

 

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