Beaucoup d'appelés, mais peu d'élus. La campagne de vaccination anti-covid a démarré en Dordogne pour les plus de 75 ans et d'autres personnes vulnérables. Mais pour obtenir un rendez-vous, les patients vont devoir être très, très patients. La Préfecture s'explique.
Cinq centres de vaccination anti-covid sont désormais ouverts aux patients vulnérables et prioritaires en Dordogne. Ouverts, mais pas nécessairement accessibles. Car il est quasi-impossible d'obtenir un rendez-vous, que ce soit par téléphone ou par internet. Et pour cause, serveurs et répondeurs sont en surchauffe. À Périgueux, le secrétariat du centre de vaccination a reçu 45 000 appels en 4 heures. Du coup, plus aucun rendez-vous n'est disponible avant quatre semaines.
La directrice adjointe en charge de la gestion de crise à l'hôpital de Périgueux appelle donc à la patience. Elle affirme que l'hôpital travaille à élargir le dispositif pour mieux répondre à la demande. En attendant les faits sont là : quel que soit votre âge, que vous soyiez prioritaire ou non, il n'est plus possible d'obtenir un rendez-vous en Dordogne pour se faire vacciner avant un bon mois.
Source de tension
D'où le "coup de gueule" de Michel Cadet, médecin généraliste à Périgueux. Pour lui, il n'aurait pas fallu appeler autant de personnes à se faire vacciner avant d'avoir eu les doses nécessaires pour répondre à la demande. Depuis ce lundi 18 janvier, ce sont en effet les plus de 75 ans, les porteurs de six maladies chroniques à risques et les personnels de santé qui sont appelés à se faire vacciner, "dans ces centres où le rythme de vaccination est de 150 patients par jour [...] C'est complètement mal organisé ! Ça va créer de la tension et de la déception !" affirme-t-il.
Un euphémisme. Certains candidats au vaccin, frustrés et parfois paniqués de ne pas pouvoir se vacciner à temps, s'emportent et s'en prennent avec virulence aux secrétaires et aux personnels soignants, bien en peine de justifier une décision qu'ils sont les premiers à subir.
La Préfecture s'explique
Dans un point presse ce mardi 19 janvier, la Préfecture de Dordogne a expliqué la stratégie mise en place.
Il y a potentiellement dans le département 54 000 personnes de plus de 75 ans ou à risque qui peuvent prétendre à la vaccination. Auxquelles on peut ajouter environ 2 000 professionnels de santé également appelés à se faire vacciner. Multipliés par les deux doses d'injection nécessaires, cela représente 112 000 doses de vaccins à injecter. À ce jour, 3 500 personnes ont été vaccinées, dont une grande partie des personnels de santé exposés ou des résidents d'Ehpad.
Les décisions pour la répartition de la vaccination se prennent au sein de la cellule opérationnelle mise en place depuis décembre dernier et qui regroupe aussi bien les services de l'État que le Département, les professionnels de santé ou encore l'association des maires de Dordogne
Cinq centres de vaccination sont en place. Périgueux, Sarlat, Bergerac, qui ont déjà ouvert, Nontron qui ouvrira demain mercredi, et Ribérac qui ouvrira jeudi 21 janvier.
Parallèlement, les 43 Ehpad du département vont bénéficier des doses nécessaires à la vaccination de leurs résidents et personnels, trois d'entre eux ont déjà été fournis.
Les vaccins utilisés sont les "Pfizer" à la conservation obligatoire en congélateur spécifique, et à la durée de vie limitée à 5 jours.
La vaccination victime de son succès ?
On a été victimes de l'engouement des personnes âgées. Certaines personnes étaient dubitatives. L'engouement, il est là ! [...] On ne s'y attendait pas !
Le Préfet ne cache pas que la vaccination a rencontré plus de succès que prévu. Malgré tout, le déploiement de la vaccination est liée à plusieurs contraintes. La conservation et la disponibilité du vaccin obligent à ne pas "gaspiller" les ressources.
Dans le département, seul l'hôpital de Périgueux possède le "super-congélateur" capable de stocker le produit. Sa courte durée de vie oblige à une gestion stricte, on doit donc être sûr que chaque rendez-vous sera honoré dans chaque centre pour utiliser tout le stock disponible.
De même, la visibilité sur les stocks n'est qu'à six semaines, les centres de vaccination ne peuvent pas donner de rendez-vous à très longue échéance, sur plus de quatre semaines.
Inutile aussi de multiplier les centres de vaccination que la logistique ne permettrait pas d'alimenter. D'autres lieux de vaccination sont envisagés à l'avenir, dans les maisons de santé, les salles municipales, les pharmacies, ou encore avec les infirmiers libéraux, si et seulement si les stocks et les conditions médicales le permettent.
L'arrivée du vaccin Moderna qui, lui, se conserve un mois pourrait faciliter la vaccination, et permettre notamment à des équipes mobiles d'aller au domicile des personnes fragiles dans l'incapacité de se déplacer.
Malheureusement, ce vaccin ne devrait pas arriver avant au moins quatre semaines.
Prendre en compte la deuxième injection
Autre critère qui pousse la préfecture à modérer une vaccination maximale immédiate, la prise en compte de la deuxième injection. Pour que le vaccin soit efficace, cette deuxième injection doit être réalisée 21 jours après la première, il faut impérativement la garantir aux personnes déjà vaccinées.
Un emballement incertain dans la durée
Pas sûr que l'énorme afflux de candidats à la vaccination immédiate dure dans le temps. La Préfecture reste prudente sur cet engouement de la première heure, quitte à réajuster si le phénomène perdure, toujours dans le souci de bien gérer les stocks et de garantir la deuxième injection.
Le critère géographique
Rien n'interdit d'aller se faire vacciner à l'endroit de son choix, à condition bien sûr d'avoir obtenu un rendez-vous. La Préfecture envisage ainsi que les habitants du Nord-Est du département puissent aller à St Yrieix (87), plus près de chez eux, ou ceux de l'extrême Sud à Gourdon (46).
Les vaccinés, source de renseignement épidémiologique
Se faire vacciner une première fois implique d'être identifié. Pour le patient, cela permet de garantir la deuxième injection indispensable. Pour les services médicaux, les données vont permettre une étude épidémiologique fine sur les effets du vaccin, sa tolérance, son effet immunitaire. Une inestimable source de renseignement pour les futures statistiques épidémiologiques.
Tolérance zéro pour les incivilités
Enfin, répondant au signalement de cas d'aggression verbale des personnels soignants par les candidats à la vaccination éconduits, le Préfet a indiqué qu'il n'y aurait aucune tolérance des services de l'État.