Le vignoble bergeracois dans la tourmente du coronavirus

Les 900 producteurs de vins de Bergerac et Duras ressentent durement les conséquences du confinement. Les ventes ont fortement chuté alors que le travail doit se poursuivre dans les vignes.
 

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Commençons par le positif. Le verre à moitié plein… en poussant au maximum le curseur de l’optimisme.

« Les vignes sont magnifiques », constate Vincent Alexis du château Barouillet, la voix pleine de fierté. « J’avais beaucoup de salons prévus en ce début de printemps…, du coup je suis là, je peux me consacrer au travail sur l’exploitation, les vignes sont au top, on les bichonne. »

"Je n'ai jamais eu de vignes aussi belles"

Même constat et même enthousiasme chez Luc Conti, du domaine de la Tour des Gendres. «Je n’ai jamais eu des vignes aussi belles ! » Devant l’impossibilité de faire venir des saisonniers, le viticulteur a transféré la quasi-intégralité de son personnel administratif auprès des futures grappes.

« Le raisin n’attend pas ! », cette année encore, réchauffement oblige, les bourgeons sont plus précoces. Toute son équipe est mobilisée pour tailler, lier, nettoyer. « On passe nos journées dans les vignes, j’adore ça, physiquement c’est profitable, j’ai perdu du poids ! ».
Et puis dans les vignes, pas de danger de trop grande promiscuité. Le respect des gestes barrières se fait naturellement, à chacun son rang.

Et si le confinement produisait de meilleurs vins ?

« Des fois, poussés par la demande, on vend des vins qui mériteraient un temps d’élevage supplémentaire », explique Vincent Alexis. Cette année, comme c’est plus calme, les vins qui partiront du bergeracois seront optimums, « prêt à boire ».

Encore faut-ils qu’ils soient commandés. Conséquence directe et massive du confinement, les ventes de vin se sont effondrées. Les chiffres sont sévères.

Une chute des ventes

« J’ai une chute du chiffre d’affaires de 90% » témoigne Luc Conti. L’export, qui représentait la moitié de mes expéditions est à zéro et le marché national tourne à 15-20% (avec +60% de vente directe) ». 

« Le seul vin qui sort, c’est celui qui part en grande distribution (qui a maintenu ses niveaux d'approvisionnement entre 70 et 100%) », précise Eric Chadourne, le président de la Fédération des Vins de Bergerac et Duras, qui a une vue sur l’ensemble des 900 viticulteurs du bergeracois.
« Les vignerons indépendants qui écoulaient leur production par leur propre réseau, auprès des restaurants et des cavistes, sont dans une merde noire. »

Depuis Pomport, Vincent Alexis, relativise un peu, mais il partage ce constat alarmant : « Nous ne sommes pas encore dans l’œil du cyclone. Nous travaillons avec des factures à 30 ou 60 jours. C’est dans un mois que nous entrerons dans la zone noire pour les finances ».

Face à cette réalité comptable, les viticulteurs que nous avons contactés saluent les mesures gouvernementales de reports de charges, de cautionnement bancaire pour des prêts et de possibilité de recours au chômage partiel.
« Le gouvernement a bien réagi, ça va sauver les exploitations », reconnait Luc Conti, qui travaillait justement à monter un dossier de demande de prêt au moment où nous l’avons eu au téléphone.
 

Si la saison viticole parait bien compromise avec la suppression de plusieurs opérations de promotion de la filière comme la Vinata, prévue en mai à Bergerac, la fête des vins de Duras le 15 août, ainsi que le rendez-vous majeur de la fête du vin à Bordeaux, les professionnels ont l’espoir que les Français se tournent à nouveau vers le vin, vecteur de convivialité.

"Les apéros skype, ça va un moment"

« On a besoin de retrouver le goût de la vie en société, les apéros Skype (via internet), ça va un moment », s’agace Eric Chadourne.

Mais quand ?  C’est là toute la question. Si le déconfinement progressif doit s’amorcer à partir du 11 mai, personne ne sait encore quand les bars et les restaurants pourront rouvrir.
Optimiste de nature, Luc Conti dit ne pas être « inquiet pour la reprise. Si les restaurants ouvrent le 15 juillet, ce sera bon. Les gens ne partiront pas en vacances à l’étranger, ils viendront nous voir, la campagne va devenir une valeur refuge. » Il est vrai que l’épidémie a été plutôt discrète en Dordogne. « Je reste positif pour le Périgord, le principal c’est que nous soyons prêts pour la reprise. »

Cette préparation va demander un peu d’imagination et de souplesse. Le confinement rend plus compliqué un certain nombre de choses : commander des bouchons, réparer un tracteur, obtenir du soufre.
Tout tourne au ralenti. Les fournisseurs ne peuvent pas être aussi réactifs que d’ordinaire.

Abnégation et système D

L’embouteillage réalisé par des prestataires, qui se déplacent sur les exploitations, n’étant plus toujours possible, il faut ressortir des tireuses à bec.
« A l’ancienne, c’est du temporaire, nous travaillons manuellement, explique Franck Pascal du Jonc Blanc à Vélines. Nous réalisons des mini-mises (et non des mini-miss) … en bouteilles. »
Ce producteur de vins en biodynamie, qui vient par ailleurs de subir une averse de grêles, fait le dos rond dans cette période particulièrement hostile. « On va s’adapter comme tout le monde, c’est une récession globale. On fera face, on va réduire la voilure ».   

Y aura-t-il un rebond à la sortie du confinement avec une ruée chez les cavistes ? Certains l’espèrent, toutefois, à l’image de l’ensemble du pays, les viticulteurs sont forcés d’avancer dans l’inconnu.
En septembre, cependant, il vaudrait mieux que l’épidémie soit une histoire ancienne afin de mener les vendanges le plus sereinement possible.
 
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