Des directeurs de campings dépités, d’autres dans l’expectative une fois les préparatifs terminés, le coup d’envoi de la saison était prévu les premiers jours d’avril. Mais confinement oblige, le secteur est à l’arrêt pour une durée encore indéterminée.
En 2019, la Nouvelle-Aquitaine a occupé le premier rang national en matière de fréquentation des campings, son parc étant l'un des plus importants en France. La région a enregistré 27 millions de nuitées dans les campings entre avril et septembre 2019, en hausse croissante d’année en année.
La fédération nationale de l'hôtellerie de plein air en réunion était en réunion vendredi 24 avril, avec Emmanuel Macron et les préfets, pour débattre d'un plan sanitaire présenté par la fédération.
Parmi les questions majeures : qui va ouvrir, comment et qui accueillir ? Des interrogations qui taraudent les professionnels du tourisme, alors que la saison aurait dû débuter il y a quelques semaines.
Depuis vingt ans, le camping L’Océan est un camping familial. Cette année, comme toutes les autres, il aurait dû ouvrir le 4 avril. Ce cinq étoiles de Lacanau-Plage peut accueillir jusqu’à 2000 personnes. Aujourd’hui, il est vide, uniquement habité par les interrogations vertigineuses de ses propriétaires.
Sur le littoral : tout faire pour sauver la haute saison
En avant-saison, l’entreprise compte quarante salariés. Aujourd’hui, trente sont au chômage partiel. Et l'été, les effectifs peuvent monter jusqu'à 90 personnes mais cette année, aucun contrat n’a pu être signé. D’ordinaire, le camping situé à quelques pas de la plage est pris d’assaut par une clientèle familiale pour ses services : espaces aquatiques, aires de jeu pour enfants, crèches, restaurants, soirées dansantes, animations...Vincent Eap, le directeur, passe son temps à jongler avec les équations. "La crise, on la prend de plein fouet. On souffre énormément, on a déjà perdu 20 % du chiffre d’affaire, et en faisant une projection, le taux de perte monte à 50 ou 70 % en 2020. On ne pourra rien rattraper en arrière-saison puisqu'on devait fermer en novembre", s'inquiète le directeur du camping L'Océan.
Dans ce camping qui coche toutes les cases des secteurs les plus touchés dans la société aujourd’hui, on ne pense même pas au 11 mai : le compteur affiche 41 annulations. On ne pense pas non plus aux touristes étrangers : les vacanciers allemands, nordiques qui arrivent normalement en juin.
Garantir l’excellence de la sécurité sanitaire
Vincent Eap se focalise donc sur les mois de juillet et août, mais ne cache pas son désarroi. "Nous sommes une hôtellerie de plein air basée sur des services collectifs. Pour garantir les sécurités nous devons prendre des mesures considérables. Mais comment faire respecter tous les gestes barrières, notamment à l’extérieur du camping avec des plages aux périmètres de surveillance très réduits et une promiscuité évidente ?", questionne le directeur du camping.Aujourd’hui les vacanciers qui appellent pour l’été demandent même s'il y a des réductions sur les prix, si tous les services n’étaient pas proposés. Autant de questions qui hantent se propriétaire. Il reconnaît qu’il envisage même le pire : un vacancier contractant le coronavirus. Son camping, avec ses centaines de vacanciers deviendrait un cluster à ciel ouvert.
Temps suspendu
Pélagie et Thom Grimaud sont propriétaires du camping du Vieux château à Rauzan, dans l’Entre-deux-mers. Le 16 mars, ils étaient en plein marathon de préparation, "Nous avons continué à effectuer tous les réglages car il n’était pas question de s’arrêter. En avril et mai, on a en moyenne une vingtaine de clients par nuit, mais ce 1er avril, on a eu personne à recevoir", raconte Thom Grimaud.Le couple dispose de 77 emplacements dans son camping. Avec aucune rentrée d’argent, ils ont donc fait fonctionner l’ordonnance du 25 mars avec des avoirs de validation pour les clients qui avaient réservés en période de confinement."On se réjouissait ! Les vacances de Pâques tombaient bien, les ponts du mois de mai également. Aujourd’hui, on attend une hypothétique ouverture, les clients nous appellent timidement pour l’été", ajoute Pélagie. Dans ce camping, aucun salarié n’a été recruté pour la saison estivale tant que des directives ne sont pas données par les pouvoirs publics.
La clientèle bordelaise insuffisante
D’ordinaire, le Camping du lac de Cazaux ouvre du 1er avril au 30 septembre et compte 90 emplacements pour un accueil de 270 personnes. "Avril, mai, juin, c’est 20% de mon chiffre d’affaire. Actuellement, on vit sur la trésorerie accumulée au fil des années. Quand une structure travaille sainement, elle dégage des bénéfices qu’elle laisse dans les comptes de l’entreprise et heureusement…Cela dit, j’ai dû mettre mon employé an chômage partiel", explique Jean-Marc Bregulla, le gérant.Malgré la difficulté de la situation, le gérant refuse d'ouvrir tant que la maladie est là. "En cette saison, la clientèle est composée de beaucoup de retraités, des gens du Nord, de Bretagne, de Normandie. Ce sont des personnes qui aiment descendre dans le Sud, ou qui viennent profiter des premiers beaux jours avant le rush", détaille Jean-Marc Bregulla.
Pourtant, il l'assure : à un moment, les campings vont manquer d’argent. Alors lui est prêt à s’adapter pour ouvrir. "Nous pouvons nous organiser pour faire venir nos clients. C’est pas compliqué : des espaces de 100 mètres carrés pour les toiles de tente ou les caravanes, la mise en place de dispositifs pour les gestes barrières, et la gestion de la sécurité pour organiser des passages aux espaces sanitaires ou alimentaires", énumère le gérant du camping.
Jean-Marc Bregulla garde espoir. Il aimerait que dans trois semaines les autorisations d’ouvrir soient données.