Faute d'argent et par pudeur, les plus pauvres sacrifient leur santé

Manger sainement, prendre rendez-vous chez le dentiste ou l'ophtalmo... Des comportements indispensables pour rester en bonne santé mais dont se privent les plus pauvres, selon une étude publiée mardi par le Secours populaire.

"Il y a un accroissement de la demande en matière de santé... lorsque les personnes osent en parler". Julien Lauprêtre, président du Secours populaire français (SPF), en appelle à "une nouvelle résistance" face à cette "pauvreté qui gagne du terrain", comme le révèle le 10e baromètre Ipsos/Secours populaire publié mardi.

Parmi les Français les plus pauvres (ceux qui appartiennent à un ménage dont le revenu mensuel net est inférieur à 1.200 euros), la moitié a déjà renoncé ou repoussé une consultation chez le dentiste, soit un bond de 22 points par rapport à 2008, et près de 4 sur 10 un rendez-vous chez un ophtalmologiste (39%, +9 points).

Difficile de disposer d'une mutuelle santé

Dans ces foyers les plus modestes, 64% indiquent avoir eu des difficultés au moment de payer des actes médicaux mal remboursés par la Sécurité sociale.

Ainsi, Mounira, 47 ans, a reçu plus d'une cinquantaine de greffes osseuses ("à partir de 47, j'ai arrêté de compter") à cause de sa maladie. Elle ne touche que 803 euros par mois et une fois les charges payées, il ne lui reste plus que 326 euros pour vivre avec ses jumeaux de 18 ans, alors qu'elle doit subir chaque année "deux interventions à l'hôpital, avec plus de 2.000 euros de dépassement d'honoraires chaque fois".

Disposer d'une mutuelle santé, avoir une alimentation saine ? Financièrement compliqué pour près de la moitié des ménages modestes (respectivement 53% et 48% d'entre eux).

Une prise de conscience compliquée, tant la santé reste un tabou : "Les personnes qui viennent au SPF ne parlent jamais de leur santé, il y a une pudeur. Nous avons un travail à faire auprès du grand public comme auprès d'eux pour leur expliquer que l'accès aux soins dentaires ou ophtalmologiques, ce n'est pas du luxe", explique Julien Lauprêtre.

Le travail, pas une garantie d’une autonomie financière

Les enfants ne sont pas épargnés : 12% de la population française a renoncé ou retardé des soins dentaires et 10% des soins optiques pour leur progéniture, "des chiffres fortement sous-évalués" selon Etienne Mercier, d'Ipsos. "Il est encore plus difficile d'avouer avoir renoncé à des soins pour son enfant que pour soi-même". Chez les personnes les plus modestes, cette proportion monte jusqu'à 32% (soins dentaires) et 17% (soins optiques).

Fadela, une maman célibataire avec trois enfants, raconte ainsi que son fils portait "des lunettes à verres épais" parce qu'elle n'avait pas les moyens d'acheter des verres fins. Cible de moqueries à l'école, il pourra bientôt avoir de nouvelles lunettes, plus adaptées à sa vue.

Dans ses permanences d'accueil, le SPF perçoit une dégradation de l'état de santé de familles, de mères seules, de jeunes, de retraités, de beaucoup d'enfants. Fait récent, le travail n'apporte plus forcément la garantie d'une autonomie financière: certains salariés ne sont plus à l'abri des privations et peinent également à se soigner.
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