Bruit, infractions, incivilités... sur le bassin d'Arcachon, le jet-ski fait toujours débat

À l'approche de l'été, la problématique du jet-ski réapparaît sur le bassin d'Arcachon. Les nuisances et incivilités agacent. Mais pour autant, les pratiquants de jet-ski ne sont pas responsables de tous les maux. Entre enjeux économiques, environnementaux et tranquillité, le débat fait rage.

À l'approche des beaux jours, le bassin d'Arcachon fait le plein de touristes venus profiter de son cadre naturel. Les commerces et restaurants font le plein, les hébergements touristiques affichent complet et les plages se garnissent. Mais sur l'eau également, l'affluence est forte. Les activités de loisirs en mer ne manquent pas : voile, kayak, bouée tractée, bateaux à moteur ou encore jet-skis.

Ces derniers, de plus en plus nombreux, sont régulièrement pointés du doigt. Non-respect de la réglementation, excès de vitesse et nuisances sonores rendent la cohabitation avec les autres usagers du bassin difficile. À tel point qu'en 2020, des pétitions avaient vu le jour visant à faire interdire la pratique. Sans succès. Les pilotes de jet-ski ne sont pas responsables de tous les maux, mais certains comportements excèdent. Si certains demandent son interdiction au nom de la tranquillité et de la protection de l'environnement, d'autres observent davantage les intérêts économiques que suscite l'activité.

"Depuis le Covid-19, il y a de plus en plus de jet-skis sur le bassin"

"L'an dernier, pendant les incendies, il y avait des jet-skis qui faisaient la course avec des canadairs", se rappelle Benoît Dumeau, conservateur de la réserve naturelle nationale du Banc d'Arguin. Chaque été depuis quelques années, il constate la même chose : des excès et des comportements à risques. "Parfois, c'est carrément de la Formule 1", observe de son côté Vital Baude, élu Europe Écologie-Les Verts au Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine et conseiller municipal d'opposition à Arcachon.

Sur le bassin d'Arcachon, l'été, ils sont nombreux à se plaindre des nuisances générées par l'activité nautique à moteur et notamment les jet-skis. "C'est la zone qui nous pose le plus de problème, avoue Jérôme Goussard, commandant de la brigade nautique d'Arcachon. Depuis le Covid-19, il y a de plus en plus de jet-skis sur le bassin, qui est une zone idéale pour la pratique. On voit arriver une population relativement jeune, qui avait peut-être l'habitude de partir à l'étranger dans des pays où le jet-ski est beaucoup moins réglementé."

Le plus souvent, il s'agit d'infractions et d'incivilités, selon le commandant. Absence de permis, non-respect des limitations de vitesses et navigation à moins de 300 m des côtes sont monnaie courante. Le commandant Jérôme Goussard parle même de "rodéo maritime". "Parfois, on frôle l'accident", constate de son côté Benoît Dumeau. Des collisions qui peuvent avoir des conséquences dramatiques, à l'image de cet accident dont a été victime une jeune Girondine en Guadeloupe.

Le bassin d'Arcachon en tête des opérations de sauvetage des jet-skis

En Aquitaine, la Gironde est le département où il y a le plus d'intervention des secours en mer pour les véhicules nautiques à moteur (VNM), les engins à moteur de moins de 4 m, selon les données du Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvatage (Cross) Étel. Quand, sur l'année 2022, il y a eu respectivement cinq et six opérations sur les côtes basque et landaise, 34 étaient menées en Gironde.

Parmi elles, 16 concernaient le seul bassin d'Arcachon. Certains accidents passent également sous les radars, car les personnes concernées rentrent directement sur terre pour aller aux urgences. Suite à la demande de France 3, l'hôpital d'Arcachon n'a pas communiqué sur les prises en charges liées à ce type d'incidents.

Il y a plus d'opérations dans le bassin, car c'est un endroit où la pratique est favorable, c'est normal.

Laurent Damarin, chef de la division gestion et contrôle des activités maritimes de la délégation mer et littoral de la Gironde

à rédaction web France 3 Aquitaine

"Dans ces opérations, il n'y a pas d'accidentologie très marquante ou grave en Gironde, ce sont surtout des avaries", nuance Laurent Damarin, chef de la division gestion et contrôle des activités maritimes de la délégation mer et littoral de la Gironde. La majorité des opérations de sauvetages résultent en effet plutôt de soucis techniques. Selon lui, le désamour pour le jet-ski dans le bassin d'Arcachon provient davantage des nuisances sonores et des incivilités. "C'est un petit peu comme la motocross, compare-t-il. Cela cristallise les tensions parce que les gens sont excédés par le bruit."

Pour autant, toutes les personnes interrogées le rappellent : une majorité d'utilisateurs est respectueuse des règles. "C'est malheureux, car il y a plein de gens avec qui il n'y a pas de problèmes, mais ils risquent de payer pour tout le monde", considère le commandant Jérôme Goussard. "Quand il y a des randonnées encadrées par des professionnels, il n'y a absolument aucun problème. L'an dernier, on a surtout constaté des soucis avec des jeunes qui avaient leurs propres jet-skis", relève de son côté Benoît Dumeau.

Pour piloter ou louer un jet-ski, il faut un permis de plaisance. Mais parfois, certains s'en affranchissent. "On constate que souvent, le conducteur du jet-ski n'est pas le propriétaire. Il se le fait prêter ou le loue. Les loueurs ne louent qu'à des gens qui ont le permis, mais parfois l'engin passe de mains en mains", souligne le commandant Jérôme Goussard. Il pointe également certains loueurs qui, parfois, ont "plus ou moins le temps d'expliquer les consignes et particularités du bassin d'Arcachon". Malgré plusieurs sollicitations, les professionnels de la location de jet-ski de la commune d'Arcachon n'ont pas donné suite.

Les jet-skis n'ont pas le monopole des incivilités

Mais certaines solutions existent pour les loueurs, selon Benoît Dumeau : "Certaines entreprises ont installé des routeurs, permettant de limiter la puissance en fonction des zones de navigation." La zone du banc d'Arguin, par exemple, est limitée à 5 nœuds. Une vitesse souvent dépassée par les jet-skis, mais pas seulement. "On constate qu'il n'y a pas plus d'infraction pour les VNM que sur les navires, il y en a autant, relève Laurent Damarin de la délégation Mer et Littorale de Gironde. Mais si on rapporte le nombre d'infractions au nombre de VNM, le taux d'infraction est plus élevé pour eux."

La moitié des infractions mènent à une suspension de permis de plaisance.

Jérôme Goussard, commandant de la brigade de gendarmerie nautique d'Arcachon

à rédaction web France 3 Aquitaine

Laurent Damarin prône, quant à lui, les contrôles. En saison estivale, la brigade nautique de la gendarmerie possède en permanence un navire et un jet-ski sur le bassin d'Arcachon. Si les gendarmes ont quelques renforts en été, ils restent trop peu nombreux par rapport à l'afflux touristique. Alors, depuis quelques saisons, ils font des contrôles aux cales de mise à l'eau. Une manière de prévenir de leur présence, ceux qui ne possèdent pas les autorisations nécessaires pour piloter un jet-ski.

De plus en plus de navires sont également utilisés pour faire la fête sur l'eau, les "boat parties", avec de la musique parfois très forte. Mais c'est la puissance des moteurs de jet-ski et leur bruit qui est davantage mis en accusation. "Même si parfois ça se passe très bien, cela représente tout de même une nuisance sonore et de la pollution, quoi qu'il arrive ", dénonce Vital Baude.

Selon l'élu, les jet-skis sont également très nocifs pour la biodiversité : "Ce sont des engins qui peuvent aller dans des faibles fonds, dans les endroits de reproduction des poissons, avec leurs turbines, ils détruisent la vie. On vise la fin des moteurs thermiques des voitures et pour cela, on ne fait rien."               

Un choix politique ?

L'élu écologiste demande purement et simplement l'interdiction de la pratique du jet-ski sur le bassin d'Arcachon. Une mesure qui semble inenvisageable pour Laurent Damarin de la délégation mer et littoral. "Je conviens que sur le bassin d'Arcachon, avec son milieu fermé, ces pratiques sont beaucoup plus visibles. Mais il y a le principe de liberté fondamentale en mer, avertit le chef de la division gestion et contrôle des activités maritimes. En dessous des 300 m, les maires peuvent réglementer, mais au-delà non."

Pourtant, certaines municipalités ont trouvé des moyens de limiter la présence des jet-skis malgré tout. À Banyuls-sur-Mer ou à Argelès-sur-Mer dans les Pyrénées-Orientales, les municipalités ont fait le choix de l'interdiction de la mise à l'eau des scooters des mers. Sur le bassin d'Arcachon, de moins en moins de cales sont autorisées pour mettre à l'eau son jet-ski. 

Les élus voient l'intérêt économique avant tout alors que je pense que l'intérêt général et la protection de l'environnement devraient primer !

Vital Baude, conseiller municipal d'opposition à Arcachon

à rédaction web France 3 Aquitaine

Selon le commandant de la gendarmerie nautique d'Arcachon, Jérôme Goussard, la mairie d'Arcachon a conscience du mécontentement lié aux jet-skis et commence à s'y pencher. Des démarches dont n'a pas eu vent l'élu d'opposition Vital Baude. D'après lui, les jet-skis "énervent tout le monde" depuis longtemps et "la mairie le sait très bien, mais ne fait rien". "C'est l'économie avant tout, au détriment de la nature. Il y a une pression de la part d'un certain nombre d'acteurs économiques", soulève-t-il. Contacté, le maire d'Arcachon, Yves Foulon, a déclaré "ne pas vouloir s'exprimer sur le sujet", sans plus de précisions.

Vital Baude espère le développement des loisirs nautiques doux comme la voile, le kayak ou le paddle. "L'aspect économique peut très bien se développer autrement, insiste-t-il. Mais même le fait de diminuer la vitesse autorisée sur le bassin, ce n'est pas à l'ordre du jour." Si, du fait de "certains comportements", les jet-skis sont pointés du doigt, des mesures à leur encontre ne semblent pas à l'ordre du jour sur le bassin d'Arcachon. À l'approche de la saison estivale, le sujet cristallise déjà les tensions. Mais avec ou sans nuisances, les touristes devraient bien être au rendez-vous sur le bassin d'Arcachon pour les beaux jours.

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité