L’association environnementale Ceba a porté plainte jeudi 11 janvier pour pollution et mise en danger d’autrui lors de l’interdiction de vente d’huîtres du bassin d’Arcachon au moment des fêtes. Elle dénonce une omerta débutée en novembre.
“Beaucoup savaient”, débute Jacques Storelli, président de la coordination environnement du bassin d’Arcachon (Ceba), qui regroupe 23 associations. La Ceba vient de porter plainte contre X pour dénoncer la commercialisation des huîtres à la période des fêtes. Elle a été déposée auprès du parquet environnemental de Bordeaux. “Quand il y a une contamination en novembre et que l’alerte n’est donnée que le 27 décembre, il y a forcément un problème dans le processus”, avance Jacques Storelli.
Phénomène récurrent
Pour celui qui exerce en parallèle en tant qu’avocat, il ne s’agit pas d’un manque d’anticipation. “L’année dernière, en février, nous avons eu un épisode similaire de gastro-entérite et d’huîtres interdites suite à la pollution du bassin. C’est plutôt récurrent comme phénomène”, indique le président de la Ceba.
Dans sa plainte, l’association regrette des défaillances dans le processus. “On s’attendait à ce que les autorités prennent des mesures début décembre, compte tenu de la pollution mi-novembre. Les ostréiculteurs auraient alors eu un plan B au lieu de perdre une partie de leur vente”, envisage Jacques Storelli. “On peut se poser la question de savoir si les services de l'État ont hésité à utiliser ce principe de précaution, qui les aurait poussés à courageusement dire aux ostréiculteurs de suspendre la commercialisation le 15 décembre”.
Face à la réaction “tardive” de la préfecture, l’association s’interroge. “Est-ce que les analyses ne devraient pas être plus récurrentes à cette période, compte tenu du risque avéré de pollution ?”, questionne Jacques Storelli.
Il aurait fallu prendre des mesures exceptionnelles à situation exceptionnelles.
Jacques Storelliprésident de la Ceba
Fréquence, délai d’analyse, l’association espère obtenir de nombreuses réponses autour de ce qu’elle nomme “la chaine de responsabilité”. Selon certains ostréiculteurs, les analyses pour l’Escherichia coli sont réalisées quotidiennement. Celles pour les norovirus en revanche ne sont ordonnées qu’en cas d’épidémie. Contactée, la préfecture de Gironde n'a pas souhaité répondre, "une enquête étant désormais entre les mains du Parquet".
"Une eau qui ne sentait pas bon"
S’il n’accuse pas nécessairement les autorités d’avoir mis en place une omerta autour de cette contamination, Jacques Storelli refuse de croire à leur ignorance. “Soit tous les ostréiculteurs ignoraient que l’eau était polluée gravement aux alentours du 15 novembre, mais c’est difficile à affirmer, soit, ils savaient. Pour autant, on est peut-être restés servile d’un système administratif long”, envisage Jacques Storelli.
Ils travaillaient les pieds dans une eau qui ne sentait pas bon. Mais du moment où l’administration leur dit "vous pouvez continuer à vendre", qu'auriez-vous fait à leur place ?
Jacques Storelliprésident de la Ceba
La production des ostréiculteurs du bassin d’Arcachon avait été interdite par la préfecture de Gironde le 27 décembre, quelques jours après les fêtes de Noël. Les ostréiculteurs avaient évalué à deux tiers les ventes d’huîtres dans cette période.
Le réseau d'assainissement pointé
Dans sa plainte, la Ceba pointe du doigt le réseau d’assainissement des eaux usées, géré par le Syndicat intercommunal du bassin d’Arcachon. “On a eu un phénomène de pollution observée mi-novembre, avec des eaux souillées par les eaux usées”, explique Jacques Storelli. “Tout le réseau était en saturation et se mélangeait avec les eaux pluviales”.
Ces accusations, l’association n’est pas la première à les porter. Le 29 décembre, l’association Adeba, dirigée par Thierry Lafon portait déjà plainte contre le Siba, l’accusant d’avoir “pollué les eaux du bassin”.
Le parquet de Bordeaux vient d’ailleurs d’ouvrir une enquête pour “écocide”, liée à cette première plainte de l’Adeba, qui souligne deux événements : le débordement d’un bassin à Lanton, puis d’un second, début janvier, à Audenge. De leur côté, le comité régional conchylicole devrait organiser un référendum pour décider de porter plainte, à leur tour.