Ce mardi 9 juin, Bruno Le Maire a décrété l'état d'urgence pour sauver l'industrie aéronautique. Un plan pour peut-être sauver 100 000 emplois menacés. Il prévoit un fonds de soutien aux PME dès cet été, mais aussi un investissement sur les nouvelles technologies et l'avion zero carbone. Réactions.
"Le choc est brutal, c'est du jamais vu, il n'y a pas de problème de grand ou de petit, cela impacte tout le monde !", le ton est donné par Jérôme Verschave, le directeur d'Aérocampus Aquitaine à Latrenne en Gironde.
Un site, qui comme d'autres, vit directement ou indirectement de la filière aéronautique puisqu'il forme en apprentissage 300 élèves par an aux métiers de la maintenance aéronautique.
On a aussi perdu énormément d'activités sur l'apprentissage, on a ainsi établi un prévisionnel de besoin d'accueil du nombre d'apprentis en baisse de 30% dès septembre...
Jérôme Verschave, directeur d'Aérocampus Aquitaine
Aussi l'annonce faite par Bruno Le Maire, le Ministre de l'Economomie et des Finances, ce mardi 9 juin, dès 9 heures à Bercy, d'un gigantesque plan de soutien tombe à pic car selon Bruno Le Maire "le trafic aérien ne devrait pas revenir à son niveau de décembre 2019 avant 2 ou 3 ans".
Bruno Le Maire a donc annoncé un plan de soutien à l'aéronautique, l'Etat devrait débloquer 15 milliard d'euros :
Nous décrétons l'état d'urgence pour sauver notre industrie aéronautique et lui permettre d'être plus compétitive et plus décarbonée.
Bruno Le Maire - le Ministre de l'Economomie et des Finances
La filière pèse 65 milliards d'euros, premier poste excédentaire dans la balance commerciale, jusqu'à cette crise.
Pour Gérard Russo, Président de Ventana, société basée dans six pays dont la France - notamment dans le Béar n-, qui emploie 1100 personnes, dans 3 branches :fonderie, mécano-soudure et mécanique, et travaille avec Airbus : "ce qui est annoncé, c'est bien, c'est positif, mais c'est une annonce. C'est en haut du mur qu'on voit le maçon , ce n'est pas en bas..."
Le plus important maintenant c'est l'exécution, le dire c'est bien, le faire c'est mieux.
Gérard Russo - Président de Ventana -
"Sur les 15 milliards annoncés, il y en a 7 pour Air France, il en reste donc 8. Sur les thèmes, on ne peut être que d'accord, après comment cela se décline ? Nous, on était solide financièrement, notre budget est de 90 millions d'euros, on était sain, pas inquiet, on n'a même pas demandé de PGE, d'emprunt garanti par l'Etat...Maintenant, nos craintes vont plus vers des gens qui vont faire du mécano industriel, c'est une centralisation avec quelques personnes qui vont décider, ce n'est pas la meilleure façon de faire. Deux solutions : ou on investi davantage dans notre société et on garde notre indépendance, ou alors c'est un Français qui nous rachète et prend le contrôle... À quel niveau les capitaux seront investis, l'avenir le dira..."
La crise du #coronavirus a porté un coup d’arrêt brutal au transport aérien. La réponse du @gouvernementFr : 15 milliards d’euros d’aides, d’investissements et de prêts pour soutenir la filière aéronautique, stratégique pour la France. #PlanAéro pic.twitter.com/y9XE94xPKG
— Ministère de l'Économie et des Finances (@Economie_Gouv) June 9, 2020
Chez Thalès Mérignac, Philippe Besnier délégué syndical CFDT reconnaît : " Oui, ils mettent 15 milliards sur la table, cela ne pourra faire que du bien, car ils misent pas mal sur l'innovation".
Cela ne pourra faire que du bien sur Thalès Mérignac parce que nous sommes très impacté par la situation de l'avionique en crise. Il faudra voir comment ces aides seront disponibles au niveau de Thalès Groupe" Philippe Besnier - CFDT Thalès Mérignac -
"De voir qu'Airbus, Safran et Thalès, tous les groupes s'accordent c'est bien, après il faudra voir. On est dans une situation relativement critique même si le trafic aérien va repartir rapidement."
Ce sont 2800 salariés qui travaillent en Gironde pour Thalès mais avec encore pas mal de monde en chômage partiel jusqu'à la fin de l'année. On a prochainement une réunion du comité de suivi de chômage partiel avec des salariés un peu désappointés. Nous sommes inquiets, on regarde cela de très très près. On essaie d'avoir un dialogue social constructif. Au niveau de l'établissement, les conditions sanitaires sont bien prises en compte, acceptables pour la reprise. Pour tous ceux qui sont en télétravail, certains se sentent un peu mis à l'écart..."
Un fonds d'aides d'un milliard d'euros sera débloqué dont 500 millions dès l'été pour soutenir les PME, avec 200 millions apportés par les industriels, 200 millions par l'Etat et 100 millions par le biais de la BPI, selon Bruno Le Maire.
Un report des remboursements de crédit à l'export pour les compagnies aériennes pour un coût d'1,5 milliard d'€, l'Etat apportera une garantie financière pour des reports de commandes d'avions plutôt que des annulations. "Il n'y aura pas de remise en cause de la ligne de production de l'Airbus XLR mais on sera pragamatique, il nous faut une carnet de commandes.", selon Bruno Le Maire qui répondait aux questions des journalistes.
Le virage de la transformation et de l'aviation plus propre
L'autre grand volet de ce plan concerne la modernisation et la transformation en aviation plus propre.
Elisabeth Borne, Ministre de la Transition Ecologique et Solidaire, a précisé que la filière aéronautique allait "accélérer sa transformation pour en faire un leader mondial en matière d'aviation zéro carbone. Et de souligner "une augmentation massive des dépenses pour l'émergence d'une aviation décarbonée. Airbus représente 50% des avions dans le monde et Safron 70% des moteurs des courts et moyens courriers. Nous passons de 135 millions à 300 puis 600 millions en 2021 et 2022 en faveur d'une technologie de rupture vers des avions plus propres. Le successeur de l'A320, avion le plus vendu dans le monde, sera développé dès 2030, avec une diminution de 30% des gaz à effet de serre et tendre vers l'hydrogène avec zéro émission".
Pour Thomas Naulleau, dirigeant des Ateliers Bigata, 80 salariés à Eysines : " Ce plan est pertinent, mais pas suffisant pour sauver tous les emplois qui risquent de disparaître".
Ce sont des outils pour éviter l'écroulement complet de la filière, mais pas suffisants pour éviter une restructuration qui malheureusement aura lieu.
Thomas Naulleau - directeur Ateliers Bigata -
L'activité de cette entreprise girondine est tombée en dessous de 50%, " On a utilisé le chômage partiel pour 2/3 des effectifs" : "la situation elle est subie, alors que nos salariés n'ont pas démérité, elle est due à cette contraction violente..." "Cette enreprise a une activité liée à la R&D pour l'aérospatial et la défense : là il y a des projets et des budgets et on sera sollicité, de même sur la pile à combustible pour un transport aérien décarboné, mais sur l'aspect maintenance, qui représente 90% de notre chiffre d'affaires, cela va être difficile avec notamment la mise à la casse..."
Thomas Naulleau salue la "prise en compte réaliste des ministres concernés de l'ampleur des dégâts, en reconnaissant qu'on va mettre trois ans pour que l'activité revienne au niveau de 2019, mais je ne conçois pas de conserver des salariés pendant deux ans en activité partielle. Sachant qu'il va y avoir des effets à partir de 2021, d'ici là on sera obligé de se restructurer ce qui sera sinistre sur le plan humain, d'autant qu'on fonctionne avec 70% de l'activité à l'export".
Huit hélicoptères CARACAL dès 2023
"Cette crise aussi grave appelle nécessairement une réponse forte", commentait en introduction Florence Parly la Ministre des Armées pour le volet la concernant.
Au seuil d'une crise majeure, il n'y a pas l'équipe civile d'un côté et l'équipe militaire de l'autre, il y a l'équipe France. Il y va de la souveraineté de nos emplois et de notre économie.
Florence Parly - Ministre des Armées -
Et de détailler les crédits qui vont passer de 2 milliards à 3,5 milliards en 2025 pour l'aviation de combat. "Nous ne dépendons de personne pour produire nos équipements, c'est l'une des industrie les plus indépendantes au monde".
"600 millions de commandes militaires vont être accélérées. Acquisition de trois avions A330 pour l'Armée de l'Air en remplacement des A310 et A340. Huit hélicoptères Caracal sont aussi commandés pour remplacer les hélicoptères qui ont plus de 40 ans d'âge. Ils devraient être remplacés dès 2023 a lieu de 2028."
Bruno Le Maire a estimé en fin d'intervention que "si nous n'étions pas intervenu tout de suite, ce sont 1/3 des emplois, 100 000 sur 300 000 directs et indirects qui auraient disparu, cela aurait été un drame familial et territorial". Pas évident que tous les emplois soient sauvés, l'avenir proche nous le dira.